Je viens de terminer la lecture de l’ouvrage de Michel Houellebecq. C’est la première fois que je lisais cet auteur. Les remous nauséeux qu’avaient suscités ses bouquins précédents ne m’avaient pas donné l’envie de consacrer du temps à cette littérature, d’autant moins qu’existaient plein d’autres choses intéressantes à lire et dont on parlait moins.Mais se refuser de lire un auteur quand on se pique d’éclectisme finit par donner mauvaise conscience. J’ai donc profité de cette consécration que semble être le prix Goncourt pour m’attaquer au roman. Ce prix est théoriquement une garantie. L’ouvrage ne peut quand même pas être totalement nul !Et j’ai lu.Dès la première ligne le ton est donné. Vous vous trouvez en troublante compagnie, celle de deux artistes contemporains pour « de vrai », Jeff Koons et Damien Hirst, dont la renommée semble due plus à un fort potentiel de provocation et à un sens aigu des affaires, qu’à l’esthétique proprement dite. Mais peut-être est-ce là l’essence même de ce qu’on appelle l’art.Ainsi le lecteur pressent qu’il va devoir naviguer entre fiction et réalité, découvrir du « beau linge », celui des salons parisiens, avide de clinquant, de cancans, et d’argent facile. Ça peut plaire à certains. En tous cas ce sera plein d’enseignement, pour nous les bouseux de province.Et, entre ces deux monstres d’artistes, apparaît quasiment timidement, un homme, Jed, qui se révèlera vite être un des héros d’une longue histoire.Mais un héros humain.Car Jed n’est pas un pur esprit, il partage aussi les soucis des simples mortels que nous sommes. Merci Houellebecq de nous permettre de nous identifier un peu à ces personnages exceptionnels qui malgré tout connaissent la révolte d’un chauffe-eau récalcitrant et les innombrables lapins que nous posent les plombiers français. Bienvenue donc au plombier polonais, sauf que dans le roman, il n’est que croate.Mais Jed est avant tout un artiste, qui a hérité d’un grand-père photographe la passion pour cette technique qu’il met au service des objets manufacturés. Puis sa fascination pour les cartes Michelin le fera basculer vers la peinture et rencontrer une russe superbe, sans doute trop belle pour lui. Grâce à elle, peut-être, il se mettra à s’intéresser aux personnages humains, peignant les hommes qui marquent leur époque. C’est la renommée internationale faite par et pour ces pauvres milliardaires collectionneurs, un tantinet fêlés. Est-il heureux ce Jed ? Pas vraiment. Fils d’une mère suicidée et d’un père inconsolable, architecte de génie qui se fera mourir avec ses rêves, il a bien du mal à vivre.Mais l’intérêt de l’histoire qui faiblirait un peu est relancé lorsque Houellebecq, l’écrivain, convoque comme autre héros, un homme très célèbre, un écrivain de génie méconnu, jalousé et honni par beaucoup, un certain Michel Houellebecq. Cet homme, malgré son gros paquet de névrose, se révèle touchant, finalement attachant. Il refuse d’être aimé, à commencer par lui-même, mais il en crève d’envie. Alors, soyons pas vache, donnons lui son Goncourt, depuis le temps qu’il l’attend. C’est vrai qu’il est un peu logorrhéique, mais il ne faut pas lui en vouloir, c’est normal avec ses problèmes d’intestins. Allez, on lui donne et qu’on en parle plus. Imaginez qu’un jour on le trouve suicidé, avec sa tête posée sur la cheminée, on se sentirait coupables. Et on ne pourrait pas faire appel au commissaire Jasselin, qui avec sa couille molle comme celle de son chien Michel ( ! ), et du fils du chien, Michou, serait capable de nous en rendre responsable. Allez, va, donnons lui son Goncourt. Ça le fera vendre, ça plaira à Flammarion, et puis, c’est notre raison d’être à nous, les Goncourt, nous l’intelligentsia parisienne !
Billet de blog 30 novembre 2010
La carte et le territoire
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