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Billet de blog 13 septembre 2024

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Le Chien sans nom

Une histoire toute simple, loin des remous de la politique.

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Illustration 1

Un paisible coin d’Italie où je crois que j’ai laissé quelques battements de cœur auprès des plus humbles, ceux dont l’hospitalité tourne éternellement entre les sourires, le café, et un de ces petits blancs qu’ils versaient comme on partage le bonheur quand il est là, avec générosité. La vallée s’étale avec paresse de l’aube à la nuit, entre les montagnes qui semblent la protéger des maléfices venus d’ailleurs. De petits villages blottis sur les flancs sont autant de taches blanches qui sèment leurs éclats de pureté sous les rayons du soleil. On m’appelait le professeur, parce que j’étais souvent en train d’écrire. Il est vrai que ma plume s’emballait parfois sur le papier, résumant des histoires où les guitares et les idoles tourbillonnaient sur des mots puisés dans les sillons d’un disque en vinyle. Ces mots partis de là, prendront le chemin qui les conduira vers les rotatives de l’imprimerie pour s’aligner en colonnes sobres et régulières sur les pages d’un magazine. Nul ne sait où et comment ils ont pris forme, ils sont juste de papier avec un soupçon de plaisir traduit en couleur d’encre.

Portant, il y a une histoire qui les accompagne, histoire que je n’ai jamais écrite, en valait-elle la peine ? Je n’en sais rien, tant d’étés sont revenus depuis, que je doute qu’il reste un coin d’âme qui s’en souvienne.

C’était mon premier séjour dans ce petit hôtel où je m’arrêterai souvent. Un de ces hôtels ou il fait bon souffler, où les gens simples viennent boire le verre qu’ils ont durement gagné. Ils viennent vous serrer la main en faisant ce geste exquis, perdu dans les sables du temps, celui de se découvrir pour vous saluer. Dame, je suis un professeur, mais il payait aussi ce verre qui ne coûtait presque rien et que je buvais avec eux en sortant mon italien des grands jours. Le patron avec sa boule de billard en guise de binette savait aussi manier la recette de cuisine avec tout le bonheur de la terre. Nous avions souvent droit à ces merveilleux champignons qu’il allait cueillir dans le petit matin. C’était un cadeau qu’il ajoutait au menu, par ailleurs richement garni de toutes ces merveilles que  l’Italie sait si bien accommoder à toutes les sauces.

C’était un petit chien qui errait en cherchant sa fortune. Elle devait se résumer en quelques morceaux de nourriture que son corps maigre réclamait de toutes ses forces. Né dans un coin sombre, chassé à coups de pieds, il avait toute la liberté dont il ne voulait point. Il débordait de désir, d’amour, qu’il aurait échangé contre quelques frétillements de queue. Mais nul ne voulait de lui, il essaya bien quelques fois, les yeux implorants, méfiant aux souvenirs de tous ceux qui l’avaient chassé avec des gestes et des mots durs. Craintif il était, craintif il resterait.

Alors que j’étais dans le jardin, il est venu vers moi. Il est resté à bonne distance,  étudiant le moindre de mes gestes, reculant si je faisais un geste, s’approchant si je restais immobile. Il a compris et surtout espéré au bout d’un moment que je ne lui voulais pas de mal, il s’est enhardi et est venu plus près. J’avais dans ma voiture un reste de repas dont le sommet consistait en une saucisse que je n’avais pas mangée. Je suis allé la chercher, tandis qu’il m’observait. Il a bien compris qu’elle lui était destinée. Vous savez, les chiens savent reconnaître à 50 mètres quelque chose qui se mange. Il hésitait, ne me lâchant pas du regard, un regard implorant, toute la tristesse du monde dans une paire d’yeux.  Pour finir, je l’ai lancée près de lui, il s’est couché et l’a dévorée avec délices. Il devait y avoir bien longtemps qu’il n’avait fait pareil festin, sa maigreur parlait pour lui.

Je suis parti faire mes affaires, il a continué d’errer dans les environs, à la bonne aventure.

Le soir en rentrant, on m’a dit que le petit chien qui errait s’était fait écraser par une voiture.

Une flaque de sang sur la route, c’est tout ce qu’il restait de lui.

Tant d’étés sont revenus depuis, parfois je pense encore à lui, au petit chien sans nom.

Illustration 2
C'était ici

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