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Billet de blog 30 mars 2018

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En face de l'Autre

Un réfugié en face de soi

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

D’où vient-il cet autre ?

Il est là, arrivé d'ailleurs, d'un pays en guerre, d'un coin de misère, la fin d'une longue fuite où il a couru plus vite que le persécuteur qui agitait sa face hideuse de nanti, pour lui dire qu'il ne méritait que la misère.

Qui est-ce ?

Je ne le connais pas, il a un visage mais pas de nom. Il est blanc, il est noir, il est autre, il a une couleur qui ne veut rien dire, sinon que c'est la seule qu'il puisse m'offrir

Que veut-il ?

La peur réciproque des inconnus, la crainte de découvrir l'autre, deviner, espérer le geste qui sera le début d'une réponse. Je voudrais faire un pas vers lui, esquisser un sourire pour le rassurer. Je n'ose pas, j'ai trop de laideurs en moi que je veux ignorer, qui sont peut-être la cause de son malheur. Pourtant il n'a pas l'air de me juger, de venir ici pour me demander réparation. Est-il envoyé par le destin pour me dire : "regarde ce que tu as fait".

Que sera maintenant ?

Il y a tant de choses dont je suis complice avec les autres, mon confort, mes jugements hâtifs, l'ignorance du regard qui ne veut pas voir, mon moi qui ne voit que moi. J'ai envie de lui dire tout cela et plus encore. Toi l'Autre, viens vers moi. Je sais, tu viens les mains vides. Sans que tu le saches, ta venue est un présent qui me donne une raison de croire. Il y avait encore en moi une petite lumière qui ne demandait qu'à briller plus fort, et je viens de la découvrir. Je ne t'appellerai pas mon ami, car tu es mon frère. Les amis sont ceux que l'on choisit, ceux qui peuvent te trahir. Les frères sont unis par le hasard du destin qui choisit de faire couler le même sang dans les veines. Nous allons communier sans religion, sans nom de dieu qui divise les hommes, sans politique qui les transforme parfois en bêtes immondes. Partageons le repas qui apaisera un peu de ta faim de tout et la mienne qui a maintenant soif d'un peu de justice.

Que sera demain ?

Tu sais, je voudrais te dire qu'ici, il y en a qui croient que le sang peut être impur, que le tien l'est sûrement, même s'il est le même que celui qui coule en moi. Ils croient que la pureté de leur sang est certaine, qu'elle est un don de la terre sur laquelle ils sont nés. Ils peuvent tuer pour l'affirmer bien fort.

D'autres se moquent de la couleur de ton sang, ils ont peur de toi, que tu viennes leur réclamer ce qu'ils t'ont volé au nom de quelques principes qui font d'eux des riches, des puissants. Même si tu es juste venu pour avoir un bout de pain, qu'importe tu es le mal. Ils n'osent pas se regarder dans le miroir, ils ont trop peur de voir sur leur visage un rictus hideux. Pour se donner bonne conscience, ils écrivent des lois qui justifient le pillage, qui font de toi un coupable si tu demandes justice. Ils peuvent te jeter en prison en applaudissant le juge qui applique servilement ces lois.

Oui tu as compris, ici tu es un indésirable, tu n'es que l'épouvantail que l'on agite pour effrayer ceux qui auraient envie de faire comme toi.

Tu es maintenant mon frère, d'autres sont et seront comme moi, d'autres t'adopteront dans leur famille. Nous lutterons avec l'espérance de vivre pour des lendemains qui n'auront plus de préjugés. Les autres continueront de vivre avec leurs pauvres certitudes, certitudes du moment, nuages qui passent dans le ciel. Dans leur course, ils peuvent disparaître derrière l'horizon, s'amonceler dans le ciel pour se muer en orage à la foudre redoutable.

Un jour, qui sait, je serai face à toi et je serai celui que tu as été, c'est moi qui aurai besoin de toi. T'en souviendras-tu ?

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