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Billet de blog 11 février 2014

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Pas de nouvel essai atomique de la Corée du Nord... Pas de désarmement nucléaire non plus

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Fort heureusement, la planète a échappé pour l’instant à un nouvel essai nord-coréen. Il est à craindre en revanche qu’elle ne puisse échapper indéfiniment aux dangers de la prolifération nucléaire, que les cinq Etats dotés d’armes nucléaires et signataires du Traité de Non Prolifération (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France et Chine) encouragent en ne respectant pas leur propre engagement d’éliminer leurs armes nucléaires (article 6 du TNP).

En ce qui concerne la France, la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2014-2019 prévoit de consacrer près de 4 milliards par an -au total, plus de 23 milliards- à développer de nouvelles armes nucléaires. Ces dépenses ne sont pas seulement inutiles, elles sont nuisibles à la sécurité de la France et du monde. Elles bafouent l’engagement pris par les Etats nucléaires membres du TNP et prouvent que la France n’a nulle intention de tenir sa parole.

L’attitude de la diplomatie française renforce cette perspective : non contente de ne pas se rendre en mars 2013 à la conférence d’Oslo où 127 Etats ont reconnu et dénoncé à l’unanimité les effets catastrophiques des armes nucléaires, elle a poussé les autres Etats nucléaires à en faire autant, et adopte la même attitude pour la conférence de Mexico qui va avoir lieu sur le même sujet dans quelques jours.

La langue de bois officielle ne saurait masquer cette triste réalité.

Ainsi, réagissant à la Lettre ouverte au Président de la République dont une délégation d’ACDN avait déposé à l’Elysée, le 9 mars 2013, plusieurs centaines d’exemplaires signés (notamment par Stéphane Hessel peu avant son décès et 112 autres personnalités associatives, politiques, artistiques ou religieuses françaises et étrangères), M. Pierre Besnard, Chef de Cabinet du Président de la République, nous écrivait le 3 avril 2013 :

"Le Président de la République a bien reçu votre nouvelle correspondance.

"A cet égard, le Chef de l’Etat tient à vous indiquer que l’action de la France en matière de lutte contre la prolifération, de maîtrise des armements et de désarmement, demeure guidée par des principes constants et conformes aux objectifs fixés par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

"La France prendra donc toute sa part aux négociations et discussions sur le désarmement nucléaire, sans renoncer à notre force de dissuasion, élément essentiel à notre sécurité qui contribue à garantir la paix."

(Référence : PDR/SCP/E&A/A004134)

Si notre "force de dissuasion" est un "élément essentiel de notre sécurité" et si elle "contribue à garantir la paix", il serait inconséquent, voire criminel, de s’en dessaisir jamais. Dans ce cas, on voit mal quelle part la France pourrait prendre aux "négociations et discussions sur le désarmement nucléaire"... à moins qu’il ne s’agisse du désarmement des autres, et que sa part à elle consiste à conserver ses armes, paix et sécurité obligent ! Mais pourquoi les autres devraient-ils désarmer, si nous ne le devons pas ?

Le seul principe réellement suivi par la France avec une belle constance depuis plus d’un demi-siècle, c’est de conserver sa "force de frappe" contre vents et marées, quitte à en moduler le format par opportunité et pour faire croire qu’elle souhaite désarmer, tout en adaptant son discours "dissuasif" aux fluctuations externes (la fin de la guerre froide, par exemple) pour faire croire qu’elle en a et en aura toujours besoin. Ce principe n’est certainement pas "conforme aux objectifs fixés par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires" ni à l’avis du 8 juillet 1996 de la Cour internationale de Justice, qui affirme qu’"il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace."

Le double langage de la France sert d’alibi aux quatre autres Etats dotés d’armes nucléaires pour n’entreprendre aucune négociation. Mais il incite les Etats qui n’en possèdent pas à vouloir s’en procurer et ceux qui en ont mais n’ont pas signé le TNP (Israel, l’Inde et le Pakistan) ou s’en sont retirés (la Corée du Nord) à conserver et développer leur arsenal. La "prolifération verticale" française, prétendument justifiée par les besoins de sa sécurité, renvoie aux calendes grecques le désarmement nucléaire et encourage la prolifération tant horizontale que verticale, laquelle a toutes les chances d’aboutir un jour ou l’autre à une catastrophe atomique.

Il serait temps que la France et les autres Etats officiellement dotés d’armes nucléaires s’interrogent sur leur propre politique nucléaire. La Conférence de Mexico pourrait leur en offrir l’occasion.

"La France prendra donc toute sa part aux négociations et discussions sur le désarmement nucléaire."

Rendez-vous à Mexico, Monsieur le Président !

www.acdn.net

Pas de nouvel essai atomique de la Corée du Nord... Pas de désarmement nucléaire non plus

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