MM. Poutine et Zelensky vont-ils se rencontrer en Turquie cette semaine ?
Comme le disait ce matin Paul Quinio dans son édito de Libération, « avec un animal politique aussi torve que Vladimir Poutine », on ne peut pas se fier à sa parole. Il faut se méfier et jouer serré. Il faut notamment lui trouver une porte de sortie honorable, capable de satisfaire au moins l’un de ses principaux buts de guerre qui, à certains égards, pourrait apparaître légitime, sans avaliser pour autant la méthode par laquelle il l’a atteint en piétinant le droit international (et tout particulièrement le mémorandum de Budapest, d’une façon absolument scandaleuse). Il s’agit de la Crimée. Elle est de toute façon définitivement perdue pour l’Ukraine, Poutine ne reviendra jamais là-dessus.
Elle l’a été grâce à un référendum imposé par Vladimir Poutine, dont les résultats n’ont été reconnus ni par l’Ukraine, ni par « la communauté internationale ». Mais s’il a été écrasant en faveur du rattachement de la Crimée à la Russie, ce résultat n’était pas tant dû à la présence oppressive des forces militaires poutiniennes qu’à la proportion très fortement majoritaire de population russophone et russophile en Crimée. Un nouveau référendum qui serait pratiqué dans des conditions réellement libres et démocratiques donnerait probablement un résultat final similaire ou allant dans le même sens.
En proposant à Vladimir Poutine de faire revoter les habitants de la Crimée dans le cadre d’un référendum dont les préparatifs et le déroulement se feraient sous le contrôle d’observateurs neutres internationaux et dont les résultats seraient par conséquent, quels qu’ils soient, reconnus internationalement, il y aurait de fortes chances pour que Poutine accepte cette solution. Elle se ferait, certes, probablement, aux dépens des revendications territoriales de l’Ukraine, mais elle serait doublement vertueuse dans la mesure où elle ferait respecter le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais où elle corrigerait aussi une autre atteinte passée à ce droit : l’attribution tout aussi autocratique de la Crimée à l’Ukraine par Khrouchtchev.
Cette solution par le recours au référendum, à un référendum libre et loyal, ne peut pas valoir dans l’immédiat pour résoudre le problème du Donbass, puisque des proportions importantes d’habitants pro-ukrainiens (y compris russophones) ont dû fuir le Donbass en raison de la guerre et de la domination des forces russes et russophiles. Mais on pourrait imaginer une période transitoire pendant laquelle ces habitants pourraient revenir y vivre en toute sécurité, sous protection internationale ou "binationale", avec les mêmes droits pour tout le monde.
Quoi qu’il en soit de l’issue diplomatique trouvée par les négociateurs ukrainiens et russes, qu’il s’agisse de Zelinsky et Poutine en personne ou de leurs représentants, il paraît essentiel pour l’avenir de l’Europe comme pour la vie des populations actuellement soumises à la guerre, qu’une issue soit trouvée dès que possible, mais qu’elle soit fondée sur le principe du respect du droit international. Lequel passe, notamment, par le respect de l’article VI du TNP par toutes les puissances nucléaires, Russie, Etats-Unis et France comprise. C’est fondamental, et c’est la condition pour ressortir de la nouvelle Guerre froide, aujourd’hui sur le point de devenir chaude, dans laquelle nous sommes entrés, à mon avis et sauf erreur, dans la deuxième quinzaine d’avril 2014.
Voir en ligne : De nouveau la Guerre froide