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Billet de blog 7 novembre 2010

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N° 110232.

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N° 110232. C’est le numéro d’identification d’une dépense fiscale, le « crédit d’impôt sur certains revenus distribués des sociétés françaises ou étrangères ». Vous n’en n’avez jamais entendu parler ? C’est normal. Une niche fiscale, particulièrement quand elle vise à réduire l’impôt sur les revenus du capital ou sur le patrimoine, ça doit rester discret. D’où l’intérêt, au départ, de choisir un nom qui sonne bien « techno », juste ce qu’il faut pour qu’un individu normalement constitué n’ait spontanément pas envie de se passionner pour le sujet. Juste ce qu’il faut pour qu’on ne comprenne pas tout de suite de quoi il s’agit.

On aurait pu appeler un chat, un chat (ou un scandale, un scandale) et parler de : « crédit d’impôt sur les dividendes ». Sauf que là, ça aurait été moins discret. Ça aurait même interpellé même un peu. Imaginez : vous avez des actions (déjà, il faut avoir les moyens d’en acheter : la France qui se lève tôt, elle n’en a point trop des actions…). Ces actions, comme il se doit, vous rapportent des dividendes. Et ces revenus supplémentaires vous permettent au final… de payer moins d’impôt ! Non, vous ne rêvez pas. Ou plutôt vous ne cauchemardez pas. Grâce à la formidable la niche fiscale n°110232, vos dividendes ne vous font pas payer plus d’impôt sur le revenu, mais vous en font payer moins. Plus vous gagnez, moins vous payez. Elle est pas belle la vie pour les actionnaires ?Allez, vérifiez ! C’est bien ce qui figure dans l’article 200 septies du code général des impôts : les contribuables qui ont leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4B du CGI bénéficient d’un crédit d’impôt de 50 % des revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères, plafonné à 115 € ou 230 €, selon la composition du foyer fiscal.évidemment, quand on est le Président de la République ou le Premier ministre et qu’on s’adresse à la France qui se lève tôt sur le plateau de TF1, on n’insiste pas trop sur la niche fiscale n°110232 (ni sur les nombreuses autres du même genre). On va plutôt lui parler de la « valeur travail » ou du « travailler plus pour gagner plus ». On va aussi lui faire un peu la morale, lui dire que les caisses de l’état et de la Sécurité sociale sont vides et qu’il va falloir se montrer responsable (en travaillant jusqu’à 62 ans, par exemple ou en ne remplaçant pas le départ à la retraite d’un fonctionnaire sur deux). Et puis on ne manque pas de pleurer un peu, la main sur le cœur, en évoquant le fardeau de la dette légué à nos petits-enfants pas encore nés, ce qui évite de parler des petits cadeaux qu’on fait aux actionnaires bien vivants.Heureusement, les interviewers sont généralement assez coopératifs. Ils n’insistent pas sur les petits détails, comme cette niche n°110232. Il faut reconnaître que ça casserait un peu l’ambiance sur le plateau du 20 heures. Parce que cette niche, créée en 2003, dans un contexte de dégradation continue des comptes publics, elle a quand même privé l’État d’un montant cumulé de recettes fiscales qui atteint la coquette somme de 2,7 milliards d’euros (selon les projets annuels de performances successifs annexés aux projets de loi de finances initiale). 2,7 milliards d’euros, ça en fait des crèches, des hôpitaux, des écoles et des bourses d’étude pour nos enfants dont on se soucie tant à la télé. Ça en fait des financements pour la recherche et les PME innovantes. Ça en fait des logements construits dans un pays où l’on a de plus en plus de mal à se loger. Mais, direz-vous, la niche fiscale n°110232, elle coûte cher, mais elle peut-être utile. C’est peut-être un investissement d’avenir.Ben, non, justement, elle ne sert à rien. Ce n’est pas un méchant agitateur qui le dit. C’est le gouvernement. Il admet aujourd’hui officiellement (seulement aujourd’hui, plusieurs années après la création de la niche) que le dispositif n’a aucune raison d’être et qu’il faut donc le supprimer. L’article 4 du projet de loi de finances pour 2011 propose en effet la suppression de l’article 200 septies du code général des impôts. L’étude d’impact du projet de loi justifie la proposition de suppression de la manière suivante :- l’argument « social » initialement avancé pour justifier la création de la niche se révèle sans fondement. « Le crédit d’impôt devait notamment compenser la diminution de revenu associée à la suppression de l’avoir fiscal pour les ménages modestes ». Or, la dépense fiscale bénéficie essentiellement aux plus hauts revenus : 61% des ménages du dernier décile de revenu en ont tiré partie contre seulement 5% des ménages du premier décile. Par ailleurs, 60% du coût de la niche se concentre sur le quart des ménages bénéficiaires qui saturent les plafonds applicables de 115 ou 230 € ;- les arguments économiques qui justifiaient l’existence de la niche sont également battus en brèche. D’une part, « la dépense fiscale n’est pas justifiée par l’atténuation de la double imposition des bénéfices, objectif rempli par les abattements proportionnel et forfaitaire sur les dividendes ». D’autre part, le dispositif ne permet aucunement d’atteindre l’objectif affiché du dispositif, à savoir « favoriser la capitalisation des entreprises françaises ». En effet, « la dépense fiscale en cause, d’un montant significatif (estimé à 600 millions d’euros au titre de 2010), correspond en pratique à un gain moyen par contribuable relativement faible (de l’ordre de 67 € au titre des revenus 2008) pour un effet négligeable voire nul en matière d’incitation à l’épargne sous forme d’actions ».Au total, si l’on en croît la très officielle étude d’impact associée au projet de loi de finances, la dépense fiscale n°110232 est une mesure très coûteuse, totalement inefficace sur un plan économique et injuste socialement. Dans ces conditions, on ne peut que se féliciter de sa suppression. Mais tout de même : quel aveu ! Le Gouvernement nous dit qu’il a jeté par la fenêtre 2,7 milliards d’euros avec ce dispositif. Pourtant, le bilan aurait pu être en dressé dès 2006 et les mesures correctrices adoptées depuis longtemps. Les données fiscales étaient disponibles et leur traitement n’était pas, techniquement parlant, difficile à réaliser (un étudiant en troisième ou quatrième année d’études économiques aurait pu le faire).Cet exemple illustre le caractère défaillant de l’évaluation des niches fiscales, y compris de celles qui ont un impact significatif sur l’équilibre des finances publiques. Il suggère aussi que des marges de manœuvre considérables existent dans la réduction de ces niches.Cet exemple illustre aussi, surtout, que la réduction des déficits publics est une priorité à géométrie variable pour le gouvernement. Car tous les arguments qu’il avance aujourd’hui pour supprimer cette niche fiscale étaient connus depuis longtemps. Il suffit de se rapporter aux débats parlementaires récurrents sur le sujet depuis des années. Néanmoins, manifestement, pour le gouvernement, il y a les bons déficits et les mauvais. Quand il s’agit de faire plaisir à son électorat, on peut dépenser (fiscalement) sans compter. http://desirsdavenir.org/e-media-tv-magazine-veille/lire-voir-ecouter/retablir-la-verite/1673-a-la-niche-.html

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