Une nouvelle crise s'annonce et il est encore difficile de trouver des informations pédagogiques et des propositions de solutions dans la presse aujourd'hui.
Sur le blog de Ségolène Royal il y a cette contribution que je vous propose.
La crise de la dette grecque a ajouté aujourd’hui (mardi 12 juillet) un nouvel épisode à son interminable feuilleton. La Grèce est empêtrée depuis juin 2009 dans des monceaux de dette publique, qui dépassent aujourd’hui les 150% du Produit Intérieur Brut. Avec la crise économique, les finances des autres états de la zone euro ne sont pas en meilleure posture: les Etats ont dû supporter les coûts de la crise financière en sauvant les banques de la faillite, en indemnisant des milliers de chômeurs supplémentaires et en aidant les entreprises en difficulté.Par une sinistre ironie, les banques sauvées par les Etats hier sont les banques qui exigent des taux usuraires aujourd’hui. Les taux d’intérêt à deux ans sur la dette grecque ont ainsi atteint les 26%. Les Etats fortement endettés, comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal ou l’Italie sont étranglés par le niveau des taux d’intérêt et rencontrent des difficultés croissantes pour financer leurs budgets, au point que certains évoquent ouvertement la possibilité de ne pas rembourser leurs dettes. D’autres, comme la Grèce, n’ont plus d’autre solution que de se soumettre aux plans d’ajustement du FMI ou de faire jouer la solidarité européeenne pour trouver des fonds.Depuis hier, les choses se sont encore accélérées. Nous vivons une vague d’attaques spéculatives sur les titres de dette européens, signe que les investisseurs, notamment américains, ont perdu toute confiance dans la capacité des dirigeants de la zone euro, réunis en Conseil des Ministres des Finances, à régler le problème du remboursement de la dette souveraine. La principale banque italienne, Unicredito, a ainsi perdu 30% de sa valeur boursière depuis le début du mois. Les taux des obligations d’Etat italiennes ont atteint leur plus haut niveau depuis la création de l’euro. Troisième pays émetteur de dette souveraine au monde (après les Etats-Unis et le Japon), l’Italie pose un risque sévère: toutes les banques européeennes détiennent des titres de dette italiens en quantités non négligeables. Si la valeur des titres de dette grecque ou italienne s’effondre, c’est donc la valeur des banques européennes qui diminue, et, par ricochet, leur capacité à prêter aux PME et aux ménages. BNP Paribas, par exemple, s’assoit sur 23 milliards d’euros de bons du trésor italien !!Comment un tel mouvement de panique a t-il pu se déclencher?Ce sont les propos de Madame Lagarde qui ont mis de l’huile sur un feu déjà bien alimenté. Lors d’une conférence de presse lundi, la nouvelle directrice du FMI a estimé que la Grèce, qui a spectaculairement réduit son déficit budgétaire de 5 points en un an, n’avait pas fait d’efforts « suffisants ». On croit rêver, surtout quand ces propos sortent de la bouche d’une ancienne Ministre des Finances qui a creusé le déficit public français de 5 points ! Nicolas Sarkozy, qui a proposé la candidature de Madame Lagarde à la tête du FMI, peut être fier de son choix…L’incapacité des dirigeants de la zone euro à stopper une bonne fois pour toutes la spéculation sur la dette grecque a montré aux marchés financiers la faiblesse de l’Union Européenne. Si les Européens ne sont pas capables d’aider la Grèce, dont le PIB ne représente que 3% de celui de la zone euro, il existe en effet des raisons de s’inquiéter pour l’avenir de la dette italienne, dont l’économie est la 3ème de la zone euro. Ces derniers mois, les égoïsmes français et allemand ont empêché l’émergence de toute solution. L’attentisme du Président Sarkozy est encore moins pardonnable que les banques françaises, et par ricochet leurs clients français, sont en première ligne: la France est le pays le plus exposé à la dette grecque, avec 56,7 milliards d’euros de créances publiques et privées. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sont en train d’entrer dans l’Histoire à reculons, en s’illustrant par leur incapacité. Et que dire de Silvio Berlusconi, érigé en meilleur ami par Nicolas Sarkozy alors qu’il vient tout juste d’être reconnu coupable d’avoir corrompu un juge dans une affaire de gros sous?Ces atermoiements ont enlevé toute crédibilité à l’Union Européenne. En ces heures graves, les Ministres des Finances européens s’obstinent à croire que la crise de la dette européenne n’était qu’un problème grec. Aujourd’hui encore, la réunion du conseil des ministres des finances de la zone euro n’aura pour seul ordre du jour que la Grèce, sans qu’il soit question de l’Italie ou de l’Espagne. Arrêtons de regarder la crise de la zone euro par le trou de l’épingle grecque. Dès 2009, Ségolène Royal avait averti de l’ampleur de la crise qui se préparait, quand elle était allée à Athènes apporter son soutien au Premier Ministre Georges Papandreou. La crise de la dette n’est pas grecque, ni italienne, ni portuguaise, elle est européenne et appelle une réponse européenne.Cette solution doit être graduée, articulée autour de trois points:* La mise au pas des agences de notation. Sans tomber dans la démagogie la plus simpliste qui consisterait à blamer les agences de notation pour la gestion calamiteuse des finances publiques européennes, il est difficile de ne pas s’indigner devant l’insoutenable légéreté des agences de notation. Sans se tenir à aucun calendrier, elles distribuent des notes quand bon leur semble. Leur analyse est par essence subjective, et leur statut d’entreprise privée, motivée par la recherche du profit, est une puissante incitation à suivre l’opinion des marchés plutot que d’émettre des analyses indépendantes. Un encadrement des agences de notation s’impose, tout d’abord en les obligeant à n’émettre leurs opinions que selon un calendrier bien défini, et ensuite en créant une agence de notation publique et strictement indépendante, qui aurait le monopole de la notation des dettes souveraines européennes.* L’encadrement des instruments financiers sur la dette souveraine pour éviter la spéculation. Les primes de risque visant à assurer les détenteurs de dette grecque contre un potentiel défaut ont été multiplié par quatre depuis 2009. Cette explosion des prix reflète certes une inquiètude grandissante, mais résulte aussi de pratiques spéculatives, comme le naked CDS. Les naked CDS consistent pour des spéculateurs à acheter en masse des primes d’assurance pour les revendre ensuite au plus offrant alors qu’ils ne possèdent pas un centime de dette souveraine. Ces pratiques ont contribué à fait monter le prix des primes d’assurance, et donc à alimenter la peur d’un défaut grec. Il faut interdire aux spéculateurs qui ne possèdent pas de dette souveraine la possibilité d’acheter des CDS. On ne joue pas avec l’avenir des Etats.* La mutualisation de l’ensemble des dettes souveraines européennes. Les Etats européens doivent utiliser le mécanisme européen de stabilité financière et la Banque Centrale Européenne pour proposer un plan massif de rachat des obligations des pays en difficulté. Chaque banque, Etat ou investisseur pourrait se présenter à un guichet unique et demander à échanger ses obligations grecques, espagnoles ou irlandaises contre des Eurobonds. Les obligations seraient échangées au cours du marché (c’est-à-dire avec une décote de près de 40% dans le cas des obligations grecques). En échange, les investisseurs obtiendraient des Eurobonds, c’est-à-dire des obligations émises par une entité créée ad hoc, le Trésor Européen, qui se chargerait d’émettre de la dette publique au nom de l’ensemble des Etats-membres. Ces obligations seraient ainsi plus fiables que les obligations grecques ou irlandaises, et bénéficieraient de taux d’intérêt moins élevés. Ce programme doit englober tous les Etats membres de la zone euro en difficulté, car la Grèce n’est pas le seul pays sous pression.Ségolène Royal a mis la réforme du secteur financier et la révision des finances publiques au coeur de son projet politique pour 2012. J’aurais aimé que l’actualité ne nous rappelle pas cruellement à quel point ces réformes sont nécessaires. Nicolas Brien
Columbia University – New York