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Billet de blog 3 mai 2022

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Usages des « CGU », quand l’état français fait pire que les sociétés privées !

A une époque où celles et ceux qui ne sont pas aguerris à l’usage d’internet se trouvent chaque jour plus marginalisés, perdus face à des outils devenus incontournables pour un usage du quotidien, il est triste de constater que, pour certains de ses propres services en ligne, l’état français lui-même, ne donne pas toujours le bon exemple.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Penchons nous quelques instants sur le site :

« www.moncompteformation.gouv.fr ».

Ce site gouvernemental oblige lui aussi, en préalable à son usage, l’acceptation de ces laborieuses et très discutables « CGU » (Conditions Générales d'Utilisation).

Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, ce site internet a pour objet, la consultation et l’usage d’un compte spécifique et personnel appelé « CPF » (Compte Personnel de Formation).

Il s’agit d’un compte accessible à toute personne ayant travaillé et accumulé, par l’intermédiaire de ses divers employeurs, un montant en euros, utilisable en tout ou partie pour financer une formation professionnelle, dans le cadre d’une évolution de carrière ou d’une reconversion.

Le texte de ces « CGU » n’est consultable dans son intégralité que par une fenêtre centrale de type « popup » apparaissant juste après la validation de connexion ...

Une fois « copié et collé » dans n’importe quel traitement de texte, le contenu tient sur 64 pages d’un document, utilisant une police de caractère standard !

Affiché dans une simple fenêtre « popup », il faudrait près d’une heure à un lecteur moyen pour en prendre sérieusement connaissance !

Cerise sur le gâteau (empoisonné), si la personne se connectant sur le site pour consulter son compte formation, refuse d’accepter ces « conditions générales d’utilisation », elle est systématiquement déconnectée du site !

Autant dire qu’elle n’a pas d’autre choix que d’accepter ces fameuses « CGU », qu’elle les lise ou qu’elle les ignore !

La méthode est ultra connue et déjà fort discutable  !

Plus grave encore, si ces conditions viennent à évoluer dans le temps, ne serait-ce que d’une phrase ou d’un simple paragraphe, toute personne ayant pourtant entièrement pris connaissance des « CGU », devra entièrement les relire pour espérer voir et comprendre en quoi elles diffèrent de celles dont elle a déjà pris connaissance !

Ceci n’est rien d’autre qu’une méthode de voyou déjà largement utilisée par les sites de commerce en ligne ou autres services internet, dans l’indifférence générale.

Grace à cette manœuvre, certains de ces sites se permettent même de faire accepter des règles se révélant non-conformes aux lois en vigueur.

Autant dire de manière à peine voilée que ces entreprises, souvent localisées « ailleurs » que sur le territoire où elles officient, se détournent éhontément de leurs obligations légales, en inventant et imposant leurs propres règles et en les faisant accepter de manière non négociable à toute personne faisant appel à elles et à leurs services en ligne.

Ces méthodes plus que douteuses, déjà révoltantes pour des multi-nationales privées, GAFAM en tête, ont pourtant inspiré l’état français qui les met à son profit sur certains de ses propres sites ...

Ainsi, le site : www.moncompteformation.gouv.fr exige-t-il, lui aussi, en préalable à son usage, l’acceptation de ces laborieuses et très discutables « CGU » pour se dédouaner à bon compte de ses devoirs d’information et d’accompagnement.

On remarquera que le contenu de ces « CGU » est rédigé sous forme d’articles, comme s’il s’agissait d’un texte de loi !

Ce « nouveau » code  « maison » s’impose donc de fait, s’appuyant parfois, pour donner de la consistance à son contenu, sur de « vrais » articles de loi, eux-mêmes issus de « vrais » codes comme le code du travail par exemple.

N’étant pas juriste moi-même, il ne m’appartient pas de faire ici, une critique, par le détail, du contenu de ces 64 pages.

Cependant, quelque chose m’a fait « tiquer » à la lecture de la toute première phrase du tout premier article :

« Article 1 :

Les Parties conviennent et acceptent que les termes suivants employés avec une majuscule auront dans le cadre des présentes CG et des CP la signification définie ci-après : … »

(Nous passerons rapidement sur le style alambiqué et purement juridique du texte, imperméable à la plupart des usagers du site … !)

Dès le premier « article » donc, il est fait référence, en sus des conditions générales, communément notées CG, à des conditions particulières, notées CP !

Et effectivement, le texte précise aussi des conditions particulières d’usage et d’utilisation du « CPF », complétées de tous les engagements mutuels entre « l’usager », l’organisme de formation et « le fournisseur de service » (ici la banque des dépôts et consignations ) !

Sous couvert d’accepter de « simples conditions générales », les usagers (au sens large) du site acceptent donc aussi (sans le savoir) toutes les conditions "particulières" rapportées dans le texte de 64 pages et présentées au format « timbre-poste » !

Ceci contourne allègrement l’obligation du respect des formes, concernant les conditions contractuelles portées sur tout document intitulé « conditions particulières ». Lesquelles exigent l’édition des documents, la lecture, les paraphes et signatures (datées) des contractants, le tout se concluant par la remise d’un exemplaire aux personnes ayant contracté !

Ainsi, l’état français lui-même, se rend-il complice de « simplifications » sinon « frauduleuses », à tout le moins « douteuses », à l’égard des personnes devant solliciter leur CPF pour une formation, en leur faisant accepter, de fait, des conditions particulières nécessitant une pleine et entière connaissance et acceptation de celles-ci, sous couvert d’une « simple » acceptation de conditions dites générales.

Certes, la marge est ténue entre «simplification» et « détournement »  d’obligations légales !

Aussi ténue que la différence d’interprétation faite, entre « fraude » et « optimisation » fiscale pour un président néo-libéral reconduit pour cinq années à la tête de l’état !

Tout juriste un rien aguerri pourrait à tout le moins se pencher sérieusement sur le sujet !

Il ne perdrait pas son temps car le procédé demeure extrêmement limite et ouvertement pernicieux !

Comment combattre les débordements de toutes ses sociétés usant et abusant de ces « CGU » pour contourner les lois et quasi imposer les leurs, si l’état français, lui-même, semble faire pire encore !

Aux usagers citoyens rendus otages de ces procédés d’en juger !

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