Il était donc là, m’a-t-il dit, pour recenser les appartements et leurs occupants, qui se plaignent de ne pas avoir les débits attendus sur leur abonnement fibre, quel que soit l’opérateur.
Le but, proposer une sorte « d’itinéraire bis de la fibre optique », détaché du «foutoir» ambiant, une fibre toute propre et toute nette, « polie à la main avec amour », entièrement installée et pilotée de bout en bout par ... son mandant ...
Ce jeune-homme n’était pas franchement clair dans son approche.
Et il m’aura fallu écrire ces lignes pour mieux cerner quelle était sa démarche ...
Soit ce discours était bidon et il se faisait passer pour quelqu’un faisant des tests de ligne chez les gens, dans le seul but de repérer les lieux, en vue d’un éventuel méfait.
Soit, plus probablement et sans verser dans la parano, il travaillait bel et bien (ce jour) pour le secteur des télécoms.
Et il était juste en train de profiter du fait que des gens se plaignent de « Orange » et des opérateurs qui en dépendent (qui eux non plus, ne sont plus toujours capables de tenir leurs engagements de débit à cause précisément de leur dépendance aux réseaux d’infrastructures de l’opérateur historique), pour vendre, sans le dire, une solution fibre « alternative », sensée bypasser les infrastructures d’Orange, en prétendant les raccorder à ces « nouvelles » fibres (par le biais d’un « nouvel » abonnement, cela va sans dire !)
Ce charmant jeune-homme ne serait alors rien d’autre qu’un démarcheur, travaillant en sous-traitance (et presque en sous-marin) pour le « complémentaire » d’Orange sur les infrastructures, à savoir Bouygues Telecom (se gardant bien de le crier trop fort, car ce type de démarchage par dénigrement est tout simplement interdit !).
L’argumentaire clé et l’objectif étant pour lui, de montrer, par l’exemple, l’état du réseau d’infrastructure fibre de chez « Orange », pour mieux convaincre et expliquer les nombreux désagréments et autres interruptions de services, vécus par de nombreux abonnés.
Ce « charabia » devant faire partie de sa « procédure » de prospection et de démarchage, il est donc allé jusqu’à me montrer, sur son téléphone portable (après avoir géolocalisé mon immeuble avec un outil au logo de « Bouygues Telecom » et en insistant bien sur le fait que c’était du « Off »), des photos de boîtiers extérieurs de répartition de chez « Orange », totalement éventrés et ouverts à tous les vents, dégueulant de câbles* en tellement mauvais état, qu’on aurait pu penser à une photo montage … !
(Je savais que la chose était en partie plausible. Le boîtier de répartition de mon propre immeuble, se situant au bas de ma rue, est resté ouvert durant des semaines, avant que « Orange » ou l’un de ses sous-sous-traitants, ne vienne le « sécuriser », en le « bricolant » avec du ruban adhésif, l’intérieur n’étant en rien, aussi détérioré que les photos du jeune homme ne le montraient …
Mais les siennes étaient surtout là pour forcer le trait. En oubliant évidemment de préciser que les fibres de Bouygues Telecom, même si elles venaient à être raccordées « à part », en point à point, passeraient très probablement par ces mêmes boîtiers … ;)
Ensuite, il m’a proposé de faire « un test de débit » pour appuyer son propos.
Pour couper court, je lui ai répliqué que je n’étais pas en fibre mais en ADSL !
Il a d’abord ouvert de grands yeux écarquillés !
Son « programme » venait de buguer !
Mais, ne se démontant pas et me pensant tout de même dans le cœur de cible, il a insisté une nouvelle fois pour mesurer le débit de ma ligne ADSL, avec mon téléphone portable …
Mesurer le débit d’une ligne ADSL finissante (ça va faire bientôt un an que j’attends le raccordement à la fibre et que l’on me répond : « Nous mettons tout en œuvre pour faire avancer votre dossier ! ») … ???
Quelle idée saugrenue !
Bref, comme cette incompétence crasse et cette insistance à me faire passer pour un idiot (parse que je ne comprenais pas sa démarche, alors même qu’il ne savait pas l’exprimer simplement, démontrant qu’il n’avait visiblement rien compris de ce que son donneur d’ordre attendait de lui) commençaient singulièrement à me les briser menu, je lui ai dit qu’il ne rentrerait pas chez moi et qu’il mesurerait que dalle !
Alors, il a dégainé l’argument « ultime », celui surligné dans les supports de formation accélérée d’apprentis démarcheurs …
« Vous savez, c’est la procédure …
… et si je ne peux pas tester le débit de votre ligne, vous ne pourrez pas être raccordé … ! »
Le môme sous-entendait ouvertement que si je « n’obtempérais pas », je ne bénéficierais pas des « faveurs » de Bouygues Telecom qui, c’est connu, ne veut que le bien numérique des pigeons en mal de réseaux et insatisfaits de leur opérateur ...
Je lui ait dit : « Tant pis ! »
Puis, je suis retourné vaquer à mes occupations.
* Pour faire à nouveau référence à « Brazil », le cauchemar kafkaïen de ce film se révélant toujours plus visionnaire et prémonitoire, est en train de se muer en une terrifiante réalité …
Ainsi irait le réseau fibre sur lequel s’appuie la « startup nation » chère à notre président, dans cette logique du moins-disant et d’appels massifs et sans réels contrôles ni pilotages, à la sous traitance en cascade.
De nombreux articles de Mediapart sont là pour rapporter, par les faits, les conséquences délétères de ce déploiement à marche forcée et à (soi-disant) coûts « maîtrisés ».
Sur le terrain, le constat est amer et la guerre fait rage entre les opérateurs, qui se disputent les derniers bouts de gras, en tentant de se refaire !
Quant à la fibre, pas encore finie d’être déployée sur le territoire malgré les investissements massifs de l’état (et donc du contribuable), à force d’économies, ce réseau d’infrastructure hautement technologique et stratégique, se révèle au final, parfois moins « résiliant » que l’antique réseau cuivre, en cours de démantèlement.
Car on ne « travaille » pas la fibre comme on raccorderait bêtement deux brins de cuivre.
Le problème se révèle comme particulièrement prégnant dans les immeubles d’habitation.
L’explication est à la fois simple et édifiante.
Quand la fibre est raccordée aux derniers mètres (le plus souvent, là encore, par des sociétés sous-traitantes), par mesures d’économie, les intervenants ont généralement pour consigne, de ne tirer dans les gaines techniques des immeubles, que des torons de fibres correspondant aux stricts besoins, à savoir le nombre d’appartements recensés pour chaque étage.
Or, au fur et à mesure des installations et mises en service de la fibre dans ces appartements, certains de ces sous-traitants, intervenant soit pour « Orange », soit pour ses « concurrents », ont «cassé» des fibres en arrivée.
Fibres qui sont maintenant trop « courtes » ou en trop mauvais état pour être utilisées.
Elles sont donc, le plus souvent, condamnées (car ne passant plus les tests de qualification technique).
(C’est le TRÈS gros point faible de la fibre !
Elle réclame des appareillages sophistiqués et des gestes techniques de bon niveau, de bout en bout, pour être correctement installée et fonctionner de manière optimale.)
Ainsi, quand ces intervenants, pas toujours qualifiés, ont « bousillé » certaines fibres, ils se sont très naturellement reportés sur celles restantes, puisqu’il y en avait encore de disponibles au début.
Sauf qu’a la fin, lorsqu’il faut raccorder les derniers appartements, il n’y en a plus assez ...
Et là, le calvaire "technico-administratif" commence.
Les locataires ou propriétaires de ces biens, se retrouvent dans une impasse.
On touche du doigt, les limites des logiques néo-libérales et de l’ultra-rentabilité, imposées aux seules vues court-termistes des économies de l’état, aux profits des intérêts privés et des fonds de pensions (le plus souvent américains).
Des « économies » que nos « anciens » qualifiaient assez trivialement « d’économies de bouts de chandelles ! ».
Ainsi, il ne sera venu à l’idée de personne, d’anticiper le fait que certaines fibres seraient « perdues » au fur et à mesure des nombreuses interventions, en faisant tirer, dès le départ, un nombre un peu plus élevé de fibres par toron ...
Ça n’aurait pas coûté beaucoup plus cher et ça aurait changé bien des choses au final !
Résultat, pour raccorder les derniers appartements de ces immeubles pourtant très officiellement éligibles à la fibre, il faut mandater à nouveau ces entreprises, et faire tirer un nouveau toron de fibres.
Ce que les gestionnaires de ces infrastructures (« Orange » en tête) rechignent à faire.
Il n’est donc pas rare que des procédures soient engagées par les bailleurs sociaux, les syndics de copropriété ou associations de copropriétaires, pour obliger les gestionnaires à respecter leurs engagements et à faire ces travaux à leur charge.
Quant à ceux qui ont la « chance » d’être « fibrés », ils ne sont guerre mieux lotis !
Car une fibre mal raccordée ne fonctionne pas avec la « bande passante » ni la fiabilité attendue, ce qui provoque de très nombreuses demandes d’interventions et autres réclamations chez les opérateurs.
Ceci fait mécaniquement plonger la rentabilité des investissements de départ pour les « acteurs » du secteur et pousse toujours plus, les gestionnaires de ces infrastructures, à limiter et/ou retarder au maximum ces interventions « correctives » au regard de l’explosion des demandes …
Un cercle vicieux conduisant à une situation dont l’internaute-contribuable fait doublement les frais.
Ainsi, au bout du compte et en bout de ligne, la « startup nation » s’illumine-t-elle à la lueur d’une clarté nouvelle et singulière :
Celle d’un crépuscule !