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Billet de blog 2 septembre 2020

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Ce racisme que je ne saurai voir

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« La foule des grondements funèbres

Que tu guides vers la lumière

' Pourquoi dissiper nos ténèbres,

Nous offrir la liberté ? ' » 1

L'État diffuse 2 un amalgame entre communautarisme et extrémisme, ciblant les français de confession musulmane. Or les minorités sont attachées aux valeurs républicaines. Contrebalançant la réprimande (concernant leurs intégration éventuellement frauduleuse) qui leurs est souvent adressée. Notamment lors des nombreux débats T.V, sur le port du voile qui ont répandu de manière décomplexée, une « propagande xénophobe ». Médias d'ailleurs qui n'ont pas ou peu donner la parole aux personnes concernées 3. Laissant entrevoir une polémique prémâché, par un martelage idéologique du dogme libéral, telle la débâcle annoncée du « débat démocratique » 4. Vu que le racisme est instrumentalisé à des fins électoralistes. Non sans rappeler les frasques, érigés en florilèges, du haut de la grandeur d'un Éric Zemmour, à qui l'on connait une passion quelque peu démagogique, mais visiblement habitué des plateaux T.V ...

Le racisme et l'universalisme forgent une vision manichéenne, un bi-partisme politique, illusoire d'un réel choix social possible. Nos sociétés contemporaines se fondent en partie sur la démocratie athénienne Ecclesia qui fut le paravent de l'aristocratie servant à acheter une paix sociale. Hors de nos jours, l'éviction de la figure d'un État souverain au profit semble t-il du secteur privé, a creusé un gap tel que la paix sociale demeure fragile. Si bien que l'État ostracise certains de ses citoyens ( les racisés) pour mieux les stigmatiser ( stigmatisation à l'embauche, contrôle au faciès, intersectionnalité, etc) 5. Le pouvoir marginalise le pluralisme par un racisme ambiant dont il est lui-même l'instigateur 6. Cette manœuvre pernicieuse lui permet (le temps d'une polémique), de taire sa potentielle culpabilité dans le basculement du public vers le « tout-privé » 7 . Excepté que le pluralisme symbolise le « sang neuf » qui irrigue le cœur d'un projet social républicain ( à la dérive) 8. Il se constitue en « micro-institutions » ( secteur associatif) garantes d'un minimum de bien-être pour les plus démunis 9. Au grand dam du marché unique qui nécessite d'avoir des individus isolés ( les subalternes) à son seul service, pour sa pleine expression. C'est pourquoi le pluralisme est tant fustigé, car il vient nuancer le paradigme néo-libéral 10, via un principe de subsidiarité qui est alors perçu comme une forme de contre-pouvoir.

L'esclavagisme a contribué et contribue encore aujourd'hui ( sous une forme d' « esclavagisme économique »), grâce à la mondialisation, à enrichir l'Occident 11. Le Nord profite donc de la misère de certains pays du Sud, pour réaliser de la plus-value 12. S’en accommoder c'est légitimer un rapport de domination transnational. Nous sommes tous racistes à partir du moment où l'exploitation de cet autre 13 quelqu'il soit, profite à notre seul désir 14. Le capitalisme est pervers car il fait de nous des « racistes amnésiques » ( voire conscient de «  fermer les yeux ») par le confort et la sécurité qu'il procure 15 achetant ainsi notre sommeil. Ce régime économique nous séduit par « l'abondance artificielle » miroiter dans les dynamiques centres-villes. Tandis qu'il vampirise la planète en créant selon Marshall Sahlins de la rareté. Si l'on considère les impacts sociaux/environnementaux au Sud, engendrés par l’acuité de désirs sans substance du Nord ( la surconsommation). Telle une forme de « superbe occidentale » qui sublimerait un particularisme au sud, perçu caricaturalement comme vecteur de misérabilisme.

Le racisme n'est pas une dérive « passagère » du système, le racisme est le système. À savoir un « fait social total », car la société entière se retrouve en ce phénomène ( le politique, l'économique, le religieux, puis le social) du fait de sa nature structurelle, ancrée dans le processus même, de civilisation  16.

« On peut rattacher le système [d’expansion coloniale] à trois ordres d’idées : à des idées économiques, à des idées de civilisation… à des idées d’ordre politique et patriotique. 

Ce qui manque à notre grande industrie… ce qui lui manque le plus, ce sont les débouchés… La concurrence, la loi de l’offre et de la demande, la liberté des échanges, l’influence des spéculations, tout cela rayonne dans un cercle qui s’étend jusqu’aux extrémités du monde… Or, ce programme est intimement lié à la politique coloniale… Il faut chercher des débouchés. 

Il y a un second point que je dois aborder… : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question… Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je dis qu’il y a pour elles un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. 

Il n’y a pas de compensation pour les désastres que nous avons subis… Mais est-ce que le recueillement qui s’impose aux nations éprouvées par de grands malheurs doit se résoudre en abdication ?… je dis que la politique coloniale de la France s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut rappeler votre attention : à savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. 

Rayonner sans agir, en regardant comme un piège, comme une aventure toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient, vivre de cette sorte pour une grande nation, c’est abdiquer. » 17

1 Rudyard KIPLING The White Man's Burden, Poème, 1899.

2 De façon récurrente par une presse acquise à sa cause.

3 Induit dans l'article de Robin Andraca, publié le 17 octobre 2019 à 15:55 sur le site de Libération, au titre équivoque « Une semaine sur les chaînes d'info : 85 débats sur le voile, 286 invitations et 0 femme voilée ».

4 Du moins sur certaines chaines.

5 Encore qu'ils sont accepté plus ou moins par parcimonie, selon le degré hiérarchique .

6Via les relents sous-jacent du débat sur l'identité nationale, un volonté assimilationniste aux accents suprématiste, flirtant avec les valeurs de l'extrême droite.

7 Du fait d'un Nord qui a déjà vécu sa révolution industrielle qui n'incarne plus l'espoir et le progrès. Il a du mal à se réinventer, il est désormais englué dans des questions identitaires.

8 L'homme s'en remet à son groupe social, à ses proches, à sa communauté afin de se protéger des dérives du marché unique. C'est dans les gênes de l'être humain de se regrouper, de constituer un corps social, depuis l'aube de l'humanité, c'est ce qui lui a permit de subsister, d'évoluer en sa qualité intrinsèque d'être un mammifère. Il n y a qu'une race humaine et nous descendons tous sans exception du singe. Nous sommes tous des singes descendus de l'arbre pour y mettre le feu et dansons ( en nous pensant supérieur à la nature) sur un ardent brasier qui aura certainement raison de nous. Nous sommes tous esclaves du diktat de l'hydre néo-libéral. En raison de quoi cette « démocratie capitaliste » est un « ensauvagement » par le biais de violences prononcées de la part du pouvoir à l'égard de tout ce qui est « commun » dans nos sociétés ( les acquis sociaux). Si on se réfère aux racine latine du terme communauté, « communis » ( source toupie.org), « cum » avec, ensemble, « munus » charge, dette, donc signifie avoir une dette commune. De ce fait nous sommes tous de la même communauté si on considère l'urgence climatique comme notre dette commune envers les générations futures.

9 Par exemple lors du confinement liés au covid-19.

10 Notamment le caractère autorégulateur du marché unique.

11 Extraction de matières premières transformés au Nord ou bien à sa périphérie pays asiatiques nord africains etc...

12À titre d'exemple les « ateliers de misère du Rana Plaza ».

13 Un vêtement en coton sur cinq vendu dans le monde provient d'un camp de travail ouïghour en Chine, Marina Fabre, publié le 27 aout 2020, sur novethic.fr .

14 Aussi éphémère soit-il exemple exemple la fast-fashion. Raciste à une certaine mesure bien entendu, néanmoins nous sommes racistes quand nous mangeons du Nutella, nous sommes racistes quand nous buvons du Coca-Cola etc... Le racisme comme processus de déshumanisation/indifférence, du sort d'un autre ( racisé de surcroit).

15 Alimentant de fait le « no easy way out », via une image de chaos et de désordre, si on décidait d'évoluer en marge de son influx.

16 «  Ethnos en grec désigne les peuples qui n'ont pas accès à l'intégration politique dans la cité, qui ne sont pas parvenus à ce stade. » Claude Liauzu, L'usage des termes « race, ethnie, nation » dans le contexte des conquêtes coloniales françaises, Table-Ronde « Rapports interethniques à Madagascar et construction nationale (19e et 20e siècles », 4 -5 décembre 1998, sous la direction de Françoise Raison, université Paris 7 – Denis Diderot.

17 « Jules Ferry, alors Président du Conseil, prononce ce discours devant les députés français. Chargé des affaires étrangères depuis 1883, il a entraîné la France dans une politique de conquêtes coloniales. Quelques mois après la défaite de Lang-Son, en Indochine (28 mars 1885), qui a grossi le camp des adversaires de sa politique coloniale, Ferry s’exprime donc à l’Assemblée dans le but de convaincre les députés de la nécessité de poursuivre l’expansion coloniale. » source cité par amidesbarbares.jimdofree.com.

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