Jean Michel GUIART (avatar)

Jean Michel GUIART

Doctorant en sciences sociales

Abonné·e de Mediapart

663 Billets

0 Édition

Billet de blog 3 septembre 2021

Jean Michel GUIART (avatar)

Jean Michel GUIART

Doctorant en sciences sociales

Abonné·e de Mediapart

Le macronavirus nous terrasse II

Jean Michel GUIART (avatar)

Jean Michel GUIART

Doctorant en sciences sociales

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les propos rapportés par Le Point du président de la République française la veille du 42e congrès de la Mutualité qui se tenait le 13 juin, Emmanuel Macron s'indignait du montant des aides sociales, « On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux et les gens ne s'en sortent pas (…). Il faut prévenir la pauvreté et responsabiliser les gens pour qu'ils sortent de la pauvreté ». Ces propos reflètent la pensée du social-libéralisme comme quoi la redistribution des richesses ne suffirai pas à évincer la pauvreté. Dès lors, il faut mettre à contribution des individus des outils permettant de faire face aux aléas du libéralisme comme un système éducatif professionnalisant qui favorise une flexibilisation de l'emploi. Au début du mois de mai 2018, le magazine américain Forbes qualifiait le président de la République française de « leader des marchés libres ». Dans cette interview, Emmanuel Macron affirme que les actionnaires (les « premiers de cordée »)  par le biais du ruissellement participent à la richesse du pays, en redistribuant cette richesse vers les couches sociales les plus basses. A deux reprises dans cet interview, le président français annonce « there's no other choice », rappelant ainsi les propos de Margaret Thatcher (« there's no alternative »).


Le président français en piochant et à droite et à gauche, incarne une dépolitisation de façade qui permet au néolibéralisme de prospérer (Vergnol Maud, 2018). Alain Deneault qualifie cette ambition politique d' « extrême centre », car selon ce philosophe québécois, elle consiste à « recouvrir de naturalité des propositions idéologiques qui ne veulent pas dire leur nom ». Soit une révolution anesthésiante 1 qui remplace la politique par la gouvernance, les représentants du peuple par des experts, et tente de réduire la démocratie au management ou à la pédagogie (Vergnol Maud, 2018) 1 . Selon Alain Deneault « les politiques de l'extrême centre sont destructrices, inégalitaires et impérialistes. Il s'agit d'assurer le maximum de revenus possibles aux grandes entreprises, le maximum de dividendes possibles aux actionnaires et de faciliter l'accès aux paradis fiscaux. 

D'après Alain Tourraine le passage de la société industrielle à la société postindustrielle , qu'il qualifie de transition de société industrielle à une société de marché, mais encore de société d'exploitation à une société d'exclusion a vu émerger un « fossé social ». Expliqué par le fait que la post-industrialisation a incité l'apparition de nouvelles normes. Selon le sociologue ; « Nous étions dans une société industrielle où on était en haut ou en bas, nous sommes maintenant dans une société où on est dedans ou dehors » 1. À savoir que l'ouvrier pauvre dans une société industrialisé est enclin à une forme d'interdépendance sociale vis-à-vis de ce type de société. Dorénavant, cette même personne précaire est avant toute dépendante d'un système de solidarité nationale (la redistribution). Aujourd'hui votre rapport à la technologie, aide grandement votre bonne intégration dans une économie de plus en plus tertiarisé, composé en grande partie par les sociétés post industrielles. Cependant, cette analyse reste fidèle à un scénario de libéralisation économique qui semble être propre au sol américain, mais tend à travers la mondialisation à se répandre. Selon Robert Castell ; « La condition faite à ceux qui sont out dépend toujours de ceux qui sont in. Ce sont toujours les orientations prises aux foyers de décisions – en matière de politique économique et sociale, de management des entreprises, de reconversion industrielle, de recherche de compétitivité, etc. - qui se répercutent comme une onde de choc dans les différentes zones de la vie sociale. » 2 .
La vulnérabilité des masses serait à l'origine de cette désaffiliation 3 qui traduirait une paupérisation alarmante des conditions de travail ( interim, CDD à répétition, etc), ajouté à cela une dissolution du lien social ( famille monoparentale, tissu associatif faible) 4. Ce dernier point de vue nous permettra d'évoquer une théorie économique qui est celle des « insiders outsiders » 5, qui correspond à flexibiliser le marché de l'emploi, afin de mettre en place d'un point de vue keynésien une sorte de cercle vertueux. Cela consisterait à dérégulariser le Code du Travail afin d'inciter les entreprises à embaucher, pour augmenter leurs productivités, ce qui peut conduire à plus de croissance et de consommation. D'après cette théorie le salaire minimum peut constituer un frein à l'embauche pour les entreprises, dans la mesure où les outsiders sont bien souvent peu performants, car pas expérimentés. Cette théorie pourrait être sollicitée en partie pour expliquer la morosité du paupérisme croissant en occident, qui subirait de plein fouet une mondialisation galopante (délocalisation). Cette classe sociale serait nostalgique du plein-emploi, du fait qu'elle représente les laissés-pour-compte de la mondialisation .

Aussi, le gouvernement français offre au mouvement des gilets jaunes que le poids du mépris, via une communication déplorable, sans parler du dispositif sécuritaire faisant basculer le pays des droits de l'homme dans une dérive despotique. Emmanuel Macron incarne une personnification du lobby bancaire européen, face à la montée du populisme en France et en Europe, sans compter que son gouvernement transpire le conflit d'intérêt. Par ailleurs, la démocratie depuis ses fondements a toujours été, le paravent de l'oligarchie. Dans la mesure où la démocratie athénienne, Eclesia n'a fait qu'assurer une position sociale dominante pour l'oligarchie, sous couvert de paix sociale. Relatif au fait qu'à cette époque les marchands et artisans étaient suffisamment fortunés, pour s'armer, et se constituer ainsi, en contre-pouvoir. Suite à ce constat, Solon un aristocrate athénien qui fit carrière dans le commerce, de par sa position sociale fit office de réformateur. S'inspirant lors d'un voyage en Egypte, d'une pétition émanant du peuple (ouvriers et artisans), adressé au pharaon afin de baisser les taxes, jugé exorbitante par ses sujets.
Plus récemment un mouvement de contestation naît de l'avènement de ce qu'on appelle le « social-libéralisme » qui s'est érigé au début des années 1990 avec le président américain Ronald Reagan et le Premier ministre britannique Margaret Thatcher. En d'autres ce « réformisme modernisateur » est présenté par le biais de politiques nationales aux opinions publiques respectives comme étant « inéluctables ». En outre, il faut savoir que cette réforme vise à privatiser les biens et services publics, financiariser les économies, la fin des monopoles nationaux. C'est pourquoi le gros du travail militant consiste à désacraliser cette hégémonie néolibérale. À ces débuts, le mouvement de contestation se positionne pour le « no global » (contre la globalisation) par le biais de revendications comme celle de la souveraineté alimentaire. Néanmoins, ce mouvement va changer de cheval de bataille face à l'ampleur des enjeux économiques, sociaux, et environnementaux qui se généralisent sur l'ensemble de la planète. En raison de quoi les rencontres alternatives aux sommets internationaux appelés communément les « contre-sommets », ont permis aux associations, aux ONG de faire valoir leurs expériences de terrain et compétences scientifiques par le biais de contre-expertises qui tendent à délégitimer la doxa néolibérale ( Jallon Hugues 2003).

La partie suivante abordera les sujets de la désobéissance civile et du mouvement de contestation global qui proposent, un modèle de société alternatif face au paradigme néo-libéral.

La désobéissance civile

La désobéissance civile selon John Rawls se définit comme étant un « acte public, non-violent, décidé en conscience mais politique, contraire à la loi accompli le plus souvent afin d'amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement, par lequel on s'adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté, et cela précisément dans les limites du respect de la loi, ce qui s'exprime entre autres par l'acceptation de la peine éventuellement encourue » ( Rawls 1975, 401, 403;cf .aussi Celikates 2011).
Cette définition de la désobéissance civile rejoint celle entreprise par Jurgen Habermas (1985, p. 83, 84) à savoir ; « La désobéissance civile est un acte de protestation aux justifications morales qui n'est pas uniquement fondé sur des croyances personnelles ou des intérêts particuliers : c'est un acte public qui est en règle générale annoncé aux autorités et dont la police peut prévoir le déroulement ; il implique la violation intentionnelle de normes de droits individuelles sans que celle-ci n'affecte l'obéissance envers le système juridique dans son entier ; il exige d'être prêt à s'engager à assumer les conséquences juridiques de la violation des normes ; l'infraction aux règles, qui constitue le moyen d'expression de la désobéissance civile, a un caractère exclusivement symbolique – il en résulte déjà par là qu'elle se limite à des moyens de protestation non-violente ».
Bien que certains font remonter la désobéissance civile à Socrate, ou Antigone. Or, cette expression apparaît au milieu du 19e siècle aux Etats Unis grâce à un citoyen du Massachusetts monsieur Henry David Thoreau, qui refusa de payer ses impôts au gouvernement pendant 7 ans, car ce dernier pratiquait une politique esclavagiste, et lui ne veut pas que son argent vienne cautionner ce type de pratique inhumaine. Il va tenir une conférence qui sera retranscrite dans un livre et deviendra le texte fondateur de la désobéissance civile, qui sera lu plus tard par Ghandi et Martin Luther King lors de leurs séjours en prison respectifs.

L'ensemble des acquis sociaux est le fruit de la désobéissance civile comme acte politique pour faire pression et changer les lois en vigueur. En ce sens, la démocratie symboliserai une dynamique, les actions qui ont découlent, peuvent s'inscrire dans le cadre législatif, cependant si ce cadre est trop restreint , elles peuvent sortir du cadre pour améliorer la loi, ces actions seraient alors le moteur de cette dynamique démocratique (Manuel Cervera-Marzal 6). Étant donné que la désobéissance civile promeut une conception vivante qui s'opposerait à une vision figée de la loi comme une entité transcendantale imposant ses volontés sur l'individu qui ne pourrait nullement en influencer les contours (Manuel Cervera-Marzal)..

Un mouvement de contestation

Les actions entreprises depuis les années 1990 ( en 1993 Act Up, recouvre l'obélisque de la Concorde avec un préservatif géant, en 1999 les faucheurs d'OGM et José Bové ont démonté le MC Donald de Millau), nous montrent que les mouvements de contestation sont en train de s’essouffler, par exemple le vote pour des partis contestataires, aux grèves, au syndicalisme. De son côté l'Etat Français se radicalise à travers une forme autoritaire, et sécuritaire via l'Etat d'urgence mais aussi avec la loi sur le service minimum (si le préavis de grève n'est pas déposé suffisamment à l'avance, la grève risque d'être illégale). Jadis ce que les gouvernants considéraient comme des libertés fondamentales ; le boycott, la grève, la manifestation. Aujourd'hui,, ces actions sont de plus en plus considérées comme illégales, en résulte une criminalisation des mouvements sociaux. Des interdictions de manifestation légitimités par un arsenal juridique, législatif mis en place suit aux attentats du 13 novembre 2015. Des lois à la base formatée lors de l'Etat d'urgence pour combattre le terrorisme se retournent contre des cibles pas officiellement visées, mais plus contre des militants, des écologistes, des syndicalistes, des lycéens.

Perceptible encore aujourd'hui via, l'action du gouvernement qui sous couvert de pandémie internationale liée au covid-19, s'inscrit dans une logique de domination via des mesures liberticides qui exacerbent un contrôle politique (en muselant la contestation sociale, via la quasi-interdiction de manifester) et sociale (en coupant les anti-vax de la vie sociale lié aux loisirs, afin de les inciter à se faire vacciner puisque bientôt, les tests PCR seront payants). C'est dire si Emmanuel Macron porte les stigmates de l'ultralibéralisme via un cynisme prononcé. Suite à quoi, il s'improvise influenceur pour le compte des laboratoires pharmaceutiques, suivis par les médias d'opinion qui fustigent les " anti-vax ", via l'allusion à une nouvelle vague, permettant de jeter l'opprobre sur ceux qui refusent la vaccination. Tant la dérive fascisante du pouvoir en place, nous bascule vers une dictature de la pensée unique, celle consistant à croire (un peu par fatalité) que la tranquillité d'esprit s'injecte par plusieurs doses pour jouir de libertés ayant un arrière-goût de dissension. Autrement dit, un sacre existentiel, une liberté qui est croquée à pleines dents par le capital via le vaccin de la bien-pensance.

 
Les Gaulois réfractaires se mobilisent chaque week-end, en scandant que la liberté ne se brade pas à n'importe quel prix, et surtout pas via celui fixé par les multinationales. Étant donné que la situation sanitaire miroite des libertés bradées pour le compte de puissants lobbys.C'est dire si la guerre du covid cache une guerre économique faisant rage sur le dos du peuple qui a déjà un genou à terre. Tant les libertés fondent comme neige au soleil. En raison de quoi, nous allons tous être noyés par les conflits d'intérêts, en tout genre, avec le réchauffement climatique faisant office de compte à rebours. 

1 Source : Vergnol Maud, La stratégie du choc de Macron pour anesthésier les alternatives, l'Humanité, n°22434, Vendredi 25, Samedi 26 et Dimanche 27 mai 2018.

2 Castel R., Les métamorphoses de la question sociale, Fayard, 1995, p.21.

3 L'auteur lui préfère ce terme à celui d'exclusion, qui selon lui fait office d'un état immubale, alors qu'il conviendrait de parler d'un processus.

4Source : Wuhl Simon, L'égalité Nouveaux débats Rawls, Walser, PUF, Paris, 2002, p.24 – 30.

5Les insiders sont des salariés avec un contrat stables ( CDI). Les outsiders sont des travailleurs précaires ou chômeurs.

6 Enseignant de sciences politiques et philosophe, il travaille sur les mouvements de contestation et en particulier sur la désobéissance civile, tiré d'un interview pour France Télévisions/Premières lignes Télévisions/Storycircus 2017.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.