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Billet de blog 3 novembre 2024

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RRB, le moulin des fachos en Kanaky

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En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, Radio Rythme Bleu (RRB) est la radio fasciste où déambulent les chiens de garde du pouvoir pour vomir leur haine sur l'autre sans faire face à une contradiction quelconque. Il faut dire que la journaliste emblématique de cette radio n'en pense pas moins, elle mime les mêmes rictus qu'une Élisabeth Lévy dans ses grandes heures de sobriété intellectuelle.

RRB, où un Philippe Blaise s'est illustré dernièrement, non pas par son humour caldoche qui n'a rien à envier à Laurent Gerra pour sa misogynie : non, monsieur Blaise a qualifié le parti Union Calédonienne de "nazis noirs", lui qui traîne avec des blonds aux yeux bleus, ça paraît fort de café, davantage quand le site Médiapart révèle que monsieur Blaise serait le chef d'une milice.

Aussi, le projet de société que les loyalistes défendent n'est autre qu'un statu quo qui sourit toujours aux mêmes. Rien qu'à voir l'embonpoint des élus loyalistes (via ce fameux point, des élus indépendantistes ne sont pas en reste), eux qui nous avouent que les temps sont durs et que les caisses sont vides. Un constat qui fait suite à un règne loyaliste de 30 ans à la tête du pays, où des élus loyalistes se sont mis plein la panse. Des élus loyalistes qui, par un racisme inversé, tapent sur les indépendantistes, en faisant des pirouettes dès qu'on met en cause leur responsabilité suite au bilan social calamiteux des territoires dont ils avaient la charge. Le tout en scandant des arguments d'autorité qu'on croirait tout droit sortis d'un épisode de Peppa Pig.

Autant vous dire que ça ne force pas le respect et encore moins l'admiration, mais cela en dit long sur l'indignation des loyalistes qui se manifeste comme des relents racistes au fur et à mesure qu'ils perdent des points sur l'échiquier politique local et national. Ce que les loyalistes ne peuvent justifier par les urnes, ils le font par les armes. En ce sens, le racisme constitue leur arme idéologique de prédilection. À l'image d'un impérialisme français qui conforte sa position dans les territoires occupés par la force, en contrôlant les narratifs pour nous vendre l'idée que, sans la force coloniale, l'île en question serait en proie à la colère des indigènes. En réponse à cela, les loyalistes s'arment au sens propre pour se défendre, tout en nous faisant croire qu'ils sont des résistants alors qu'ils défendent un projet colonial qui a envahi l'archipel et l'a fait basculer dans une violence sans précédent. À l'instar d'une milice loyaliste armée jusqu'aux dents qu'on nous vend comme voisins vigilants, via une sémantique impérialiste qui se retrouve aussi en Palestine, où Israël mène une guerre "propre" et en aucun cas un génocide. Du moins, dans les médias mainstream, où le discours dominant tend à faire de la violence du civilisateur un retour à l'ordre comme violence légitime, quand les violences commises, dans une moindre mesure, par l'oppressé sont des actes terroristes. À croire que, pour les élus loyalistes, les victimes tuées par balles, qui se comptent majoritairement du côté kanak, sont ni plus ni moins "tombées dans les escaliers" et en aucun cas tombées sous les coups d'une milice qui loge des balles dans la tête, de jour et en pleine rue. Un discours fallacieux partagé par le procureur de la République sur place qui détourne le regard, à la vue de personnes pendues sur la place publique.

Le fond du problème est là, la Kanaky-Nouvelle-Calédonie est issue d'une colonie de peuplement et, d'après la circulaire Messmer favorisant l'arrivée massive d'Hexagonaux, cette île n'a jamais cessé de l'être. Nous autres insulaires endémiques, dont font aussi partie les caldoches, qui en avons fait les frais, en savons quelque chose. Nous sommes phagocytés par des Hexagonaux qui aiment surtout notre archipel pour les privilèges que l'impérialisme leur assure, au détriment de notre droit à l'autodétermination qui est entravé par une vague d'immigration venue de 22 000 km occupant les meilleurs postes, tandis que les insulaires ne s'en remettent qu'à l'efficience de leurs milieux sociaux pour espérer trouver chaussure à leur pied sur le marché de l'emploi local. Ce marché est en partie biaisé par un concours de prestige culturel, politique, et nationaliste selon les groupes sociaux qui se répartissent les rôles dans les arcanes du pouvoir politique et institutionnel. En ces termes, on nous invite à faire société en s'érigeant contre les autres dans une société de compétition qui nous incite à faire barrage aux autres candidats qui sont pourtant nos semblables. Tout en nous vantant une compétition saine et une égalité des chances, sans jamais avouer que cela nous est imposé pour nous faire accepter nos conditions pour ne jamais remettre en cause l'ordre établi qui a pris forme et qui perdure lors du temps long colonial. Même si, et surtout si, on a du mal à voir où est l'égalité des chances entre un fils de fonctionnaires métropolitains et un fils d'ouvrier mélanésien.

C'est aussi en cela que la récente insurrection des esclaves a terrorisé une société fondée sur des privilèges bien mal acquis. Dans une colonie de peuplement contemporaine, où l'on nous envoie pas forcément le haut du panier. À l'instar d'un Gérald "Moussa" Darmanin qui comptait muter en 2021 en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, comme le colonel de la gendarmerie Éric Steiger qui fut condamné pour violences conjugales, encore que cela reste un exemple parmi tant d'autres.

Quand on recense qu'ont été envoyés sur notre archipel des fonctionnaires, pour ne pas dire des agents impérialistes, qui se sont fait expulser d'Algérie, de Côte d'Ivoire, des fonctionnaires qui ont des comportements défaillants et qui ont été expulsés des autres colonies et anciennes colonies. Autant dire des rebuts de l'impérialisme que la force administrante ne sait plus où caser et qu'ils envoient en Kanaky-Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour se faire oublier. Vous imaginez bien que ce beau monde n'est pas animé des meilleurs sentiments vis-à-vis d'un processus de décolonisation ainsi que d'un droit à l'autodétermination de peuples autochtones, prenant des allures de fantômes de la guerre d'Algérie qui a entaché leur prestige social donc colonial.

Cette hantise d'une décolonisation en Kanaky-Nouvelle-Calédonie comme nouvelle Algérie se ressent sur la radio RRB, où les fantômes de décolonisation africaine donnent du plomb dans l'aile d'un privilège blanc bâti sur l'expropriation et le déni du préjudice colonial. Un argumentaire qui pourtant perd pied face à des journalistes ayant un minimum de déontologie. À voir des interviews avec des journalistes qui ne tombent pas dans des travers propagandistes, que ce soit vis-à-vis de la situation en Palestine ou en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, où des élus loyalistes se victimisent pour mieux criminaliser la cause indépendantiste.

Ceux qui se sont présentés à nos ancêtres par les armes continuent à s'imposer à nous par les armes. En ces termes, ils n'ont d'autre projet de société à proposer qu'une société inégalitaire et raciste. À l'image de l'hyperprovincialisation défendue par madame Backes, qui n'est autre qu'un régime d'apartheid comme société triée sur le volet, comme la tour de Babel, où des gens bien comme il faut se présenteront sous leurs meilleurs jours xénophobes. Autant dire le renouveau d'une colonie de peuplement qui sera bâti sur fond de morales dissonantes, arriéristes, assumées. Voilà le projet de société qui est prôné en 2024 par Sonia Backes à la tête de la Province Sud ; que le Premier ministre Michel Barnier qualifie de garante de stabilité, à savoir garante du projet colonial.

En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, la dissolution de l'Assemblée nationale a aussi pour effet de montrer les limites des leaders loyalistes à exister sans la métropole. Il faut dire que des leaders loyalistes ont pour habitude d'enfoncer des portes ouvertes, mais sans la France, ces loyalistes se retrouvent à la rue et à bout de souffle après avoir couru à l'aveugle sur le boulevard identitaire. Assez pour que les loyalistes paraissent dos au mur de leur démagogie. Quand, aux yeux de tous, leur soif de pouvoir a laissé des traces néfastes sur un vivre-ensemble qu'ils ont annihilé par peur de perdre leurs privilèges.

C'est dire s'il ne fait pas bon troubler les vaches sacrées du camp loyaliste dans leur rumination identitaire, tellement elles sont habituées au confort du formol institutionnel. Au point qu'elles se figent dans une léthargie politique coloniale arriériste et, quand la conversation ne va pas dans leur sens, elles font valser le cadre du respect mutuel. Il en faut peu pour qu'elles soient à court d'arguments. Quand on a la particularité de prendre des raccourcis par des amalgames à outrance, le moins que l'on puisse dire, c'est que cela ne forge pas le renouveau. De sorte que sur RRB, notamment, des élus loyalistes qu'on ne présente plus, comme Backes et Metzdorf, avec leur mentalité de petits bourgeois de province, jouent les gourous prêcheurs de haine auprès de leur électorat.

Ceux-là mêmes qu'on aimerait voir sur les bancs des accusés. À force d'être borderline, c'est ce que les loyalistes redoutent le plus : la justice. Au point de faire une manifestation interdite devant le tribunal, en mettant la pression au procureur. On ne vous fera donc pas de dessin sur la mentalité de cow-boys contre les Indiens qui les anime. Avec la prétention de croire que les indigènes doivent constamment faire le dos rond et montrer patte blanche alors qu'eux ont les mains tachées de sang et la langue bien pendue.

Ces gens-là sont le cancer du vivre-ensemble en Kanaky-Nouvelle-Calédonie ; ce n'est pas avec eux qu'on se représentera le pays en termes d'épanouissement social et culturel. Si l'on constate que des élus loyalistes tiennent leur position par la dissension, la dissonance cognitive et la haine de l'autre, le tout s'articule dans une novlangue sans appel pour faire un rappel à un ordre préétabli. C'est-à-dire un ordre répressif et inégalitaire via un retour à l'ordre comme un appel à une sorte de paix armée qui prend son racisme en patience.

Les indépendantistes, quant à eux, ne sont pas anti-français et encore moins anti-blancs. C'est ce que veulent nous faire croire des leaders politiques loyalistes qui, comme nous le disions, sont souvent à court d'arguments. Et si des leaders loyalistes comme Backes et Metzdorf sont si souvent à court d'arguments, c'est bien parce qu'ils ne mesurent pas leur parole, celle teintée de rejet de l'autre, pour se déresponsabiliser en peignant un ennemi de l'intérieur dans le but de travestir la réalité et masquer leurs échecs. Les indépendantistes, pour des soi-disant anti-blancs, comptent plus de soutiens en France que les loyalistes eux-mêmes. Quand les soutiens des loyalistes dans l'Hexagone ne se bousculent pas au portillon médiatique et encore moins sur le pavé. Et pour cause, en plein conflit israélo-palestinien, être en faveur de la répression en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, c'est cautionner quelque part les crimes de guerre à Gaza, c'est tenir quelque part le même discours que celui de criminels de guerre que compte le gouvernement d'extrême droite israélien. Je ne vous fais pas dire que cela fait mauvaise presse. Pour cette raison, il y a des sorties en politique qu'il convient de ne pas manquer. À l'instar du député loyaliste Nicolas Metzdorf, apparu sur les réseaux tout sourire en serrant la main d'un représentant israélien pour parler de leurs missions civilisationnelles respectives. La mort de pas moins de 18 000 enfants dans la bande de Gaza semble un détail de l'histoire pour un Metzdorf qui, en se cherchant une posture géopolitique, chausse des chaussures trop grandes pour lui. Vu l'indifférence de ce député pour le drame palestinien, c'est à croire que pour Metzdorf, la "bande de Gaza", c'est le nom d'un groupe de K-Pop.

Quoi qu'il en soit, même l'extrême droite française se désolidarise des propos de Sonia Backes. Cette dernière, qui dans un temps pas si lointain fut secrétaire d'État à la citoyenneté et aujourd'hui persona non grata, après sa défaite aux sénatoriales, fut rapatriée fissa par avion, telle une sans-papiers jadis régularisée, et frôle désormais la déchéance de nationalité par ses propos calomnieux qui attisent la guerre civile. Sonia Backes nous honore de ses traits d'esprit qu'on situe entre une Nadine Morano, une Christine Boutin et le charisme d'un Meyer Habib, autant vous dire que cela fait du beau monde dans un seul corps. Il faut dire qu'à trop jouer, les chiens de garde du pouvoir, des élus loyalistes, se mordent la queue entre eux, et le retour de bâton risque de faire mal, en vue des élections locales.

Ainsi, on attend de voir une justice supposée impartiale dans ses œuvres, incarnant des valeurs d'égalité, de fraternité et de justice que la force administrante nous a inculquées à coups de chevrotines. L'histoire nous a montré par bien des manières que la civilisation occidentale, qui s'est imposée à nous, n'a jamais été à la hauteur des valeurs qu'elle prétend incarner. Quand nous demandons ni plus ni moins qu'on nous traite de manière égale, c'est peut-être trop demander à un projet républicain dont la devise, pour nous autres damnés, fait office de pornographie institutionnelle coloniale.

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