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Encore What ? L'écho d'Angkor
Le jour se lève sur Siem Reap, une brume persistante, flotte au-dessus des douves, entrevoit Angkor Wat tel un serpent de pierre. Chaque pas sur la chaussée antique résonne « Angkor Wat/Encore What ? » La question trotte dans l’esprit, syncopée, absurde pourtant profonde. C’est le murmure d’un spleen, un haïku version frenchglish gravé à même la laterite.
Que venons-nous chercher, sinon la confirmation d’un rêve ? Peut être celui d’un Peter Pan ayant troqué la poussière d’étoiles pour les volutes d’opium d’une fée Clochette geisha. Nous avançons, en espérant capturer un sentiment l’écho lointain de divinité, la trace d’une civilisation qui défia les cieux et le temps avec pour outils le grès et la foi.
Angkor Wat est un état d’âme, une mélancolie où le soleil allume des feux sacrés sur chaque bas-relief. Ici, Vishnou se meut dans la pierre ; là, des apsaras célestes, aux yeux tirés, aux sourires énigmatiques, esquissent une danse immobile depuis des siècles. L’air est lourd, on respire l'histoire poussièreuse et le parfum de frangipanier. Les sens sont submergés, convoqués au royaume du sublime : tout est trop beau, trop grand, trop intense.
De là, la question revient, insistante : « Qu’est-ce qu'on espères vraiment y voir ? Qu'est on venu chercher ?
La beauté ? Est là, écrasante. La spiritualité ? Emplit l’espace, comme une humidité qui vous prend au corp. On sent que ça n’est pas tout. On cherche autre chose. On est venu pour se perdre, pour se retrouver dans cette échelle vertigineuse des temples nous rappelle à notre juste valeur. Pour se confronter à l’œuvre d’hommes qui croyaient en quelque chose de suffisamment grand pour y consacrer une vie, ainsi que la mort qui l'accompagne.
L’après-midi, l’orage éclate sans prévenir. Une pluie diluvienne lessive les pierres et les consciences. On s'abrite sous les galeries intemporelles. Là, sous les voûtes, on observe le ciel se déchiré entre deux averses, un rayon perce la nue, puis un autre. Puis, un arc-en-ciel se pose comme un pont entre le monde des dieux et celui des hommes.
La magie opère dans le contraste, dans la friction entre l’éphémère de l’arc-en-ciel et l’éternité de la pierre. À quoi s’attendre en venant à Angkor Wat ? À être émerveillé, certes. Peut-être, espère-t-on être transformé. Sentir le magnétisme millénaire réveiller une part d’enfance qui croit aux fées, aux dieux, à la puissance du rêve humain, à la quiétude de s'être éveillé, de s'être accompli. De là, la magie opère pour tout changer, à commencer par votre journée qui sera gravée dans l'émerveillement.
Angkor Wat dans sa silencieuse majesté, nous renvoie à nous-mêmes. Angkor Wat est la réponse, la découverte de notre attente qui n’est pas celle d’un temple, mais celle d'une question qui demeure. Est ce que nous en voulons encore ? Mais de quoi voulons nous vraiment dans un monde qui renie trop souvent son histoire de souffrance pour chercher le pouvoir dans la domination, sans trouver l'amour dans l’immensité ?