Jean Michel GUIART (avatar)

Jean Michel GUIART

Doctorant en sciences sociales

Abonné·e de Mediapart

664 Billets

0 Édition

Billet de blog 8 octobre 2025

Jean Michel GUIART (avatar)

Jean Michel GUIART

Doctorant en sciences sociales

Abonné·e de Mediapart

Lecornu ou le courage qui n'a pas eu lieu

Jean Michel GUIART (avatar)

Jean Michel GUIART

Doctorant en sciences sociales

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lecornu ou le courage qui n’a pas eu lieu

La démission de Sébastien Lecornu de son poste de Premier ministre laisse derrière elle un goût d’inachevé, une mission interrompue non par excès de périls, mais par absence d’audace. À l’image de Tom Cruise dans Mission Impossible, Lecornu était confronté à un scénario périlleux, mais contrairement à l’agent Ethan Hunt, il n’a pas su ou pas voulu franchir le pas de l’héroïsme politique. Son départ précipité soulève une question fondamentale : peut-on encore incarner l’autorité de l’État dans un système à ce point verrouillé par les calculs et les renoncements ?

I. Un scénario écrit d’avance : la mission introuvable

Dans Mission Impossible, l’agent Hunt évolue dans un monde de dangers, mais aussi de marges de manœuvre. Chez Lecornu, le scénario était tout autre : un rôle de Premier ministre affaibli, condamné à appliquer une ligne politique décidée ailleurs, dans l’ombre de l’Élysée. La mission ? Redonner du souffle à un pouvoir essoufflé, sans en avoir les moyens. La recette ? Inexistante. L’échec était programmé.

Lecornu, technocrate rompu aux arcanes du système, a sans doute vite mesuré l’étendue de l’imposture. Diriger sans véritable cap, incarner sans vraiment décider : une mission impossible, en effet. Mais là où Tom Cruise relève le défi, Lecornu a rendu les armes.

II. L’abandon du rôle ou l’impossible courage politique

Le courage, dans l’univers de Mission Impossible, est affaire de risques assumés, de corps engagé, d’obstacles surmontés par l’intelligence et la ténacité. Dans la réalité du pouvoir macronien, le courage politique a cédé la place à la prudence carriériste, à la loyauté de courtisan.

Lecornu n’a pas choisi la confrontation avec l’Élysée. Il n’a pas imposé de virage social, pas défendu une vision alternative, pas même tenté d’incarner une forme d’indépendance. Il a été le Premier ministre de la continuité – une continuité déjà moribonde. Alors que la situation exigeait un chef, la Macronie n’a produit qu’un exécutant.

III. Un système qui étouffe ses propres ministres

La comparaison avec Tom Cruise est une métaphore amusante qui révèle une vérité plus profonde : dans Mission Impossible, l’individu, par son ingéniosité, son courage  change le cours des choses. Dans le macronisme, le système écrase les personnalités, normalise les esprits, formate les parcours.

Lecornu a finalement été à la hauteur, d’un pouvoir qui ne supporte pas les dissidences, qui refuse les prises de risque et qui préfère l’obéissance à l’innovation politique. Dans ce cadre, un Premier ministre ne peut être qu’un fusible ou un bouc émissaire.

IV. L’après-Lecornu : le pouvoir orphelin de lui-même

Son départ acte l’échec, mais aussi l’impuissance d’un régime à se renouveler. Macron, déjà affaibli, se retrouve seul aux commandes d’un navire en perdition, sans Premier ministre pour incarner un nouveau départ. La démocratie reste en attente d’un leadership, d’une vision, d’un courage.

Conclusion : La mission (démocratique) est-elle encore possible ?

Sébastien Lecornu restera le Premier ministre qui a préféré la sortie discrète au coup d’éclat salvateur. Tom Cruise continue de sauver le monde à l’écran. Dans la vraie vie, les missions impossibles ne trouvent leur héros que si le système accepte de lâcher du pouvoir et si les femmes et les hommes qui le composent osent, enfin, incarner le changement. En attendant, la France retient son souffle. Non pas devant un film, mais devant le vide politique qui s’installe.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.