Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! ». Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. », une légende amérindienne, racontée par Pierre Rabhi, Mouvement Colibris. Dans le but de faire une analyse croisée avec la situation des pays du Sud en général, et du continent africain en particulier, l’analyse du mythe représentera la forêt, en tant que conjoncture économique et sociale, des pays du Sud. Les autres animaux (la famille restée au pays) qui assistent impuissants au désastre, représenté par la pauvreté, la maladie, la guerre. Le tatou et son œil sceptique, représente quant à lui, les organisations internationales qui voient en cette situation dramatique, un certain fatalisme. Le colibri incarne ici le migrant, son va et vient illustre le « voyage » entamé et son retour (définitif, ou non) aux pays natal. L’eau représente à elle seule, et dans bien autres circonstances la vie et, l’espoir d’un jour meilleur. Le geste de l’oiseau illustre la solidarité, la bienveillance envers la communauté et le partage, car le colibri aurait très bien pu se mettre à l’abri, et regarder le désastre au loin, en privilégiant sa sécurité. Mais il « fait sa part », soucieux de son écosystème (le pays, le village), du devenir de sa communauté (tous les autres animaux) et, de leur bien être. Enfin le cours d’eau peut représenter le portrait des pays riches majoritairement situés au Nord, et se distinguant par leurs « Etats providences » (du moins, dans l’imaginaire des habitants du Tiers Monde, comme un eldorado).
Le montant de ces transferts est trois fois supérieur à l’Aide Public au Développement, selon la Banque Mondiale en 2010. On peut en déduire une sorte de fuite de capitaux de l’Economie Monde1‐ (Braudel F) vers le Tiers Monde (Sauvy A). Autrement dit, ce phénomène participerait à un certain rééquilibrage des richesses dans le rapport Nord/Sud. En outre les associations de migrants, qui par leurs actions ont permis de contrebalancer un rapport de force, font ainsi entendre leurs voix auprès d’institutions (locales, internationales). Dans ce cas là on peut parler d’une forme d’empowerment, comme réappropriation de la part des migrants des questions économiques, sociales et politiques des territoires qui les ont vus naitre. Pour autant, la viabilité de ces flux financiers destinés à la communauté, ou au contraire la fongibilité de ceux-ci quand ils sont liés à un concours de prestige social intra-extra ethnique, semblent symboliser une forme de main invisible, reflétant une prospérité qui ainsi transcenderait les individus. Ainsi on peut se demander si ces transferts d’argent sont une alternative. Cela induirait que les politiques de développement sont de nature sélective, donc non-profitables au plus grand nombre, ou au contraire complémentaires donc insuffisantes pour assurer le bien être de tous. Dans les deux cas, il en va de la capabilité des agents afin de pouvoir s’en accommoder, ceux-ci s’en remettant surtout à une forme de solidarité mécanique - propres aux sociétés traditionnelles, où la communauté tient un rôle auto-régulateur prédominant. Dans un contexte ou l’Etat n’assure plus son devoir régalien, la communauté fait office de mutuelle, afin de se prémunir de tout risque éventuel. En effet, selon Alain Marie2‐ les individus n’ont d’autres choix que de se tourner vers des formes de solidarités collectives, qui représentent la seule forme de solidarité accessible pour les plus modestes. A titre d’exemple, les modes de financement informelles sont assez révélateurs du poids de cette solidarité collective et de ce lien communautaire, notamment par le fait que beaucoup d’Etablissement de Micro Finance étaient auparavant des tontines. Ces dernières se seraient institutionnalisées via l’émergence du secteur du microcrédit, tel que nous avons pu l’observer au Cameroun. De ce lien communautaire va découler un rapport transgénérationnel à travers la transmission de valeurs, qui font que les plus vulnérables (les anciens du village) vont s’endetter pour permettre le « voyage » d’un ou de plusieurs individus plus jeunes. Celles et ceux qui ont permis le « voyage » du migrant espèrent une réussite sociale de ce dernier qui profiterait à toute la communauté. La migration prend ainsi l’apparence d’une dette morale envers les proches. L’allusion au mythe n’est alors pas fortuite, dans la mesure où on appréhende ce phénomène sous l’angle de la participation citoyenne. En vue de préserver l’éco-système natal, peu importent les frontières, à partir du moment où le lien avec la communauté et la bienveillance du migrant persiste.
1 Le marché libre, l’épargne étant collectée dans une grande puissance industrielle.
2 Le don est un marché (de la dette), Alain Marie, FACTS Report 2012.