L'accord de Bougival sonne la fin du bal d'une ploutocratie qui, via la recherche d'un nouveau statut sur l'île, cherche surtout à fixer son statut. En arborant une mentalité de "back to business", propre au haut milieu de la négoce parisienne et à l'affairisme calédonien étant mis à l'honneur dans ce genre d'accord. On veut bien croire que cet accord apportera la paix, mais à la base personne n'a demandé à (re)vivre une guerre civile.
Cet accord revêt un énième habillage juridique comme apothéose statutaire. Un contre-feu technocratique qui fait une belle jambe à une société civile. Faute de perspectives, on a du mal à voir cet accord comme les 12 commandements, tant la situation de brasier social sur l'archipel reste aussi ardente que le fameux buisson biblique. En attendant le nouveau Moïse, on a du mal à croire que le brasier social se transforme soudainement en un gâteau d'anniversaire, donnant lieu à une distribution de pain béni. Quand, de tout bord confondu, on reste sceptique, quand nous demeurons tributaires des volontés tout feu tout flamme d'une métropole qui joue les pères Noël ou les pères fouettards selon des humeurs qui, paraît-il, sont dictés par des années bissextiles. En effet, pourquoi avoir attendu tout ce temps pour organiser une semaine de négociations résultant d'une année d'enfer sur l'île ? La France aurait très bien pu arrêter tout cela plus tôt, en forçant la main d'Afrikaners qu'elle a trop souvent caressés dans le sens du poil.
Faisant les bons comptes de la classe possédante, qui suite aux troubles sociaux du 13 mai, nous agite la carotte de l'emploi, tentant d'acheter le silence des minorités et la servitude qui l'accompagne. Afin de renforcer sa domination, la classe possédante insiste sur l'économique via des mesures libérales comme fleuron affairiste qui, depuis la série référendaire, a pris son mal en patience pour voir naître un plan de relance économique à sens unique. Ce grand "reset" économique ne trompe personne, avec aux manettes des lobbyistes tels que le MEDEF local qui s'invite en tant qu'acteur de la société civile via des prétentions citoyennes au seul service du patronat. Au détriment d'une urgence sociale qui n'émeut pas grand monde dans certaines sphères économico-politiques qui instrumentalisent cette urgence pour capter l'ensemble des budgets. De manière à croire que les exactions du 13 mai 2024 ont plombé les caisses de l'archipel quand le taux d'endettement de l'île était déjà de 162 % en 2022. Le soutien de l'État représente déjà 20 % du PIB en 2023, compte tenu aussi d'engagements régaliens sur l'île concernant la santé, la sécurité et l'éducation assuré par l'hexagone. On peut donc dire que l'archipel reste une économie de comptoir. Qui voit, lors des réunions institutionnelles de Bougival, des acteurs présents jouer leur crédibilité à guichet fermé, sous les yeux d'un Macron ayant profité de la pause café pour filer à l'anglaise et boire le thé avec les roastbeefs. Macron qui, comme à son habitude, quand il sent le soufre, quitte le pays pour laisser ses ministres faire le sale boulot pour ensuite revenir jouer les sauveurs. Une Macronie plus impopulaire que jamais donne le ton à des loyalistes radicaux qui, en vue de prochaines élections locales, sentent un vent tourné qui déjà leur fait froid dans le dos. Face à des indépendantistes qui comptent affirmer une avancée politique, semble-t-elle, en pleine effervescence.
Dans cet écrin, l'avenir de l'archipel se discute dans une énième saison de pourparlers qui a vu ces dernières années des volontés politiques mettre en jeu le vivre-ensemble. Un scénario à la "Dallas", comme un tango enflammé qui note les faux pas de partenaires politiques de ne pas être dans le rythme des accords de Nouméa, préférant les fausses notes de l'extrême droite française. Le revers de prochaines élections provinciales représenterait pour eux plus qu'un pas de côté quand il retracerait une chute, une hécatombe voire une tombe tout court. Car, quand on dispose d'autant de passe-droits pour tenter en vain de voler de ses propres ailes, les dures lois de l'attraction seront loin de rattraper en plein vol, ceux qui furent mis en estime par une présidence française, c'est-à-dire un extrême centre bourgeois qui ne voit et ne reconnaît que ses pairs. Nous amenant à croire que le caractère poussif du dégel électoral a puisé sa force dans un racisme d'État qui a voulu instaurer une déchéance de nationalité massive à destination des indigènes. Sous couvert de démocratie, on a voulu instaurer une loi du plus fort qui incarne l'essence même d'une colonie de peuplement. Dans la mesure où certains n'ont toujours pas accepté le fait de se faire battre à leur propre jeu par des indigènes qui, pour ces derniers, ne sont que des français de papier quand ils brandissent un peu trop le fait d'être issu du peuple premier. Illustrant une aversion qui ne digère toujours pas le fait que les indigènes disposent du droit de vote dans une colonie de peuplement qui a vocation à se passer de leur voix, pour le peu qu'ils en aient une.
Pour tout vous dire, c'est le renouvellement de la classe politique qui se fait attendre plus qu'un nouveau statut qui, tel ce nouveau pins sacré, finira dans un carton au garage. Quand certains n'arrivent plus à remplir le frigo, que voulez-vous qu'ils fassent d'une double nationalité et d'un passeport calédonien quand le prix du billet pour les îles Loyauté revient plus cher que celui pour aller en Australie, du moins pour ceux qui ont du mal à mettre du beurre dans les épinards ? C'est dire l'incapacité de politiciens de tout bord confondus à répondre à l'urgence sociale, encore moins sans l'aide de la métropole, quand bien même un camp soit plus fautif qu'un autre, la faute demeure collective. À cet effet, est-ce qu'il a fallu attendre 2025 pour que des élus loyalistes s'inquiètent de la délinquance et de la hausse de sans-abris à la capitale qu'ils ont engendré, en monopolisant aveuglément les subventions, pour l'économique représentant l'essentiel de leur électorat ? De même pour les élus indépendantistes, est-ce qu'il a fallu arriver en 2025 pour qu'ils s'intéressent enfin à l'Économie Sociale et Solidaire pour les gens des tribus, représentant pourtant l'essentiel de leur électorat ?
Vous voyez bien que le problème réside davantage dans une représentativité qui nous fait dire que ces gens sont dépassés et ce n'est pas un nouveau statut qui fera table rase d'un passé dont certains ont remis au goût du jour des haines d'antan par peur d'un futur qui s'écrirait sans eux. Pour tout vous dire, certains d'entre nous sommes dans un présent qui compte les jours où les fossoyeurs du destin commun ne seront plus ni de près, ni de loin au pouvoir. À ce titre, ce n'est pas un nouveau statut dont nous avons besoin ni d'investisseurs étrangers, nous avons besoin de justice sociale, fiscale et environnementale. Puisque l'archipel concerné, suite à la série référendaire et aux exactions du 13 mai, a vu un climat de méfiance généralisée s'installer. À savoir que nous n'avons plus confiance en notre capacité à faire peuple, et encore moins grâce à certains de nos politiques actuels, et, dans une certaine mesure, via l'État français. On voit mal la métropole nous aider à retrouver confiance quand, sur son territoire, elle rencontre des problèmes similaires, rien qu'à entendre les débats houleux autour de l'intégration des musulmans de France qui virent au bourrage de crâne, ceux autour de la taxe Zucman, puis de la loi Duplomb.
Le tout sans censer savoir que la souveraineté d'un pays se construit au détriment de la souveraineté d'un autre, vraisemblablement pieds et poings liés par un accord qui a été écrit pour conforter un "business as usual". À l'instar de l'accord que Trump a imposé au président ukrainien pour apporter une "paix" qui se paye au prix fort, celui d'une souveraineté promettant de meilleurs lendemains. Et, si la guerre est un business, la paix est loin d'en être la parenthèse.
Autrement dit, une loi du plus fort qui glorifie son nom. En justifiant son rôle de faire régner cet ordre qui la place au premier loge d'un théâtre d'où un fil rouge dessine de manière très claire ce cordon ombilical. Faisant de nous des figurants de notre propre vie.