Il y a des anniversaires dont on se passera volontiers, d'amères commémorations qui voient un brasier social toujours aussi vivace. La Kanaky-Nouvelle-Calédonie a inscrit le 13 mai dans son calendrier funeste, et un an après, rien n'a vraiment changé. Tout reste propice à de nouveaux troubles, tant que la colère sociale n'est pas entendue comme telle. Il n'y a pas de fumée sans feu, et certains diront que la faute revient à ceux qui ont saboté un château de cartes pourtant déjà vacillant.
Dans ce jeu de dupes, ceux qui se présentent comme les sauveurs se retrouvent rattrapés par leurs turpitudes. Leur grand retour politique tourne au fiasco quand resurgissent les vieilles casseroles qu'ils croyaient avoir semées. Le parti Calédonie Ensemble qui s'imaginait faire son retour sur le devant de la scène tel le groupe Rolling Stones après des années d'absences. Tandis que si on voudrait revoir ce parti "ensemble" c'est surtout devant les tribunaux. Et, dernièrement c'est chose faite puisqu'ils y ont défilé pour ainsi dire main dans la main, pas pour signer des autographes, mais pour des affaires d'emplois fictifs. Comme des Papy Flingueurs maladroits, ayant cru pouvoir s'enrichir sur le dos du peuple. À l'image des Papy braqueurs qui ont cambriolé Kim Kardashian, en bâillonnant la démocratie, Calédonie Ensemble nous a pris en otage des années durant, via leurs salaires d'élus mirobolants telle une rançon payée à la vue de tous.
Dans ce contexte, le peuple n'attend plus grand-chose. À défaut d'un projet de société égalitaire, il réclame à minima un peu de justice. Loin de cette justice coloniale qui s'attaque toujours aux mêmes, mais une justice qui s'appliquerait à tous sans distinction de classe, de race et encore moins de genre. Comment accepter que parmi les 14 morts, tués lors des troubles du 13 mai 2024, les dix militants kanaks tués par les forces de l'ordre n'aient toujours pas obtenu justice ? Comment comprendre que l'ancien Haut-Commissaire Louis Le Franc fut décoré de la legion d'honneur quand sa "gestion" de la crise, consiste par son silence à donner carte blanche aux milices loyalistes, et à tourner le regard pendant qu'on pend des nègres sur la place publique. Un honneur qui sonne creux quand il rétablit la peine de mort à l'endroit de ceux qui en plus d'avoir la mauvaise couleur de peau, se hissent sous la bannière du mauvais drapeau.
Dans cet élan répressif, Sonia Backès s'est sentie pousser des ailes lors de son discours du 14 juillet 2024, en proposant au XXI ème siècle, ni plus ni moins que l'apartheid. Elle qui sous couvert de rigueur budgétaire, rétablit le code noir, le code de l'indigénat, en supprimant les aides sociales qui bénéficiaient principalement aux familles océaniennes. Une manière à peine voilée de punir ceux qui ne pensent pas comme elle, tout en prétendant gérer des caisses vides qu'elle et ses amis ont contribué à vider. Une stratégie qui rappelle étrangement les méthodes du gouvernement d'extrême droite israélien à Gaza : affamer l'adversaire politique pour mieux l'écraser.
C'est vous dire si, commémorer le 13 mai revient à marcher sur des braises encore chaudes. Vraisemblablement, entretenues en l'état de catastrophes, semble t'elles propices à de nouveaux troubles permettant à ceux qui prospèrent de rejet de l'autre de mettre du charbon dans la locomotive en marche qu'est notre société afin que nous foncions dans le mur fasciste.
Pour éviter cela, il nous faut lire entre les lignes, lire les lignes de nos vies concomitantes. Nous sommes ces arbres abattus qui avant de tomber, avons laisser derrière nous, l'espoir de voir éclore des graines pour que la forêt et le calme qu'elle inspire, inspire à nouveau. Laissant entrevoir des racines bien ancrées qui communiquent entre elles, pour se tenir la main et faire face aux tempêtes. Et, tant que les racines isolées de la colère n'auront été arrachées, tant que justice ne sera rendue, ces anniversaires ne seront que de sourds rappels d'une histoire qui a pour malheur d'avoir été écrite par le vainqueur pour se répéter.