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Billet de blog 16 novembre 2021

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Pourquoi je ne vote pas au dernier référendum de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie

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La France a une relation singulière avec le référendum, à l'image de celui du 29 mai 2005 (les français avaient refusaient refusait d'approuver le traité instituant une Constitution pour l'Europe, le traité de Rome), sans oublier celui du 27 avril 1969 ( sur le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat ». Le résultat négatif a conduit à la démission du président de la République Charles de Gaulle le lendemain). Elle peine à se saisir de cet outil démocratique, au regard du souhait des gilets jaunes de mettre en place le Référendum d'Initiative Citoyenne. Sans parler de l'allusion anecdotique faite par Emmanuel Macron quant à la tenue d'un référendum sur le climat. C'est dire si la défiance éprouvée par la société civile, quant à la faculté de la classe politique à représenter leurs intérêts, est grande.

Le vote des concitoyens concernant une question d'intérêt général du territoire qu'ils occupent, constitue un symbole démocratique considérable. Aller à l'encontre de cette idéologie, de déconstruire cette dernière dans le contexte de décolonisation, qui nous anime ici. C'est dans l'imaginaire collectif, nier le bipartisme qui cristallise cet archipel. Pourtant, ce bipartisme est assujetti au nom de la mondialisation, au néo-libéralisme. Ce en quoi, ce référendum est une diversion des vrais problèmes. Compte tenu des pronostics, il sert à faire accepter sa domination aux autochtones par voie démocratique, car la France depuis les accords de Matignon a phagocyté la société néo-calédonienne, et a terni l’insurrection kanak à coup de subvention, si ce n'est de corruption vers une élite autochtone pérenne.  Nous amenons à penser que ce référendum est un outil bien que démocratique. Il n'est pas ou peu accessible pour le commun des mortels, par le raisonnement technique, qu'il induit, par sa finalité institutionnelle, donc élitiste. Cette consultation, est une mesure pour le peuple, mais dont l'avenir institutionnel de l'île, se construira sans ou contre lui. 

Cette décision, de ne pas voter au référendum d'autodétermination de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie prend acte de la nécessité d'un changement de modèle. Bien que la série référendaire entame un cheminement identitaire néo-calédonien. Toutefois, l'aspect institutionnel ne peut satisfaire une quête existentielle qui s'anime aussi via un questionnement contemporain (réchauffement climatique, etc.). Étant donné que le modèle économique en vigueur sur cette île, est source de ses maux (pollution, inégalités accrues, etc.). Alors qu'il est reconduit comme chemin salutaire. À l'instar de la société civile consultée ici pour déléguer un pouvoir qui lui incombe de transformer cette île, à son image. Cette image est parasitée par des ambitions électoralistes binaires. Le bipartisme comme norme binaire irrigue l'ensemble de la société, car il détermine les rapports de pouvoir comme fondement de la société néo-calédonienne. En ce sens que les identités politiques qui découlent du bipartisme (loyaliste vs indépendantiste), apparaissent comme des représentations sociales figées. Au cas où la binarité politique comme représentation sociale serait questionnée, cela reviendrait pratiquement à remettre en cause l'identité même, de l'individu qui aurait du mal à se construire, en dehors de ce schéma politique intrinsèque.

L'Occident s'est construit sur des inégalités, qu'il a engendré en exportant un système pyramidal, de domination mondialisé, imposé au Sud, telle une « libération ». Hormis que la représentation émancipatrice de la révolution industrielle, a été mise à mal, au regard du bilan des indépendances africaines. Par ailleurs, la relation française avec ses colonies, laisse entrevoir un néo-colonialisme, institutionnalisé par le capitalisme (une main mise sur les richesses) qui perdure aussi dans les anciennes colonies, dont les indépendances ne sont que des « décolonisations administrative de façade » (la France-Afrique).


La Nouvelle-Calédonie est une ethnocratie, car le gouvernement tient sa place des tenants et des aboutissants des différences ethniques, perceptible lors d'élections, où le clientélisme ethnique y a joué un certain rôle. Tant que nous accordons de l'importance aux barrières artificielles qui séparent les insulaires quelle qu'ils soient entre eux. L'identité néo-calédonienne s'enracine dans la terre que les ancêtres portent. Il peut en découler un regard lucide sur l'histoire, pour élaguer ensemble un chemin, à travers le champ des possibles. Loin des vantardises de familles monopolisant la " vie chère ". Le passé comme héritage questionne notre présent ainsi que notre façon de faire société. Nous pourrions nous inspirer de la France, et réclamer à notre tour un Référendum d'Initiative Citoyenne, pour devenir acteur de notre avenir (ainsi que celui des générations futures) qui semble nous échapper. Le destin de cet archipel ainsi que celui de la planète ne peut se jouer dans les urnes, car le caractère subversif, qu'il induit renverserait, un ordre social/politique/économique pré-établi. Il faut dire que la pauvreté asservit (la vie chère, la baisse des services publics), l'île s'endette, solde son peu de souveraineté au profit de l'intérêt privé, avec pour seul motif (valable) la théorie du ruissellement. La réappropriation par la société civile, des questions politiques et économiques, en son sens originel, qui est celui tiré du terme grec oikonomia (gestion de la maisonnée). Une forme d'empowerment social, admettant que le sort des générations futures ne peut se sceller, qu'au seul prix de notre complaisance, si ce n'est de notre sommeil. Le but n'est pas de faire sa part, mais de ne jamais faire seul, tout autant qu'il n'est pas d'être libre, mais d'être libre ensemble. L'émancipation n'est pas " servie sur un plateau ", elle n'est pas le fruit des urnes, elle se conquiert. Ainsi, nous pourrions renouer avec la nature, des îles du Pacifique Sud qui ont vocation à être des refuges, loin de la folie de la modernité.
Pour cela, il va falloir déconstruire, décoloniser les esprits. En ce sens, la Nouvelle-Calédonie-Kanaky a besoin de temps pour libérer la parole. La série référendaire fait office de « thérapie de groupe », soulignant la nécessité d'établir un devoir de mémoire collective. La parole néo-calédonienne pour s’élever, doit d'abord se libérer, afin que sa résonance demeure (plus ) forte, elle ne doit pas s'appréhender comme le monopole des « ainés », pour ne pas dire du patriarcat. Cette construction identitaire devrait s’accommoder de la souffrance de l'autre, en tentant de résorber la violence, de soigner l'histoire, pour ainsi soigner la société néo-calédonienne. Cette identité est sollicitée politiquement, de part et d'autre, comme indéniable source du vivre-ensemble, telle une prophétie auto-réalisatrice. Celle-ci doit sortir du clivage par la parole, en acceptant la ou les différences. Si bien que vivre, c'est à la fois recevoir et transmettre, donc nous sommes dépendants de l'autre pour se révéler à soi et au monde. Il ne tient qu'à nous d'accepter l'autre, de prendre en compte sa souffrance. Cette souffrance nous est nullement étrangère, car nous portons tous ce poids, ce fardeau, de vouloir trouver notre place dans la société et dans le monde. Cette souffrance commune, nous triture, car elle nous renvoie, à notre nature, celle d'être mortel. Il nous faut considérer, cette souffrance commune, d'avoir conscience d'être mortel, via ce qui a de fragile dans une vie, la reconnaissance. Ce en quoi le racisme obscurcit notre rapport à l'autre, par le refus de considérer la souffrance de l'autre, comme souffrance commune. Quand bien même le fait d'exister consiste à marquer sa différence, mais celle-ci résonne comme une invitation, à la surprise.

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