L'absurde résonne comme un compromis, telle une morale, du « comment vivre », face à une contradiction entre le réel et la pensée. Autrement dit, le silence du monde face à notre ardent désir de reconnaissance existentielle, voire d'aspirer à perdurer hors de ce schéma fataliste. Suite à quoi la religion interprète ce silence, en cajolant notre terrible espoir, face à ce néant qu'est la vie.
«Dieu nous a donné la terre mais, en échange, il nous reprend. Nous avons si peu de temps pour faire quelque chose de notre vie !»
Or Albert Camus récuse toutes croyances et autres idéologies religieuses prônant un sens à l'existence, qui à ses yeux sont irrationnelles. D'après cet écrivain, vivre ne vaut rien, car rien ne vaut le fait de vivre. Aussi absurde soit le monde, nous sommes seuls maîtres du sens que l'on donne à notre existence. De par une lucidité, de se recentrer sur notre liberté et nos passions. Néanmoins, quand celles-ci sont contraintes, la restriction subie, peut faire naître un caractère subversif à notre existence, par le biais de la révolte 1.
« Dans la révolte, l’homme se dépasse en autrui et, de ce point de vue, la solidarité humaine est métaphysique. Simplement, il ne s’agit pour le moment que de cette sorte de solidarité qui naît dans les chaînes2 ».
On serait tenté de résumer une bribe de la pensée camusienne concernant l'absurdité, par la formulation suivante 3 ; « être libre, c'est n'être rien, mais n'être rien, c'est faire partie d'un tout ».« N'être rien » ne fait pas référence ici, au sens péjoratif, que lui donne une opinion utilitariste, à savoir une valeur nulle. « N'être rien », c'est être libre, car dénué d'un rapport aussi artificiel soit-il, au monde. « Faire partie d'un tout », c'est renouer avec l'harmonie aussi bien celle véhiculée par le groupe social, que celle émanant de l'ensemble du vivant. Autrement dit, c'est faire partie d'un tout métaphysique .
« Les grandes révolutions sont toujours métaphysiques » 4
L' existence serait alors une énigme 5, dont on s'éperdue à trouver le sens du monde, mais faut-il la résoudre pour être heureux ? Dieu n'existant pas, nous sommes seul créateur de notre aspiration au bonheur. Après tout, nous allons tous mourir, néanmoins nous avons également le pouvoir de donner la vie. La certitude qui consiste à croire qu'une vie donnée, nous ne pouvons la reprendre, puisque le seul sens existentiel qui prévaut, justifie de la préserver.
1 Qui traduit une tentative de renverser l'ordre pré-établi.
2 Camus Albert, L’homme révolté, collection Folio/Essais, Editions Gallimard, 1951, p31.
3 Quand bien même cette pensée ne peut s'extraire en si peu de mot, et dont l'exercice, qui nous anime et loin d'être exhaustif, tant la dite pensée est riche.
4 Albert Camus, extrait du Mythe de Sysyphe.
5 Nous allons ici tenter d'y apporter des éléments de réponse.