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Billet de blog 22 mars 2025

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Canard laqué, et rose saumon

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je ne sais pas si quelqu’un a dit aux asiatiques qui préparent du canard laqué que le canard est déjà mort, donc il n’est pas nécessaire de le peindre en rouge.  

Blague à part, cette omniprésence de la couleur rouge dans des célébrations, lui donne une connotation festive, cela interroge. Cette couleur révèle peut-être un appétit insatiable de l’humanité à voir la faune et la flore comme un buffet à volonté, célébrant ainsi un nouveau cycle de domination sur la planète et la nature qui y figure.  

Le rouge, le rose colorent, en effet, des mets inébranlables dans l’imaginaire collectif. Le jambon ou le saumon, bien qu’ils ne soient pas roses dans la vraie vie, doivent l’être sur l’étal des magasins, le tout portés par un merchandising tape-à-l’œil. Cette habitude de consommation, ancrée dans nos esprits, n’est pas prête de changer, au risque de faire perdre des parts de marché aux plus offrants. Même si, et surtout si, le jambon comme le saumon fumé industriels contiennent des produits cancérigènes.  

La couleur comme outil de manipulation : un reflet du capitalisme

Que dire de la fameuse propagande sur les produits laitiers ( manger des produits laitiers trois fois par jour serait bon pour la santé, alors que ça n'est pas prouvé scientifiquement ), qui a vu leur consommation monter en flèche, alors même que les arguments avancés étaient fallacieux ? Cette stratégie marketing repose sur une loi du plus fort : celui qui impose son discours et ses imaginaires domine. Et cet impérialisme alimentaire n'est pas prêt d’être stoppé par un appareil étatique, dont on se demande, à quoi il sert vraiment ?

Face aux lobbies agroalimentaires qui dictent leurs règles, influencent les politiques publiques et façonnent nos habitudes de consommation. Si l'on tient compte de l'omniprésence d'une alimentation standardisée, nocive pour la santé et l’environnement, mais profitable pour les multinationales.  

Polluants éternels et plastique : l’héritage toxique du capitalisme

Mais les dérives ne s’arrêtent pas à la couleur des aliments. Elles s’étendent à l’ensemble de notre environnement, contaminé par des polluants éternels comme les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) et le plastique omniprésent. Les PFAS, utilisés dans les emballages alimentaires, les poêles antiadhésives ou les textiles imperméables, sont liés à des cancers, des troubles hormonaux et des maladies chroniques. Le plastique, lui, est partout : dans les océans, dans les sols, et même dans notre corps. Si bien que chacun d’entre nous a déjà ingéré l’équivalent d’une carte bleue en plastique au cours de sa vie.  

Ces polluants sont le fruit d’industries qui ne paient pas le coût de leur impact environnemental et sanitaire. Quand ce sont les citoyens et les générations futures qui en supportent le fardeau. Les scandales sanitaires et environnementaux, comme l’eau contaminée ou les produits cancérigènes, sont le symptôme d’un système où les régulations sont insuffisantes, les contrôles laxistes, et les sanctions rares. Les polluants éternels et le plastique illustrent cette impuissance. Malgré les preuves scientifiques de leur dangerosité, leur production et leur utilisation continuent, sous la pression des lobbies industriels. Au détriment de politiques publiques, qui apparaissent trop timides pour imposer des changements radicaux.  

L’illusion des couleurs, reflet d’une société malade

Tout bien considéré, le rouge du canard laqué, le rose du jambon, le blanc immaculé des produits laitiers : ces couleurs sont le reflet d’une société qui préfère l’apparence à la réalité, le confort de l’illusion plutôt qu'une prise de conscience d'une réalité macabre. Elles masquent des pratiques industrielles douteuses, des impacts environnementaux désastreux et des enjeux de santé publique ignorés.  

Prenons l’exemple du saumon fumé pour obtenir cette teinte rose si appétissante, les éleveurs ajoutent des colorants à la nourriture des poissons, sans quoi, leur chair serait grise. Mais qui voudrait acheter du saumon gris ? Personne pourtant, cette couleur artificielle ne change rien au goût ni à la qualité nutritionnelle du produit. En revanche elle pèse dans la perception de notre désir.  

Ces dérives alimentaires et environnementales sont le miroir d’un système, où les lobbies dictent les lois, et où les citoyens sont réduits au rôle de consommateurs passifs. Les scandales à répétition, eau contaminée, produits cancérigènes, exploitation des travailleurs, sont les symptômes d’un système qui utilise la manipulation, via entre autres des couleurs, des slogans, des images pour nous tromper.  

Est venu le temps de questionner ces couleurs qui nous hypnotisent, ces slogans qui nous manipulent, ces pratiques qui nous empoisonnent. Chaque fois que nous achetons un produit, nous soutenons une industrie qui sacrifie notre santé et notre planète sur l’autel du profit. Le changement commence par boycotter les marques qui jouent avec notre santé ; exiger des politiques publiques qui protègent les citoyens plutôt que les intérêts des multinationales.

Conclusion

Le rouge du canard laqué, le rose du jambon, le blanc des produits laitiers : ces couleurs doivent être des symboles de notre prise de conscience. Nous avons le pouvoir de refuser les mensonges en choisissant une alimentation respectueuse de notre santé et de notre environnement. Cette prise de conscience questionne les fondements mêmes de notre démocratie capitaliste, qui sacrifie l’humain et la planète au profit d’une minorité. La question n'est pas de savoir si le canard est mort, mais de savoir si notre libre arbitraire est bel et bien vivant ? Tant, il importe de réanimer l'espace public de notre conscience civique collective qui doit pouvoir s'animer face aux réalités qui nous traversent pour et par lesquelles nous devons agir en conséquence.  

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.