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Billet de blog 22 novembre 2021

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Le référendum de la discorde en Kanaky-Nouvelle-Calédonie

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Tout d'abord, rappelons que la France a une relation singulière avec le référendum, à l'image de celui du 29 mai 2005 (les français avaient refusaient d'approuver le traité instituant une Constitution pour l'Europe, le Traité de Rome.), sans oublier celui du 27 avril 1969 ( sur le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat ». Le résultat négatif a conduit à la démission du président de la République Charles de Gaulle le lendemain). Elle peine à se saisir de cet outil démocratique, au regard du souhait des gilets jaunes de mettre en place le Référendum d'Initiative Citoyenne. Sans parler de l'allusion anecdotique faite par Emmanuel Macron quant à la tenue d'un référendum sur le climat. 

Dans le cadre de la série référendaire d'autodétermination de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, l'abstention annoncée des indépendantistes fait suite au refus de la France de reporter, à leurs demandes le dernier référendum. La cause indépendantiste semble cantonnée dans les méandres de la bureaucratie française. Tant est si bien que les indépendantistes optent parfois, pour une politique de la chaise vide. La France, pourtant, s'honorerait à accorder un délai supplémentaire de la dernière consultation référendaire. Cette requête des indépendantistes s'explique par une recrudescence du covid-19 venant impacter l'ensemble de l'île ( hausse de cas, hausse de la mortalité). L'hiatus réside entre autres dans une perception de la temporalité qui diffère. Le deuil comme toute autre cérémonie de la société mélanésienne a besoin de temps pour que la coutume en question prenne tout son sens, collectif. La primauté du lien dans la société évoquée nécessite qu'on s'y attarde voire qu'on s'y attache. La situation paraît cocasse de demander à un marchand d'armes du repos pour faire son deuil. La France n'étant pas une blanche colombe. Elle fut mise en cause dans le génocide Hutu contre Tutsi. Elle est aussi responsable de la propagation du chlordécone dans les antilles française, sans évoquer la gestion calamiteuse du covid dans l'hexagone qui a eu certaines conséquences (suppression de lits, pas de blouses pour le corps médical, pas de tests, pas de gels, pas de masques, pas assez de frigidaires pour garder les vaccins, etc.). Un autre indépendantiste du pacifique a fait les frais de la France, en la personne d'Oscar Temaru à qui les avoirs ont été gelé, via des agences d'états interposées peut-être en rapport avec le fait que celui-ci veut porter plainte contre l'hexagone pour crime contre l'Humanité par rapport aux essais nucléaires en Polynésie.

Les cartes sont battues par un coup du sort, le jeu des indépendantistes ne semblent pas à la hauteur des enjeux. Il faut dire que les grabuges autour du projet de reprise de l'usine de Vale (l'usine pays), font que la représentation d'une indépendance sereine a pris un coup dans l'aile. Par ailleurs, côté loyaliste, Harold Martin et sa milice arboraient une mentalité de cowboys contre les indiens, sous la bannière prétendu de la justice. Lui à qui pourtant cela ferait du bien de passer un temps à l'ombre. À croire que l'eau n'a pas couler sous le pont du vivre ensemble car la France sort la tête l'eau de cette île, au forceps grâce à son aide médicale pour lutter contre le covid-19. La société néo-calédonienne s'étrangle, avec le cordon ombilical français. À ce titre, la métropole rebat les cartes du jeu politique néo-calédonien, car « la main qui nourrit, c'est la main qui dirige », difficile dans ce contexte pour les indépendantistes de faire valoir leurs revendications. Ces derniers font figure d'outsiders sur leur propre terrain. Ils avait fait un score intéressant, lors du deuxième référendum. Désormais, la présidence du 17e gouvernement de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, acquise par l'indépendantiste Louis Mapou semble être un maigre lot de consolation pour les indépendantistes qui sont loin de constituer un bloc homogène.

La position d'Emmanuel Macron envers le pluralisme reste caduque, en vues d'élections présidentielles, où la question de la différence semble gravé dans le marbre. Quand bien même Macron peaufine sa communication envers les minorités via un exercice de style grandeur nature. Lors du dernier sommet France-Afrique qui s'est tenu à Montpellier le 8 octobre 2021. Une sorte de The voice spéciale Africa, où la présence de présidents africains n'était pas nécessaire face à la position centrale du saint patron de la France-Afrique. D'où Macron s'exprime par des sourires narquois et des effets d'annonces paternalistes, contenant ainsi l'espoir de tout un continent. Lui qui apparaît comme un président illégitime, si on considère la forte abstention lors des dernières élections présidentielles françaises. L’abstention massive a aussi retenti aux dernières élections municipales, en juin 2020. C'est dire si la légitimité du gouvernement actuel est mise à mal, par une démocratie sans électeurs. De ce fait, on imagine mal la France penchée en faveur des indépendantistes quant à leur souhait de retarder le dernier référendum, vu que la métropole a tout intérêt à garder cet archipel, sous son joug. De plus, le terme indépendance, ne veut plus dire grand chose, dans un contexte de mondialisation. Il perd d'autant plus son sens accompagné du terme association (indépendance-association), tel qu'il a été évoqué par certains indépendantistes, sans doute pour pallier à une représentation caverneuse qu'ont leurs détracteurs, de leur projet politique. Alors que d'autres sceptiques voient en cette indépendance-association, un continuum colonial se rapportant à la France-Afrique. Du fait que l'Occident s'est construit sur des inégalités, qu'il a engendré en exportant un système pyramidal, de domination mondialisé, imposé au Sud, telle une « libération ». Hormis que la représentation émancipatrice de la révolution industrielle, a été mise à mal, au regard du bilan des indépendances africaines. La relation française avec ses colonies, laisse entrevoir un néo-colonialisme, institutionnalisé (une main mise sur les richesses) qui perdure aussi dans les anciennes colonies, dont les indépendances ne sont que des « décolonisations administrative de façade » (la France-Afrique).


Cette île a entamé un processus de décolonisation qui paraît engluée dans le marasme institutionnel. Expliqué par les accords Matignon et de Nouméa qui ont enfermé le destin du «  caillou » (c'est le surnom de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie.) dans une optique d'essor d'infrastructures locales, via le fameux transfert des compétences. Faisant référence, à une perception marxiste qui consiste à développer des infrastructures, comme autant de forces productives, et de rapports de production tel le socle matériel de la société néo-calédonienne. Propre à la classe politique locale qui est bloquée dans une vision passéiste du modèle industriel, comme émancipateur. Perceptible par la prééminence établit de la théorie du ruissellement, comme dogme. L'activité minière florissante en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, fait de ce pays un important émetteur de gaz à effet de serre. Hormis que le fait de décoloniser consiste à détoxifier les esprits d'un capitalisme qui instaure des relations, des comportements toxiques (mentalité de chasseurs de dollars) entre les femmes et les hommes. Un vivre-ensemble enclavé dans une binarité, une hiérarchisation comme héritage, du fait colonial. Une méfiance perceptible envers ceux dont les origines renvoient à des temps immémoriaux. Ressentit via la figure du sauvage véhiculée entre autres, sur les chaînes d'informations à sensations et autres penchants réactionnaires (vers l'extrême droite). Une recette électoraliste veille comme le monde qui vocifère encore aujourd'hui, selon l'agenda politique en vigueur. 

Le bipartisme qui cristallise cet archipel, est assujetti au nom de la mondialisation, au néo-libéralisme. Ce en quoi, ce référendum est une diversion des vrais problèmes. Compte tenu des pronostics, il sert à faire accepter sa domination aux autochtones par voie démocratique, car la France depuis les accords de Matignon a phagocyté la société néo-calédonienne, et a terni l’insurrection kanak à coup de subvention. Nous amenons à penser que ce référendum est un outil bien que démocratique. Il n'est pas ou peu accessible pour le commun des mortels, par le raisonnement technique, qu'il induit, par sa finalité institutionnelle, donc élitiste. Cette consultation, est une mesure pour le peuple, mais dont l'avenir institutionnel de l'île, se construira sans, ou contre lui.En ce sens, la Nouvelle-Calédonie-Kanaky a besoin de temps pour libérer la parole. C'est pourquoi la série référendaire fait office de « thérapie de groupe », soulignant la nécessité d'établir un devoir de mémoire collective. La parole néo-calédonienne pour s’élever, doit d'abord se libérer, afin que sa résonance demeure (plus) forte, elle ne doit pas s'appréhender comme le monopole des « ainés », pour ne pas dire du patriarcat. Cette construction identitaire devrait s’accommoder de la souffrance de l'autre, en tentant de résorber la violence, de soigner l'histoire, pour ainsi soigner la société néo-calédonienne. Cette identité est sollicitée politiquement, de part et d'autre, comme indéniable source du vivre-ensemble, telle une prophétie auto-réalisatrice. Dans le but que cette identité se construise à l'image de la société néo-calédonienne.

Aussi la construction de cette identité ne devrait pas être parasitée par des ambitions électoralistes binaire. D'où le fait que le destin de cet archipel et celui de la planète ne peut se jouer dans les urnes, car le caractère subversif, qu'il induit renverserait, un ordre social/politique/économique pré-établi. Il faut dire que la pauvreté asservit (la vie chère, la baisse des services publics), l'île s'endette, solde son peu de souveraineté au profit de l'intérêt privé, avec pour seul motif (valable) la théorie du ruissellement. C'est dire si la réappropriation par la société civile, des questions économiques, en son sens originel, qui est celui tiré du terme grec oikonomia (gestion de la maisonnée), paraît souhaitable. En réclamant à notre tour un Référendum d'Initiative Citoyenne, pour devenir acteur de notre avenir, car le sort des générations futures ne peut se sceller, qu'au seul prix de notre complaisance, voire de notre sommeil. L'émancipation n'est pas " servie sur un plateau ", elle n'est pas le fruit des urnes, elle se conquiert. Ainsi, nous pourrions renouer avec la nature, des îles du Pacifique Sud qui ont vocation à être des refuges, loin de la folie de la modernité.

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