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Billet de blog 24 juin 2024

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En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, l'impartialité des organes institutionnels comme extension de la force coloniale ne laisse plus place aux doutes. Et ce n'est pas la récente incarcération pénitentiaire de 7 membres du Comité de Coordination des Actions de Terrain qui nous fera dire le contraire. Certes, des violences ont été commises envers des enseignes commerçantes du fait d'émeutiers qui n'ont potentiellement aucun rapport avec la mouvance indépendantiste. Vous savez comme moi que quand un homme a faim, il ne se préoccupe pas de faire des actions sous une bannière politique. Par contre, si le climat social et politique est suffisamment tendu pour que des méfaits puissent passer sous le radar, ça donne de mauvaises idées à certains. 

On déplore bien entendu, les saccages, les pillages et les incendies. Quelque part, on reste interloqué de la prolifération d'incendies. De la part à priori d'une jeunesse qui n'est pas tant politisée que ça. On veut bien croire que des casseurs se greffent au chaos. Quand on sait que le plus gros des troubles se déroulent dans des quartiers sensibles.

Toutefois, on voit apparaître des incendies ici et là. Qui sont condamnables en soi, d'autant plus qu'ils posent questions. Étant donné que les pilleurs pillent. Or, brûler des docks entiers, ça paraît invraisemblable. Le tout sans jamais évoquer que la conjoncture actuelle est loin d'être florissante. La crise du nickel qui pointe à peine le bout de son nez, la vie chère, l'inflation, la hausse du chômage font que les commerçants ont d'ores et déjà la vie dure. Et pour ceux qui ont des commerces de taille importante et énergivores, les charges d'exploitation mensuelles paraissent conséquentes par rapport aux gains. Pour certains, je ne dis pas pour tous, peut-être que les grabuges incarnent une occasion de sortir la tête de l'eau, en touchant comme pécule l'argent de l'assurance. Comme ce fut le cas pour les émeutes de 2005, dans les banlieues françaises, où des habitants avaient demandé à des jeunes de brûler leur voiture pour pouvoir s'en racheter une nouvelle, avec l'argent de l'assurance.

Cela reste une supposition, ce qui est sûr, c'est que pour les commerçants qui ont survécu financièrement à la crise COVID, ce contexte de crise économique et sociale actuel risque de les achever. Dans ce scénario, toutes les options sont bonnes à prendre, notamment celles qui incarnent une porte de sortie spectaculaire pour faire diversion.

Cela dit, on reproche aux membres de la CCAT des actes terroristes. Cela paraît fort de café de se faire traiter de terroriste par un marchand d'armes qui fournit un attirail militaire pour parfaire un génocide en cours. Cela parait fort de café de se faire traiter de terroriste par une puissance coloniale qui a bombardé maintes fois l'atoll de Mururoa, en Polynésie française, par une bombe atomique plus puissante que celle larguée sur Hiroshima et Nagasaki. Cela parait fort de café de se faire traiter de terroriste par une force impérialiste qui a empoisonné sa propre population à coup de chlordécone dans les Antilles françaises. Et enfin, cela parait fort de café de se faire traiter de terroriste par un État français qui a incendié le navire de Greenpeace, le " Rainbow Warrior " faisant des morts, bateau qui protestait contre les essais nucléaires en Polynésie française. 

Pour revenir aux terroristes présumés de la CCAT, ils ont été incarcérés en partance pour la métropole de manière arbitraire. Une incarcération qui prend des allures de lynchage politique. Du fait que le plus grand tort de la CCAT a été celui de s'attaquer (encore que cela reste à prouver) au capital de la bourgeoisie coloniale. Cette période de troubles sociaux a vu l'État français insister sur un ordre qui est là pour assurer avant tout la protection de la propriété privée et la bonne conduite de l'exploitation des esclaves pour le compte de l'oligarchie. Tandis que les victimes se comptent plus du côté kanaks du fait d'une milice qui opère dans une impunité totale. Cela n'a pas l'air d'alarmer plus que cela le haut commissaire qui reconnaît à demi-mot, face caméra, l'existence d'une telle milice. À croire que les fonds de commerces ont plus d'importance que la vie d'indigène, avec pour toile de fond un racisme historique et systémique qui fait la pluie et le beau temps des indignations à géométrie variable. Si bien que les médias mainstream se concentrent sur les seules peurs blanches comme boussole des préjudices subis sur l'archipel.

Si ce n'est que le timing de la métropole est on ne peut plus clair. La France a attendu de pouvoir remilitariser la Kanaky-Nouvelle-Calédonie et d'avoir ouvert deux nouvelles prisons pour pouvoir faire tomber son masque de bienfaiteur. Tant son leitmotiv colonial est loin d'honorer une île qui a tant à offrir, mais qui a tant souffert. Grâce à un président qui se dessine lui-même en grenadier. À croire qu'il est venu passer ses nerfs sur notre paix sociale pour ensuite remettre de l'huile sur le feu à la fois sur l'archipel et en métropole. En ce sens, nous ne voulons plus d'une France qui actuellement prône le retour du fascisme. Encore que la colonisation n'a jamais cessé d'être un régime politique fascisant et l'exemple de la Kanaky et de la Palestine ne cesse de nous le montrer. Quand dans les médias à la solde du pouvoir, les mots peinent à se prononcer en faveur des victimes kanakes et encore plus envers celles palestiniennes. Nous rappelons à un ordre du monde auquel nous ne voulons plus appartenir, un ordre du monde que nous ne pouvons cautionner. 

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