La macronie n’en finit plus de surprendre : voilà que l’on apprend la nomination de Manuel Valls, paria de la gauche et de la scène politique française en général, au poste de ministre des Outre-mers. En vérité, un « sous-ministre » car ce ministère est aujourd’hui relégué au rang de strapontin gouvernemental. Si l’on en juge par le chemin tortueux de Valls, rien n’indiquait qu’il se retrouverait un jour en responsabilité de territoires ultramarins dont il ne connait la réalité, sinon à travers les discours emphatiques qu’affectionnent les gouvernements de passage.
Cette manœuvre n’aurait rien d’étonnant si elle ne s’inscrivait pas dans le décor de cirque d’un gouvernement Bayrou alias " Bozo le clown" qui prend des airs de jeu de chaises musicales. Pour placer ses copains, et consolider le pouvoir d’un centre bourgeois, autoritaire et conservateur qui, sous couvert de libertarisme, s’érige en gardien du temple du privilège blanc. Le résultat : un assemblage hétéroclite, plus préoccupé par la poursuite de ses intérêts que par la défense d’un héritage républicain qui, de toute évidence, ne s’applique qu’avec parcimonie aux Outre-mers.
Manuel Valls se retrouve promu, donc, à la surveillance de ces confettis d’empire dont la métropole vante le folklore pour mieux en ignorer les difficultés structurelles. Le voici affublé d’un maroquin devenu secondaire, dans l’espoir probable de redorer son blason terne et de faire oublier son exil politique manqué. Peut-être y voit-il un tremplin pour regagner un semblant de crédibilité ; peut-être s’agit-il, à l’inverse, d’un enterrement de carrière déguisé.
Dans tous les cas, cette nomination renforce la sensation que la République, dans sa grande mansuétude, se contente d’offrir les Outre-mers en pâture à des figures de second rang. Comme si l’avenir de ces territoires se satisferait de la figuration d’un Valls, passé du statut de prétendant à l’Élysée à celui de « sous-ministre » subalterne. Aussi, la partition qui se joue laisse un goût amer : au moment où les Outre-mers ont besoin d’une voix forte et attentive à leurs réalités, ils héritent d’une figure comme symbole d’une gauche désavouée, placée là pour boucher les trous d’un gouvernement en mal d’assise car sur un siège éjectable politique avec une motion de censure qui leur pend au nez.
En raison de quoi, ce jeu de chaises musicales orchestré par Bayrou, reflète une conception jacobine du pouvoir : on recase, on saupoudre, on s’en remet aux réseaux d’un centre bourgeois, ronronnant, gardien zélé des privilèges d’une élite moins républicaine que jamais. Les Outre-mers, pourtant riches d’une diversité et d’une histoire fortes, se retrouvent encore et toujours relégués au second plan, sous l’œil condescendant d’une métropole confortablement installée dans la perpétuation de ses privilèges.