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Billet de blog 26 janvier 2025

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Suppression de bourses scolaires en Kanaky-Nouvelle-Calédonie

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'annonce de la suppression de l'Aide Médicale, ainsi que la suppression des aides pour les boursiers, parachève la croisade de la Province Sud contre toute forme de solidarité envers les plus démunis, marquant le choix d'une marginalisation des précarisés par le démantèlement des politiques publiques qui leur sont destinées. Sonia Backes, pour ne citer qu'elle, a longtemps porté ce projet de supprimer les aides à la cantine pour les enfants de familles les plus modestes, dévoilant une stratégie délibérée d’affaiblissement de la sécurité sociale en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, qu'on nous présente aujourd'hui sous couvert de manque de budget, alors que cette marginalisation des précarisés et des racisés, qui plus est dans une société bâtie sur l'emprise coloniale, ne date pas d'hier.  

En s’attaquant aux bourses et aux aides à la cantine, la Province Sud déclare la guerre aux populations kanakes marginalisées, qui potentiellement votent indépendantiste, ainsi qu'aux populations wallisiennes, qui potentiellement votent centriste à travers le Parti Éveil Océanien, qui s'est fraîchement rallié à un parti loyaliste concurrent de celui de Madame Backes, et qui entre autre a fait chuter le parti de cette dernière aux dernières sénatoriales. Ainsi, le non-respect de la pluralité des opinions semble être la cause sous-jacente d'un choix politique qui va à l'encontre de valeurs républicaines.  

Sonia Backes ne semble pas avoir digéré sa défaite aux sénatoriales et cherche à le faire sentir sur une population sur laquelle elle exerce tout le poids de son mépris. Quand nous osons croire que si la majeure partie de l'électorat loyaliste était bénéficiaire de ces aides sociales, ces aides auraient été reconduites comme par magie. Pour autant, les aides à la cantine, tout comme les bourses, ne sont pas que des soutiens financiers : elles illustrent une promesse républicaine portant à bout de bras l’égalité des chances. Leur suppression est un signal clair que les valeurs républicaines n'ont jamais été le socle d'un projet de société porté par des loyalistes qui semblent servir d'autres intérêts que ceux d'une société prétendument égalitaire, pour le peu qu'elle l'eût été un jour. Quoi qu'il en soit, ces aides adressées aux plus modestes, qui sont pourtant les plus méritants d'entre nous, caractérisent une droite dure coloniale qui est prise à la gorge par ses propres contradictions. Celles qui consistent à croire qu'en appelant à foutre le bordel, des élus loyalistes comme Backes et Metzdorf ont laissé une traînée de poudre sur un brasier social et politique pour ensuite en allumer la mèche tout en prétendant être les garants du vivre-ensemble. Ce faisant, des élus loyalistes sont loin d'incarner une figure de stabilité quelconque, quand ils sont maintenus là par défaut par un pouvoir parisien qui éclaircit au passage sa raison d'être : celle de rester un colonisateur.  

Le paradoxe est d'autant plus grand que ces élus loyalistes sont les premiers à dénoncer les liens des indépendantistes avec la Chine comme pays autoritaire, alors qu'eux-mêmes, sous couvert d'un budget que Backes a saboté étant de 2011 à 2014 ministre des Finances, selon les dires du parti Calédonie Ensemble, en supprimant des aides sociales pour affaiblir, voire affamer, l'électorat de ses opposants politiques, cela montre au grand jour le visage autoritaire d'élus loyalistes. Ce même visage autoritaire que des élus loyalistes attribuent à la Chine, dont ils assurent combattre l’influence, en s'avançant comme des démocrates et des républicains. Ce même visage autoritaire qui a vu Gil Brial annoncer face caméra la suppression de ces aides, lui qui a lynché le premier nègre qui a croisé sa route dans les beaux quartiers pendant la période de troubles que l'archipel a récemment connue et qui est libre comme l'air. Ceci dit, Monsieur Brial a eu la décence de nous épargner ses larmes de crocodile à l'écran, lui pour qui cette annonce ne fait ni chaud ni froid, quand il doit peut-être bien s'en réjouir hors plateaux TV. À l'image aussi d'un Nicolas Metzdorf qui est apparu tout sourire sur les réseaux aux côtés d'un représentant israélien. La mort de pas moins de 18 000 enfants dans la bande de Gaza doit être un détail de l'histoire pour un Metzdorf qui est pourtant papa d'enfants en bas âge. Vous l'aurez compris, l'indifférence crasse d'élus loyalistes quant au sort de vieux malades et de jeunes enfants modestes de l'archipel nourrit le souhait de capter pour eux et pour leurs proches ce qu'il reste de subventions, assez pour qu'ils promeuvent un apartheid social sous couvert d'hyper-provincialisation, pour parquer les sans-dents entre eux.  

Tant et si bien que le projet de réduire les aides sociales, porté de longue date par Sonia Backes, illustre une vision politique profondément ancrée dans une forme d'ethno-nationalisme autoritaire. En remettant en cause l’accès à des droits fondamentaux comme l’éducation et l’alimentation scolaire, elle poursuit une stratégie de fragmentation sociale qui vise à affaiblir les solidarités collectives pour les rendre encore plus dépendantes des élites économiques et politiques. La suppression des aides à la cantine pour les plus démunis, proposée dès son mandat à la présidence de la Province Sud, était un indicateur de cette orientation.  

En s’attaquant aux dispositifs qui permettent aux plus précaires de s’éduquer, de manger et littéralement survivre, cette politique compte museler toute forme de contestation sociale. Privés de ressources essentielles, les jeunes et leurs familles se trouvent enfermés dans un cycle de pauvreté qui limite leur capacité à se faire entendre. Ce n’est pas un hasard si ces mesures touchent principalement les populations défavorisées, qui portent souvent des revendications politiques et sociales, notamment en faveur de la justice et de la souveraineté, de manière à les amener à rechigner sur ce qui leur reste de droits pour qu'ils demeurent les espoirs à nu, devant une bourgeoisie coloniale qui aura plus que jamais tous les pouvoirs, avec les emplois en ligne de mire, des emplois de plus en plus précaires que les précarisés et racisés, via leurs droits en déclin, n'auront plus le "luxe" de refuser.  

Face à cette croisade contre la solidarité et l’égalité, il est impératif que la société civile dénonce ces choix politiques injustes et discriminatoires. Les aides supprimées ne sont pas des privilèges : elles sont des droits, conquis de haute lutte par des générations qui ont cru en un avenir meilleur pour la jeunesse néo-calédonienne, toutes origines confondues. Le combat pour leur rétablissement est un combat pour la dignité, pour la justice et pour une société où personne n’est laissé pour compte, quelle que soit sa couleur de peau et ses opinions politiques.  

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