« Le monde est assez large pour qu'on y sème des peuples ; et si cette semence du crime jetée ainsi sur des rivages éloignés, et purifiée par des lois sévères, par le travail, par le temps, par la religion, peut faire germer des nations comme l'Amérique, comme l'Australie, comme autrefois les Phocéens ou Carthage, acceptons ce blâme comme la plus magnifique justification de la déportation des condamnés. » 1
L'homme est foncièrement violent car il est seul face au silence d'un monde « vide de sens ». Il cherche à combler ce vide par une maîtrise sur son environnement. La technique lui permet d'appréhender son écosystème. Elle peut attiser sa soif de domination de son monde vers d'autres monde, l'ailleurs représenterait alors un fort potentiel. Mais pour le découvrir encore faut-il s'y rendre afin de se confronter aux limites de son savoir, et voir pour le croire ce qui n'a jamais été permis de penser, l'inconnu, l'impensable, l'inimaginable. De plus si l'autre diffère de soi sur le point biologique et/ou culturel ( sociétés ou non matérialiste) alors cette conquête d'un ailleurs fantasmé comme immensité, infinie possibilités ( une avidité sans fin) est justifiée comme « mission civilisatrice ». Dans ce contexte le racisme institutionnalise la différence comme destin social scellé à l'avance par le biais de critères essentialistes qui viendraient corroborer le fantasme de la race pure construit autour de la blanchité.
« Et la voix prononce que l'Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences, car il n'est point vrai que l'oeuvre de l'homme est finie que nous n'avons rien à faire au monde que nous parasitons le monde qu'il suffit que nous nous mettions au pas du monde mais l'oeuvre de l'homme vient seulement de commencer et il reste à l'homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur et aucune race ne possède le monopole de la beauté de l'intelligence et de la force. » 2
La pandémie du Covid-19, a fait ressurgir un racisme envers la communauté chinoise dans un premier temps 3, dans un second temps envers certains pays africains, sous couvert de critiques hygiénistes. Mais encore la phase test d'un vaccin 4 en Afrique 5 , vient conforter les thèses essentialisantes qui aime à croire que seul l'Occident à l'apport technique nécessaire pour venir à bout de cette catastrophe sanitaire ( faisant allusion ici au retard technologiques de l'Afrique). Ce programme de vaccination est un rappel à l'ordre de la logique moderne, celle d'un ordre racisé pré-établi, institutionnalisé à l'échelle internationale via aujourd'hui des structures supra-nationales, telles que la Banque Mondiale, le FMI, puis l'OMS ( plus puissantes que certains États), au service d'un impérialisme économique 6.
« Aujourd'hui encore, le continent africain est perçu dans l'opinion courante comme un monde d'ethnies, de nations au rabais, ( ethnos en grec désigne les peuples qui n'ont pas accès à l'intégration politique dans la cité, qui ne sont pas parvenus à ce stade). » 7
Le « retard africain» est caractérisé par un manque d'infrastructures 8, justifiant la volonté du Nord a imposé au Sud sous des allures faussement philanthropique, son dessein. L'Occident se permet ( une fois n'est pas coutume) de mettre à mal la souveraineté d'anciens pays colonisés, en scandant le motif interventionniste d' « États failli » 9.
" (…) Et je vis – que je chante ! – tous les Justes les Bons,
que le Destin dans son cyclone avait couchés
Et ils furent debout par la voix du poète, tels de
grands arbres élancés
Qui jalonnent la voie, et au milieu d’eux Martin Luther King.
Je chante Malcom X, l’ange rouge de notre nuit
Par les yeux d’Angela chante Georges Jackson,
fulgurant comme l’Amour sans ailes ni flèches
Non sans tourment. Je chante avec mon frère
La Négritude debout, une main blanche dans sa main
vivante
Je chante l’Amérique transparente, où la lumière est
polyphonie de couleurs
Je chante un paradis de paix. " 10
C'est dire si l'image déshumanisante du dominé, comme héritage du temps colonial, persiste. Dès lors, le « noir » souffrirait d'une double tare. Tout d'abord celle d'être noir, ensuite de se rattacher ( inutilement ) à son particularisme, ses traditions de refuser la modernité qui lui promet maintes merveilles. Autant dire des vies prosaïques qui renvoient à la nature 11 non seulement comme sous-espèce, mais comme source quasi-infini de matières premières ( force de travail) à disposition ; étant uniquement considérés, comme des corps.
« La plantation n'était cependant pas qu'un dispositif économique. Pour les esclaves transplantés dans le Nouveau Monde, elle était aussi la scène où se jouait un autre commencement. Ici, débutait une vie désormais vécue selon un principe pour l'essentiel racial. Mais, loin de n'être qu'un pur signifiant biologique, la race ainsi étendue renvoyait à un corps sans monde et hors sol, un corps d'énergie combustible, une sorte de double de la nature que l'on pouvait par le travail, transformer en stock ou fonds disponible. » 12
1 La France Parlementaires (1834 - 1851) Par Alphonse de Lamartine. Paris 1865. Librairie internationale Lacroix, Verboeckhoven et Cie. Tome 4, page 59.
2Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, 1939.
3 Qui s'est ensuite tût face à la gestion de la propagation de l'épidémie grâce à des moyens et outils technologiques conséquent.
4 Tandis qu'en Occident la chloroquine semble conforter certains avis médicaux.
5 Où le coronavirus paraît pourtant moins virulent.
6 Comme forme de néo-colonialisme.
7 Claude Liauzu, L'usage des termes « race, ethnie, nation » dans le contexte des conquêtes coloniales françaises, Table-Ronde « Rapports interethniques à Madagascar et construction nationale (19e et 20e siècles », 4 -5 décembre 1998, sous la direction de Françoise Raison, université Paris 7 – Denis Diderot.
8 Causé en partie par des Politiques d'Ajustement Structurel désastreuses.
9 Motif élaboré vraisemblablement sur-mesure pour qualifier certains pays du Sud.
10 Léopold Sédar Senghor - Élégie pour Martin Luther King tiré du recueil Éthiopiques.
11 À ce propos pour Philippe Descola la nature est un concept occidental qui se définit selon lui comme une ressource potentiellement infini.
12 Achille Mbembe, Politiques de l'inimitié, p.21.