Agrandissement : Illustration 1
Le supplément d’âme perdu de l’Europe, et ce que l’Asie du Sud-Est nous enseigne encore. C'est ce que je perçoit, en parcourant l’Asie du Sud-Est depuis quatre années. Cherchant ce que l’Europe a étouffé ; une spiritualité vivante, un rapport au temps et aux autres qui ne se réduit pas à l’accumulation matérielle. Ici, le bouddhisme, l’hindouisme et le confucianisme ne sont pas des folklores, ils structurent les gestes du quotidien, la manière d’envisager le monde.
Ces derniers jours, pourtant la Thaïlande et le Cambodge ont basculé dans une escalade de violence armée, via des déclarations martiales, des civils pris en étau. Comment des sociétés imprégnées de non-violence et de méditation peuvent-elles s’embraser si vite ? Peu importe qu’un pays vénère Bouddha ou Vishnou, dès qu’un empire (américain, chinois, ou local) lorgne sur ses ressources ou sa position stratégique, la guerre s'impose d'elle même.
Paradoxalement, ceux qui ordonnent les massacres parlent au nom de la paix. L’Asie du Sud-Est connaît ce scénario par cœur au Vietnam, on célèbre aujourd’hui la "réunification"… en occultant les tonnes de napalm et l’agent orange. Au Laos, les touristes photographient les temples de Luang Prabang sans savoir que 30% du territoire est encore miné par les bombes américaines.
L’Asie du Sud-Est, reflète des sociétés qui nous fascinent mais qui sont aussi un avertissement. Puisqu'aucune spiritualité ne résiste intacte à la logique impériale. Et, tant que des empires décideront qui doit vivre ou mourir, les sourires des moines de Luang Prabang ne seront qu’une fragile parenthèse de compassion et de sérénité. La sagesse finalement ne constituerait-elle pas un comportement telle une relation à la souffrance de soi qui se manifeste aussi, en autrui ? En cela, nul drapeau n'est assez prestigieux pour se croire au dessus de tout un chacun sur cette terre. Les seules différences qu'il y'a, sont des mots qui ne sont pas entendus quand nous disons la même chose chacun à sa manière. Vu que la guerre est aussi là pour imposée une paix sous forme d'esclavage. Tant qu'on ne nous tue pas, on doit se tuer à la tâche pour le compte d'un empire garant de la " paix ", un empire qui nous " protège ". Quand les empires nous isolent, nous enferment dans des fièvres nationalistes qui sont propices à faire couler le sang, y compris entre-nous sur le sol national.
On pourrait croire que des pays qui ont connu l'horreur de la guerre ne sont pas prêts d'y replonger. Or la Thaïlande et le Cambodge sont entrés dans une escalade de violences sans précédent ces derniers jours. Vraisemblablement le pays du sourire a annoncé pour je ne sais quelle raison, vouloir faire un sourire kabyle, à son voisin voire cousin cambodgien. Loin de moi l'idée de jouer les reporters de guerre, tout ce que je peux dire c'est que tant que les empires existeront, personne n'est à l'abri d'un conflit majeur, où qu'il soit. Le pouvoir s'impose, et se déploit où il l'entend, affectant tout ce qu'il entoure. Le conflit israélo-palestinien ne suffit visiblement pas, à lui seul, à nous rappeler l'horreur de massacres. Quand ces massacres renvoient à la face du monde, le vrai visage de la modernité, celui qu'on n'enseigne pas dans les livres d'histoire. Quand je pense que certains s'amusent à qualifier des peuples premiers, du Pacifique notamment, de sauvages et de cannibales. Sans évoquer une modernité qui repose sur des charniers qu'elle engendre. Encore récemment images à l'appui, des nations génocidaires font comme si de rien n'était.
L'histoire est écrite par ceux qui pillent, qui massacrent. Ceux qu'on énonce "vainqueurs" qui sont des génocidaires qui prétendent agir au nom de la paix après avoir exterminé les foules et esclavagisé les survivants. Une paix qui consiste à entendre les mouches virevolter autour de charniers pour trouver où faire leur nid. Il faut dire qu'encore au XXIe siècle, les empires sont animés par des démons qui se nourrissent de l'âme des peuples. Le sang appel le sang loin de bons sentiments qui sont l'essence même de pays d'Asie du Sud-Est qui ne perdront pas le sourire. C'est peut être cela qui nous captivent, nous autres occidentaux.