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Billet de blog 30 septembre 2019

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Le racisme anti-blanc

Déconstruction d'un mythe euro-centré, et faussement victimaire.

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Le racisme anti-blanc

« La notion selon laquelle la « race » est un phénomène de la biologie humaine ayant des implications nécessaires pour l'histoire naturelle de l'espèce et donc pour l'histoire des rapports de pouvoir, est bien enracinée, persistante et quasiment universelle. C'est ainsi qu'on pourrait expliquer l'exceptionnelle efficacité de cet instrument moderne de domination sociale. Néanmoins, il s'agit d'une construction idéologique nue, qui n'a, littéralement, rien à voir avec la structure biologique du genre humain et tout à voir, en revanche, avec l'histoire des rapports de pouvoirs dans le capitalisme mondial, colonial/moderne et eurocentré. »1

Ce racisme trouve son soubassement, dans l'amalgame, et la mesinterprétation. S'il existe un racisme anti-blanc, il est nié par les blancs eux-mêmes. Car cette pigmentation, compte bon nombre de différences. En ce sens, qu'un breton, qu'un basque, qu'un corse, arrivant à Paris suite à l'exode rural, se voit stigmatiser, par les « français ». Au même titre qu'un irlandais en Angleterre, dans ce même contexte. Ainsi que les italiens, portugais, mais encore espagnols fuyant la ou les guerres mondiales. Autant de micro-nationalité, qui s'articulent au sein du territoire nationale, et qui se sont semble t-il, depuis bien intégrés. L'effroi parait plus vif envers les « noirs », et les « arabes », du fait, qu'il n'y est pas de « mêmeté culturelle », sans parler de la religion qui diffère. Difficile de trouver une quelconque équivalence entre ce racisme, de ceux anti-noir, et/ou anti-arabe. Expliqué par le fait, que ces derniers souffrent de discriminations structurelles ( délit de faciès, discrimination à l'embauche, ascenseur social bouché, etc). Les individus de type caucasien, ne s'avèrent sans aucune commune mesure, confronter de manière systématique à ce genre de situation. Certainement que les blancs sont victimes de violence, mais qualifié cela de racisme, c'est désubstantialiser le racisme de sa nature institutionnelle, comme héritage du temps colonial.

Le racisme anti-blanc s'appréhendera ici telle une récupération pernicieuse, qui consiste a décomplexé le « discours de l'extrême droite ». A comprendre ici que la victimisation suscitée, s'apparente à une forme stérile, voir d'un « coup d'épée dans l'eau ». L'idée de tirer sa révérence d'un passé autrefois glorieux, constitue le comble pour cette identité atavique, et suffit à animer ce retranchement identitaire. De plus, la controverse apportée par la pensée décoloniale, nuance leur volonté, de faire la timide éloge de « l'exception française », en matière de colonisation. Grâce à une « hiérarchisation morbide », des préjudices engendrés pendant le temps colonial ( génocide des amérindiens, génocide des aborigènes par les anglais), ayant pour but d'estomper un tant soi peu les violences subies lors de la colonisation française, du moins « d'envisager » de les relativiser. Mais encore que, la fin de la révolution industrielle du Nord, a contribué à l'apparition de nouveaux pays industrialisés, au Sud. La Chine étant le candidat le plus probable, qui menace de ternir la superbe. occidentale. Tel un revers de la mondialisation, puisque pour le sociologue américain Anthony Giddens « l'Occident souhaite la mondialisation alors que celle-ci affaiblit son pouvoir ».

Tout bien considéré, le racisme anti-blanc symbolise une manoeuvre populiste, fallacieuse, qui viendrait diluer dans l'espace public le combat anti-raciste. En scandant un euro-centrisme assumé, qui serait en proie d'après leurs dires, à une « théorie du grand remplacement ». Or l'Etat-Nation a lui-même, mis en pratique cette théorie, dans les « colonies de peuplement ». D'où ce type de racisme, s'avère être une dénégation, de la responsabilité, envers la figure d'un autre racisé. De par le fait que, la migration clandestine est sujet à un racisme institutionnel qui tait son nom. Les pays occidentaux pratiquant une politique d'extrême droite sur cette question, tout en s'acquittant d'une quelconque responsabilité face à l'origine de ses flux. Suite à quoi les pays européens se renvoient la balle face à cette problématique, via des allégations directes aux vues de la « non-action » de certains chefs d'états membre de l'Union Européenne16. Non seulement ils dévient le regard, sur  cette « macabre situation » , mais encore dissuadent au niveau légal toutes initiatives qui viendraient en aide aux rescapés ( le « délit de solidarité », l'aquarius ). C'est dire le repli sur soi, voire la « politique de l'autruche », face à cette « déferlante » venue d'ailleurs.

« En agitant le tiers monde comme une marée qui menacerait d'engloutir toute l'Europe, on n'arrivera pas à diviser les forces progressistes qui entendent conduire l'humanité vers le bonheur. Le tiers monde n'entend pas organiser une immense croisade de la faim contre toute l'Europe. Ce qu'il attend de ceux qui l'ont maintenu en esclavage pendant des siècles c'est qu'ils l'aident à réhabiliter l'homme, à faire triompher l'homme partout, une fois pour toutes. Mais il est clair que nous ne poussons pas la naïveté jusqu'à croire que cela se fera avec la coopération et la bonne volonté des gouvernements européens. Ce travail colossal qui consiste à réintroduire l'homme dans le monde, l'homme total, se fera avec l'aide décisive des masses européennes qui, il faut qu'elles le reconnaissent, se sont souvent ralliées sur les problèmes coloniaux aux positions de nos maitres communs. Pour cela, il faudrait d'abord que les masses européennes décident de se réveiller, secouent leurs cerveaux et cessent de jouer au jeu irresponsable de la belle au bois dormant .» 2

Aux vues des morts qui s'engouffrent aux portes de l'Occident, comment peut-il se considérer comme « civilisé », sachant que cet attribut, s'est construit sur la racialisation de l'autre comme source d'exclusion de la commune humanité. Les pays du Sud, enclins à la famine, la maladie, la guerre incarnent le reflet d'une humanité frêle, amoindrie. Les individus vivant au nord tournent généralement le dos à ce reflet. Toujours est-il, que notre consommation ici ( exemple téléphones, ordinateurs portables), a un impact las bas ( déforestation, extraction de minerais etc). Par conséquent, nous sommes tous responsables à notre échelle. Il ne tient qu'à nous d'accepter ce reflet comme une partie de nous même, car cette projection sinistre, est un revers de l'acuité de nos désirs. La singularité occidentale va jusqu'à imposer, un « euro-centrisme de la souffrance », relayé en boucle dans les médias occidentaux, quant celui-ci est sujet à un drame ( « Je suis charlie », fusillade au Bataclan etc). Mais ne disposant pas du même écho, quand la dite tragédie dépasse l'hexagone. A ce titre le génocide des papous, la souffrance du peuple palestinien, syrien, congolais et yéménite est tut. Au profit semble t-il, d'une abondance assurée, pour " l'homme souverain ".

« La rupture originelle entre la tradition et la modernité n'a cessé de connaitre de multiples fissures tout au long de son histoire. En fait, deux mouvements différents, mais simultanés, ont vu le jour. D'une part, on n'a cessé de peaufiner le profil de l'individu souverain par excellence en lui donnant des caractéristiques propres : il sera Homme, Blanc, Adulte, Hétérosexuel, Sain d'Esprit, Travailleur. D'autre part, on n'a pas cessé de dénigrer l'inconsistance de tous les autres types d'individus, par le biais de mécanismes d'imposition et de négation historiques multiples envers les femmes, les individus du Sud, les homosexuels, les anormaux et les déviants, bref, les « minorités » de tout genre. Les deux mouvements sont évidemment liés entre eux, même s'ils se sont pour beaucoup autoreprésentés historiquement comme indépendants l'un de l'autre. Pourtant, la dénégation de l'Autre a souvent pris le pas, pratiquement parlant, sur l'affirmation de l'individu souverain, et désormais, et après plusieurs décennies de discours critique, on sait que l'invention de l'Autre est loin d'être épisodique dans la construction de soi. En fait, l'un suppose l'autre, peut être pas forcément d'un point de vue logique, mais en tout cas historiquement. La figure de l'individu souverain a toujours reposé sur le soupçon de la possibilité d'individuation des autres. En dehors de l'Occident, il n'y avait que des individus soumis à la collectivité, décrétés incapables de se tenir de l'intérieur. Il a fallu alors inventer les autres mondes, l'Amérique, l'Orient ou l'Afrique, comme autant de copies ratées de l'Occident3. »

Le fait est que, l'Occident s'est érigé depuis la physiocratie, au néo-libéralisme, en entité supérieur, en se construisant sur l'ossature capitale/coloniale 4, d'antan induit par la hiérarchisation des races, qui prend dorénavant une forme d'intersectionnalité.

« L'idée de race est, sans aucun doute, l'instrument de domination sociale le plus efficace inventé ces 500 dernières années. Produit du tout début à la formation de l'Amérique et du capitalisme, lors du passage du XVe au XVIe siècle, elle a été imposé dans les siècles suivants sur toute la population de la planète, intégrée à la domination coloniale de l'Europe. La race a été imposée comme critère fondamental de classification sociale universelle de la population mondiale, (...). Sur la notion de race s'est fondée l'euro-centrage du pouvoir mondial capitaliste et la distribution mondiale du travail et des échanges qui en découlent. Sur elle aussi se sont tracées les différences et distances spécifiques dans la configuration spécifique du pouvoir, avec ses implications cruciales pour le processus de démocratisation des sociétés et des Etats et pour les processus de formation des Etats-nations modernes.»5

Ceux en quoi le racisme anti-blanc apparaît avant tout comme un discours électoraliste populiste, irresponsable, pour ne pas dire puéril. Puisque dans la mesure où, toutes vies, ne se valent pas, comment peut-il en être autrement pour le, ou les racisme(s) ?

«  Les personnes blanches ont dû mal à discuter de la blanchité et des privilèges qui sont liés à cette place parce qu’elles ne se voient pas comme racialisées. Le sujet blanc marque les autres sans se marquer. Or, il s’agit de réfléchir au fait que leur place de privilégiés n’a pas été naturellement fixée, figée. Leurs privilèges sont construits sur la base de l’oppression d’autres groupes. Et le fait que les individus blancs ne comprennent pas qu’eux aussi parlent d’une place, d’un lieu spécifique, fait qu’ils ne comprennent pas la place du Blanc comme métaphore du pouvoir. » 6

1 Quijano Anibal, Race et colonialité du pouvoir, Mouvements 2007/3 (n°51), p.111-118.

2Cit Fanon Frantz, Les damnés de la terre, François Maspero, p62, Paris, 1982.

3 Martucceli Danilo, Grammaires de l'individu, Gallimard, 2002, p.118, p.119.

4 Le développement institutionnalisa une américanisation du monde occultant tout particularisme, qui viendrait à l'encontre de l'esprit rationnel véhiculé par la techno-structure, qu'est le « marché libre ». C'est en quoi la prétention universaliste occidentale apparaît comme une démarche inextricable d'ériger la commune humanité sur un même pied d'égalité. Du fait que l'Occident s'est construit sur des inégalités, qu'il a engendré, en exportant un système pyramidale, de domination économique, sociale et culturel, mondialisé, imposé telle une « libération ».

5 Quijano Anibal, Race et colonialité du pouvoir, Mouvements 2007/3 (n°51), p.111-118.

6 Djamila Ribeiro, propos recueillis par Anne Bocandé, publié sur africultures.com le 12 juin 2019.

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