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Billet de blog 14 septembre 2016

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Cahuzac ou l'imposteur

Cahuzac, Tartuffe contemporain

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cahuzac ou l'imposteur

Tartuffe est un faux dévot qui met en risque l’ordre patriarcal et monarchique. Cahuzac est un escroc politique  qui met en risque la foi démocratique."Les yeux dans les yeux » comme vous regarde Michel Bouquet, le plus vrai des Tartuffe. 

Non content d’être sans doute un escroc en politique qui aurait profité de son passage au cabinet du ministre de la Santé pour poser les bases d'une fortune d’autant plus assurée qu’elle exploitait le marché de la santé et se protégéait du fisc, non content d'avoir été un fraudeur fiscal ministre de la lutte contre la fraude fiscale, non content également d’être un escroc politique qui aura donné le change, c’est à dire menti, à ses proches peut-être, à ses collaborateurs et à ses collègues professionnels sûrement, mais aussi publiquement à ses électeurs, à ses compagnons de parti, à la Représentation nationale, à ses collègues ministres, au Premier ministre et au chef de l’État, Cahuzac, en procès non pour ses mensonges, mais pour fraude fiscale et compte en Suisse, nous livre, en trompant encore son monde jusque dans le prétoire, la plus impressionnante interprétation du Tartuffe contemporain. 

Le procès, parce qu’il est à la fois établissement de faits et mise en cause du caractère délictueux de son comportement, semble enfin imposer à l’imposteur une épreuve de vérité, lui ôter ses faux-semblants, le coincer sous le regard du juge qu’il ne peut fuir, pas même "les yeux dans les yeux". 

Et bien non. L’escroc politique qui a donc abusé à la fois l’administration et le gouvernement, en fait l’institution politique de la République, achève son parcours en abusant la Justice elle-même, instance de la République qui fonde l’ordre public. Non pas en lui mentant directement, car ce serait s’exposer à être confondu et donc à justifier toutes les sévérités, mais en lui mentant de telle sorte qu’on ne puisse d’aucune façon établir le mensonge. 

C’est bien sûr le cas quand on convoque les morts en évoquant Michel Rocard, même si finalement la "justification" d’une fraude fiscale par un financement politique a fait long feu. 

C’est le cas évidemment quand on invoque le chef de l’État qui ne saurait ni confirmer ni démentir qu’il n’aurait pas été abusé « les yeux dans les yeux » par un ministre qu’il a nommé; et qui ne saurait ni confirmer ni démentir qu’il aurait demandé au ministre de poursuivre sa mission alors qu’il n’avait pas la confirmation « les yeux dans les yeux » de ce que son ministre assurait publiquement à la Représentation nationale.

C’est le cas enfin lorsqu’il attribue à la femme dont il est divorcé des attentes et des goûts qui  contraindraient le mari à rechercher par tous les moyens de quoi satisfaire l’insatiable. Celle-ci pourra toujours protester, ce sera parole contre parole.Et pourquoi ne pas solliciter le sexisme des magistrats?

Comme dans Tartuffe, le spectacle de l’imposture et plus gravement d’une telle abjection dans l’imposture charge le portrait de l’escroc. Mais il nous livre aussi la même leçon que Molière : à la fin de la pièce, seul le Roi peut faire justice. Cahuzac ne peut croire que ses nouveaux « mensonges » abuseront qui que ce soit, et sûrement pas la Justice de la République, sur les faits qui lui sont reprochés. Comme un pantin décervelé, il joue mécaniquement son rôle d’escroc, dont les derniers mensonges prouvent seulement qu’il n’est pas poursuivi pour tout ce qu’il a commis. 

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