Ce que j'aurais vraiment voulu dire aux Français, mais Guaino a encore tout réécrit.
Ceci est la retranscription exacte à la virgule près de l'interception de la copie scannée de ce qui semble être le premier jet d'une lettre aux Français, écrite directement à la main par un ancien président de la République.
Trois jours avant le premier vote des municipales, il faut que je requinque mes troupes déboussolées par le bruit des casseroles que je traîne après moi. Ça devient urgent parce que même mes soutiens dans et hors l'UMP commencent à douter. Contrairement à ce que je ne cesse de faire croire, je n'ai pas cessé une seconde depuis mon inconcevable défaite de préparer mon retour. En jouant la distance et le retrait. Mais à présent, ça urge, je ne peux plus faire semblant.
Évidemment je n'ai pas décoléré contre ces traîtres d'électeurs, ces minus intégraux qui m'entouraient et surtout ces pleutres qui m'ont scié la branche en fin de campagne et m'ont fait battre alors que la victoire était à portée de main. Maintenant ils comprennent leur douleur, parce que non seulement ils n'ont rien obtenu en échange, mais ils accumulent plus de conneries que le gouvernement lui-même. Je n'ai vraiment pas été verni avec ces zozos ! Et en plus il a fallu que le plus zozo d'entre eux, celui qui fait semblant de garder la maison en m'attendant, me bousille mes comptes de campagne en surfacturant les prestations de ses affidés. Il me découragerait presque de revenir, si je ne savais pas qu'il compte sur les juges pour lui dégager la voie.
Faut reconnaître pourtant. Mes grognards ont bien occupé le terrain façon enfumage. Quelle campagne j'ai mené! Herzog à lancé les avocats à l'assaut, il a même récupéré les gauchos. Y en avait plus que pour les droits de la défense! Oublié le contenu de nos échanges, le soi-disant trafic d'influence, et l'espion Buisson que j'avais escamoté derrière Carla ! Mes fidèles ont martelé qu'on a voulu attenter à ma vie privée, qu'on a foulé aux pieds la présomption d'innocence, l'immunité de principe d'un ancien président et les principes les plus sacrés de la République, en s'acharnant contre ma personne qui les incarne tous. Le Point, Mediapart, Atlantico, tous collés au mur des juges rouges ! C'est pas pour me vanter, j'en suis incapable : du grand art !
Dans la France que j'aime et qui m'aime, les écoutes ordonnées par un juge dans le cadre d'une instruction ouverte contre moi sont illégitimes et indécentes, attentatoires à mes secrets, à mes entreprises, à mon grand jeu politique. C'est insupportable ! On avait réussi pourtant à tout renverser : la victime, c'était moi, le complot, c'était eux, et ces bâtards continuent à instruire! Ces salopards se croient à l'abri peut-être?
Un jour, je leur présenterai l'addition et elle sera salée ! Quoi ? 20 mois d'enquête acharnée, 4 perquisitions, 3 juges en personne,14 policiers en civil, 23 heures d'interrogatoire, 100 et 1000 articles...Tout cela pourquoi ? 1 outrageante mise en examen, 1 non lieu dont ils ont osé faire un réquisitoire, et 4 ou 5 instructions pour des vétilles gonflées en crimes d'Etat ! Mais où sommes-nous ? France, mon pays de passe-droits et de conquête, je ne te reconnais plus: tu considères désormais un ancien (et futur) président comme un citoyen comme les autres, à qui on peut demander des comptes et qui ne peut se dérober à des témoignages douteux et à des indices imaginaires.
Et qu'on ne me bassine pas avec Karachi : bien sûr que j'étais avec Bazire à la manœuvre pour faire élire ce grand mou de Balladur et que j'ai marné pour récupérer les rétro-commissions. Mais je ne vais pas à nouveau me faire couillonner pour des comptes de campagne, d'autant que là, je ne pourrais jamais faire raquer les jobards de l'UMP ! Il faudrait que certains arrêtent de balancer, s'ils veulent vivre vieux.
Quant à Khadafi finançant ma campagne, c'est pitoyable ! Comme si la politique audacieuse, anticipatrice et pour ainsi dire prophétique, que j'ai conduite pour blanchir, sur la scène internationale et dans les jardins de l'Elysée, ce pitre sanglant, pouvait passer pour une reconnaissance de dette ! Comme si je passais à la caisse. Quelle abjection ! Et on fait témoigner pour cela un trafiquant dont j'ai pourtant eu soin de ne jamais partager la piscine ! De toute façon, j'ai récupéré les preuves en installant une base d'Al Qaïda en Afrique. Et c'est le normal de mes deux qui récupère le bébé dans ses expéditions françafricaines. Sans compter Obama qui ne décolère pas sur le sujet ! Ça, c'est de la géopolitique! Et Bernard-Henri Lévy qui me tresse des couronnes droits-de-l'hommistes et qui absout la liquidation du Guide, des documents et de la dette !
Or voici que la presse révèle que je savais depuis longtemps que j'étais écouté, au point que sur conseil du meilleur avocat de la place, j'avais, comme un vrai dealer de banlieue, changé de téléphone. Et cette presse étale, pire que mon favori l'espion maître-chanteur Buisson, des conversations que jamais mon conseil n'aurait dû avoir avec moi ! C'est un ami, d'accord, mais je me demande s'il ne m'est pas plus cher qu'utile! D'autant que nos hauts contacts dans la justice et dans la police n'ont pas été foutus de nous rencarder sur le contenu des écoutes et les transcriptions. Nous étions moins au courant que la Taubira, c'est dire. Ces branquignols qui m'entourent croient préparer leur avenir, ils se gourent : ils croient jouer gorge profonde et n'obtiennent que des gorges chaudes. Ils ne savent pas que le ridicule me tue?
Comment ont-ils pu me laisser persécuter, moi qui les ai nourris, élevés, récompensés au-delà de toute mesure ? Ne pouvaient-ils s'indigner, protester, vitupérer contre tout ce qu'on m'a fait subir ? Ils ont ajouté l'ingratitude à l'infamie pendant que moi je me coltinais toutes les mises en cause, les soupçons, les calomnies, les écoutes en continu, les avanies, les perquisitions, les articles de presse, les ouvertures d'enquête, voire d'instruction, bref la tyrannie des juges qui se vengeaient, tous affiliés au syndicat du mur et encouragés par l'usurpateur.
Ces juges, je les ai toujours méprisés. Petits-pois ou bâtards, ils font leurs importants en ne gagnant pas un fifrelin, alors que, s'ils en avaient un peu, ils feraient avocat d'affaires comme moi, se feraient du blé et seraient les rois du monde. Mais ils sont trop nuls. Je n'attends rien de ces minables, de ces aigris, de ces envieux, de ces mesquins, de ces fanatiques malveillants. Comment pourrais-avoir confiance dans la justice de mon pays, gangrenée par l'esprit partisan, l'Ecole de la Magistrature et le culte du droit ? Rien à en tirer. En attendant que je leur règle leur compte quand je serai revenu aux affaires, et pas seulement en supprimant les juges d'instruction, je vais leur faire voir du pays. Ils ne me lâchent pas ? Je ne les lâcherai pas moi non plus. Tous les moyens seront bons, je veux les harceler, que ça saigne, qu'ils pleurent, qu'ils songent au suicide avant que je les extermine ! Qu'ils tremblent, je vais m'occuper d'eux, tout de suite.