Entre raison d'Etat et raison humanitaire, le journalisme se sort généralement très mal des affaires d'otages. On peut le comprendre, on peut ne pas s'y résigner. Est-ce par inadvertance qu'un communiqué de France terre d'asile, publié mardi, a été quasi totalement passé à la trappe par les médias ? Cette association s'étonnait d'une déclaration de François Fillon sur France Inter où il proposait, en échange de la libération d'Ingrid Betancourt, d'accorder le «statut de réfugié politique» sur le territoire français, à des membres des FARC «qui ont été faits prisonniers par le gouvernement colombien».
Rappelons que l'asile politique, régenté avec précision par la Convention de Genève, doit bénéficier à toute personne persécutée «du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques». En France, des dispositions propres ouvrent en outre un «asile constitutionnel» à quiconque est persécuté «en raison de son action en faveur de la liberté». Est-ce que ces définitions s'appliquent aux membres d'une organisation qui a fait du meurtre, du kidnapping et du trafic de drogue l'ordinaire de son action, sans plus aucune relation avec ses buts politiques de jadis ? Poser la question, c'est y répondre. On relèvera aussi que considérer les 500 guérilleros, en échange desquels Ingrid Betancourt et les autres otages "politiques" des FARC pourraient être libérés, comme des «prisonniers du gouvernement colombien», alors qu'ils ont été condamnés par la justice colombienne pour des actes criminels, est un inquiétant dérapage de part d'un des plus hauts responsables de l'Etat.
Va-t-on considérer les islamistes, basques et autres corses détenus à la suite de procès, ici en France, comme les «prisonniers de l'Etat français» ? En vérité, le statut de réfugié politique n'est pas applicable aux gens des FARC. France terre d'asile est d'autant plus fondée à le souligner - tout en souhaitant ardemment la libération d'Ingrid Bétancourt - que cette association se bat tous les jours pour faire aboutir des dossiers de demandeurs d'asile dans le champs légal d'application, face à des autorités françaises qui ne les acceptent qu'avec une parcimonie confinant au scandale pour un pays qui se prétend «patrie des Droits de l'Homme».
En d'autres temps, les affaires d'otages se traitaient au plus haut niveau de l'Etat avec une exigence de discrétion qui pouvait certes camoufler des concessions peu reluisantes. Comme d'accorder de discrets sauf-conduits au lieu et place d'un quelconque "statut" public. Mais au moins, outre une efficacité avérée dans la majeure partie des cas, réduisait-on le risque de créer des "précédents" encourageants pour les terroristes. A la décharge du premier ministre, l'exemple lui est intimé de haut qui veut que dans les affaires d'otages, désormais, on privilégie l'émotion publique sur toute autre considération.