La médaille de la dérision revient aux jeunes qui avaient déployé lundi devant l'Hôtel de Ville de Paris une banderole: "Droits de l'Homme bafoués, Tibétains opprimés, bienvenue chez les ch'tinois" (Le Parisien). L'arme de l'humour est une des plus corrosives pour les régimes dictatoriaux, mais le slogan avait plus chance d'être entendu, et surtout compris en France qu'en Chine où, d'ailleurs toutes les images de la protestation accompagnant la flamme olympique ont été censurées.C'était la note juste pour une cérémonie imposée par une tradition ( qui risque de ne pas survivre aux Jeux de 2008) et organisée en large partie, c'est plus neuf, par les chinois qui ont imposé, c'est quand même effarant, les modalités du parcours aux autorités françaises. "Bienvenue chez les ch'tinois" ... mais à Paris.
Pour ajouter à la dérision, une observation qui a manqué sur la journée de lundi : on trouvait des milliers de policiers, des centaines de manifestants, mais les simples spectateurs, des "badauds" si l'on veut, on les cherchait. Une indifférence à la hauteur de la médiocre caravane publicitaire proposée pour ce Tour de Paris avec, par ordre d'apparition place de l'Alma où je me trouvais: trois colonnes successives d 'une quinzaine de fourgons de police, une dizaine de voiturettes siglées Samsung, puis un quarteron de pousse-pousse à pédales aux couleurs de Coca cola, un camion officiel de caméras qui ne filmait rien, un autocar entouré d'un essaim de policiers en rollers, et enfin des fourgons policiers en guise de voitures-balais. Renseignements pris auprès de gendarmes présents - plutôt pacifiques et goguenards - ce n'était pas la peine d'attendre plus : la "flamme", elle était dans l'autocar. Déception tout de même. Surtout parmi la petite cohorte de "badauds" ( il y en avait) remplissant à peine le trottoir au-dessus du tunnel où périt jadis une "princesse du peuple" qui suscite encore, à date régulière au même endroit, des pélerinages qui débordent largement cet espace bitumé.
Sur l'avenue Marceau qui mène ensuite la caravane vers l'Etoile, la foule est exclusivement aux fenêtres: de quoi pimenter la vie de bureau. Sur l'immeuble des éditions Robert Laffont, la banderole de RSF est déployée sur la façade, restera-t-elle dans les archives filmées de cette journée mouvementée ? Ce qui restera assurément c'est le texto de Jacques Rogge, président du CIO, lu par jean-Claude Killy: "la situation au Tibet nous préoccupe, la violence quelles que soient ses raisons est contraires aux valeurs olympiques".
Ce n'est sans doute pas le même CIO qui a attribué le 19 juillet 2001 l'organisation des JO de 2008 à la ville de Pekin. A l'époque cinq villes étaient en concurrence - dont Paris - et lors de la présentation de leur candidature au World Trade Center de Moscou les membres de la commission posèrent huit questions à la délégation chinoise, mais elles tournaient essentiellement autour de la pollution, aucune n'a porté sur les Droits de l'Homme. Au grand dam de Paris qui, déjà, se faisait piéger par le tout-puissant président du CIO, Juan Antonio Saramanch. Il est vrai qu'on releva à l'époque que, parmi les membres de l'instance décisionnaire, la moitié était issue de pays non démocratiques. On protesta en France surtout contre les combines au sein du CIO, mais il y eut quand même des réactions concernant le Tibet et les libertés en Chine, avec Robert Ménard et RSF déjà en première ligne, ce qui vaut d'être rappelé au regard du réveil tardif de certaines grandes consciences.
A l'époque, Alain Madelin, président de Démocratie libérale, lança un site "jeboycottepekin.com". Inutile de solliciter Google, l'adresse est hors service depuis longtemps.