La famille socialiste ne sera désormais plus ce qu'elle était. Comme pour une famille ordinaire, lorsqu'on a recours aux tribunaux pour trancher ses conflits c'est qu'il y a quelque chose de cassé rendant improbable tout retour à la vie d'avant, quand les disputes se réglaient portes closes. L'annonce par Manuel Valls, un des lieutenants de Ségolène Royal, du dépôt d'une plainte pour faux en écriture concernant les résultats d'un bureau de vote de Lille, a été immédiatement contrée par l'annonce d'une plainte en diffamation de la part du premier secrétaire de la fédération socialiste incriminée, lui-même proche de Martine Aubry. Quand bien même cette montées aux extrémités judiciaires, serait à mettre au compte des intimidations avant l'examen, dès ce lundi, des contestations électorales par la commission ad hoc du PS, il y a là l'expression d'une rupture qui parait irrémédiable. Sauf rapides excuses réciproques, regrets mutuels et coalition réconciliatrice pour la gouvernance du parti.
Mais on en prend guère le chemin. Si les « royalistes » affirment - à tort ou à raison - qu'on leur a « volé » leur victoire, au cas où le nouveau décompte des résultats du vote de vendredi soir replaçait Ségolène Royal devant Martine Aubry, ce serait sans doute par une marge assez faible de suffrages. Et, en retour, elle serait tout autant paralysée politiquement que l'est aujourd'hui la maire de Lille, dès lors que la moitié de son propre parti a contesté, conteste ou contestera l'élection de son chef de famille.
Martine Aubry a raté le coche en déclarant samedi, non sans une certaine emphase présidentialiste, qu'elle serait « le premier secrétaire de tous les militants socialistes ». Elle aurait plutôt dû s'inspirer du poète Pierre Reverdy qui écrivait: « il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour », en proposant une formule de direction du parti qui tienne compte de sa coupure en deux fractions égales et surtout permette de ne faire perdre la face à personne. En attendant qu'un nouveau vote, entouré cette fois de toutes les garanties - notamment informatiques ! - puisse départager les deux camps d'un parti où les haines personnelles semblent baisser en intensité au fur et à mesure que l'on s'éloigne du sommet.
Pour inverser la médiocre plaisanterie de Laurent Fabius sur les ambitions du couple Royal-Hollande : « qui va garder les enfants ? », il semble que cette fois les « enfants », en l'espèce les militants , soient en droit de réclamer un juge des affaires familiales pour « garder » leurs dirigeants.
* Cet éditorial a été publié dans Le Républicain Lorrain, lundi 24 novembre 2008.