28 minutes du 23 janvier.
Le sionisme ordinaire de Nadia Dam et de Claude Askolovitch, mis à mal par Monique Cerisier Ben Guiga.
Vous n’avez rien compris, Israël et l’Autorité palestinienne sont deux entités comparables sur le plan économique et militaire, deux Etats antagonistes, qui se font une guerre que seule l’intervention d’un médiateur pourrait les dissuader de poursuivre.
Toujours est-il que c’est bien ce non-dit, sinon cet impensé, qui est à l’œuvre dans les propos de Nadia Dam et de Claude Askolovitch au vu de leurs déclarations respectives…
Rapport de force
La résistance palestinienne à l’occupation, avec ses kalachnikov et ses roquettes artisanales, devient dans l’inconscient de Nadia Dam, une force égale à celle de la quatrième armée du monde… et la résilience palestinienne s’apparente au paradigme d’une occupation d’Israël par les Palestiniens.
Qu’on en juge. Quand Monique Cerisier Ben Guiga rappelle que les forces israéliennes tuent quatre à cinq Palestiniens par semaine et que les blessés récents sont au nombre de 250, Nadia Dam se fait fort de procéder à un rééquilibrage, et de rappeler qu’il y a aussi, du côté israélien, des tués, laissant induire le téléspectateur non averti que les torts sont partagés, comme dégoiserait le pilier de comptoir accoudé au zinc entre deux « jaunes » : « j’vais te dire, c’est fifty-fifty ». Un propos relayé par Nadia Dam de nouveau quand elle égratigne, ça ne mange pas de pain, Netanyahu, enfoncé dans des affaires de pots-de-vin, de manipulation des médias, et qui se comporte comme le fils de M Abbas détenteur d’un compte off-shore. Faut-il rappeler à Nadia Dam que lors des bombardements de Gaza le ratio concernant la valeur d’une vie était : Une vie israélienne pour 100 vies palestiniennes ? Pour quelle raison ce ratio aurait-il soudain changé en profondeur depuis le dernier bombardement ?
Aspect économique.
L’intervention de Nadia Dam concernant le non-versement des 53 millions de dollars à l’UNRWA, procède elle aussi, d’une candeur, et d’un immobilisme édifiant, si besoin était. Ainsi demande-t-elle si l’UE ne pourrait pas doubler son aide à l’UNRWA pour compenser le déficit créé par les US, contribuant ainsi à faire croire que le problème palestinien est humanitaire et non politique, et qu’il suffit de continuer à verser ces subsides pour que les Palestiniens aient un statut égal à celui des Israéliens.
Claude Askolovitch la rejoint à sa façon sur cette question de l’économie palestinienne, faisant allusion à l’existence de « start-up » à Ramallah, façon Salam Fayyad qui prétendait booster l’économie palestinienne malgré l’occupation.
Ces deux-là ne savent-ils pas que l’économie palestinienne est une économie de rente, qui ne produit rien en matière de produits à forte valeur ajoutée, et qu’elle est, par le truchement de l’administration militaire israélienne (2 500 ordres depuis 1967) une économie qualifiée par l’économiste Sarah Roy, de « de-développement ». Faut-il rappeler que les salaires versés par l’UE et les US aux 160 000 fonctionnaires palestiniens sont utilisés par les familles pour aller acheter les produits fabriqués par Israël, et que les Palestiniens sont interdits de fabriquer. Autrement dit que, contrairement à ce que préconise la résolution 242, l’occupant, ici Israël, se décharge sur l’UE et les US de la prise en charge économique de l’occupé, et qui plus est, engrange les bénéfices de l’argent versé indirectement à ses entreprises. C’est donc comme le rappelle Monique Cerisier Ben Guiga, à une Nadia Dam interdite, une occupation payée par les US et l’UE à Israël.
Les deux surfeurs pourraient peut-être lire, entre autres, « Ramallah Dream » de Benjamin Barte, et « Être Palestinien en Israël » de Ben White. ou « l’Apartheid et l’Etat palestinien, de Leila Farsakh, enseignante en sciences politiques à Boston.
Médiation.
Claude Askolovitch, ouvert à tous les bricolages, demande si on peut être médiateur entre le colonisateur et le colonisé, à quoi Monique Cerisier Ben Guiga est obligée de lui rappeler que cela n’a jamais existé. Elle aurait pu également rappeler les échecs du Quartet, et les allées et venues inutiles de Joe Biden au Proche Orient.
Claude Askolovitch transfère le problème ONU/Israël au différend Israël/Palestine. tout comme Nadia Dam. Il n’est pas question pour lui, « pragmatique », de demander un médiateur entre l’ONU et Israël qui rappellerait à cet Etat qui fait partie de l’ONU depuis 1949 et qui viole toutes les résolutions onusiennes le concernant, qu’il doit se mettre en conformité avec le droit international, faute de quoi il encourrait des sanctions, exécutoires, et non seulement des reproches verbaux.
Claude Askolovitch, comme Nadia Dam, n’aborde pas la question de l’occupation comme un fait colonial, un cas d’école, en l’occurrence, comme le leur rappelle Monique Cerisier Ben Guiga. Dès lors, il suffirait de l’intervention d’un tiers, d’un médiateur, pour résoudre la question des Territoires palestiniens, réduite à une mésentente « ethnico-religieuse », culturelle, non territoriale en somme.
D’où l’enthousiasme de Nadia Dam, approuvant l’idée, rappelée par Bruno Tertrais, de « renverser la table » comme le propose Donald Trup, pour en finir avec tous les blocages du processus d’Oslo, ces accords dont, n’en doutons pas, nos débatteurs attribuent l’échec, à parts égales, aux deux parties, quand on sait que même pendant les pourparlers Israël continuait, comme le montre Xavier Baron dans « Les Palestiniens », de construire des colonies, et différait toujours à plus tard, le retrait des forces armées qui auraient dû libérer les Territoires au bout de 5 ans.
Renversement de la table :
Le renversement de la table, amené comme un signe de modernité, et commenté par Nadia Dam comme une « secousse » salutaire, est gros d’un retour en arrière visant à faire table rase des différentes avancées. Qu’on en juge.
Voici ce que rapporte René Backman, le 18 janvier 2018, dans « Le processus de paix d’Oslo est mort »
Lors d’une brève visite à Riyad, début novembre, le président palestinien avait été informé des grandes lignes d’un « plan de paix » préparé par Washington, mais approuvé par l’Arabie saoudite et Israël.
Que proposait ce plan ? Un État palestinien sans rapport avec les frontières de 1967, composé de plusieurs fragments de la Cisjordanie sans continuité territoriale, et une souveraineté limitée des Palestiniens sur leur propre territoire. La majorité des colonies actuelles de Cisjordanie restaient en place, sous contrôle israélien. Jérusalem devenait la capitale d’Israël mais pas celle de l’État palestinien éparpillé qui pourrait être installée à Abou Dis, une agglomération de l’est de Jérusalem, isolée de la ville par le mur de séparation.
Autre disposition du plan : aucun droit au retour, même symbolique, n’était reconnu aux réfugiés palestiniens et à leurs descendants. Rien à voir, comme on peut le constater, avec « l’initiative de paix arabe » présentée par l’Arabie saoudite au sommet de Beyrouth en mars 2002, qui offrait à Israël une normalisation de ses relations avec ses voisins arabes en échange d’un retrait total des territoires occupés en 1967.
Fait colonial
Comme s’évertue à le rappeler Monique Cerisier Ben Guiga, on a affaire à un fait colonial, pur et simple, et il ne faut pas chercher de faux-semblants. D’ailleurs, souligne-t-elle pertinemment, Ahet Tamimi, la jeune palestinienne qui avait giflé un soldat après que son frère eut été blessé, est bien emprisonnée avec des détenues israéliennes de droit commun. Qu’est-ce à dire ? Que le colonisateur israélien, comme l'avait fait Margaret Thatcher avec Bobby Sand et ses amis, refuse au colonisé un statut politique, (ce qui avait causé, on s’en souvient le refus de Bobby Sand et de ses amis de revêtir l’uniforme de prisonnier de droit commun, et de se recouvrir de leur couverture en guise de vêtement.)
Claude Askolovitch est plein de bonne volonté, il dénonce la détention administrative de Salah Hamouri, qui fait de lui un embastillé, il propose un médiateur et Nadia Dam propose que l’UE verse à l’UNRWA l’argent non versé par les US. Autant de mesures qui restent « humanitaires » et s’apparentent aux faux-semblants dénoncés par Monique Cerisier Ben Guiga.