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Billet de blog 1 décembre 2011

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Contre le syndrome L. Harinordoqui: protégeons... la cour de récréation

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mardi soir pendant le match de rugby opposant Biarritz Bayonne Lucien Harinordorqui père d'Imanol joueur international Biarrot s'est précipité sur la pelouse pour agresser un joueur bayonnais qui était aux prises avec son fils.

Cet incident peu banal me fait penser aux cours de récréations et m'inspire ces quelques digressions.

La cour de récréation que je surveille pour une année encore est un rare espace de liberté où les enfants sont en société. Ils sortent en courant, en criant, certains déjà à cheval, en moto ou dans on ne sait quels engins. Les coins les plus excentrés restent propices à quelques transgressions, la présence de l'adulte est nécessaire mais en aucun cas ça ne doit être une immixtion.

C'est un lieu menacé.

Leurs enfants y exerçant leur premier pas vers l'autonomie le lieu reste de l'extérieur fascinant pour les parents. Les uns s'attardent longuement au portail, d'autres voudraient pouvoir le régenter mais respectent les formes en passant par l'intermédiaire du directeur ou du collègue de service. Il arrive parfois qu'une maman (le plus souvent) intervienne pour régler directement un problème auprès de celui, ou celle, qui fait subir des sévices au son rejeton. Une fois même j'ai eu à gérer un papa hors de lui qui a porté la main sur un enfant à l'intérieur de l'école, j'ai déposé une main courante pour bien marquer l'interdit absolu qui avait été franchi. L'école n'est pas close, mais il y a un intérieur et un extérieur car elle doit préserver de ces intrusions. La présence de l'enseignant qui surveille si elle entrave la spontanéité de quelques comportements et a un effet préventif au fur et à mesure qu'il s'approche n'a rien à voir avec l'intrusion du parents physique ou symbolique qui elle discrédite la progéniture, la disqualifie auprès de ses pairs, elle lui « met une terrible honte ».

La cour peut aussi être menacée de l'intérieur.

Les journaux télévisés nous ont suffisamment alerté ces dernières années avec leur méthode du reportage à l'emporte pièce sur les terribles dangers qui y menacent les enfants. Les prétextes tels que « mise en place de médiateurs », « permis à point » renvoyaient certainement à de louables intentions pédagogiques des collègues qui les utilisaient, encore que l'on soit avec ces questions toujours sur le fil, la marge est étroite entre le médiateur et le délateur...

Mais ces reportages qui visent à accréditer les politiques de « lutte contre la violence scolaire » menée ces dernières années s'appuient sur les craintes des adultes et les nourrissent en retour.

Je fréquente la cour de récréation depuis assez longtemps pour affirmer qu'elle est devenue bien moins violente qu'il y a cinquante ans quand j'y étais moi même élève. Nous serions déjà au tribunal si nous rendions les enfants aux familles dans l'état où nous revenions de l'école à l'époque. Cette affirmation ne signifie pas qu'elle puisse être exempte d'accidents voire de drames mais que statistiquement les enfants y sont plus en sécurité qu'à l'extérieur. Par ailleurs je connais aussi les limites de « l'observation directe » et je m'en méfie suffisamment pour savoir que je livre là un ressenti qui demanderai à être étayé scientifiquement.

A ce propos la cour de récréation de vient aussi, mais comment échapperait-elle à l'augmentation exponentielle de la recherche en sciences de l'éducation qui s'intéresse à tous les recoins et à tous les actes de l'école, un objet d'étude, tel celle de Sophie Ruel qui ne manque pas d'intérêt:

« La socialisation masculine comme féminine se déroulent donc dans les cours d'école, lieu où les enfants organisent l'usage de façon quasiment exclusive et au sein duquel ils développent des compétences sociales - Filles et garçons à l'heure de la récréation : la cour de récréation, lieu de

construction des identifications sexuées-

L'observation de la récréation apprend sur les enfants et les enfants y réalisent des apprentissages sociaux implicites, je rencontre autant d'enfants gênés dans leur « être élèves » parce qu'ils sont « mauvais en récréation » que d'enfants qui rencontrent des difficultés pour n'exceller que là. Observer étudier ne doit pas signifier s'immiscer il ne faut pas qu'avec l'inflation évaluationniste qui touche l'école elle devienne un lieu d'évaluation des comportements.

La cour de récréation ne revit-elle pas au fond d'eux mêmes et de nous au travers eux quand de grands gaillards en culotte courte s'ébattent (et parfois se battent) sur les terrains de sports?

Ne revit-elle pas dans un autre registre , comme lieux de re-création plus que de distraction dans les Ags de grèves, dans les campements d'indignés où même sur la place El-Tahir? Préservons la à ce titre du syndrome sous ses diverses formes de Lucien Harinordoqui.

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