L'effet « cliquet » et son contraire
On a déjà entendu des responsables invoquer l'effet « cliquet » pour justifier au moment d'une alternance politique des mesures prises par leurs prédécesseurs sur lesquelles ils ne reviendraient pas même s'ils s'étaient opposés à leur adoption. Le débat entre François Hollande et N. Sarkozi a illustré sur tel ou tel point mon propos. En matière d'enseignement primaire par contre il semble que bien des réformes doivent consister à revenir directement sur les inepties du quinquennat passé.
Cette nécessité de faire tourner la roue en arrière pour pouvoir avancer exige d'être prudent vis à vis d'un empressement, du seul effet mécanique, à tout balancer.
Je voudrais aborder cette question sur quelques exemples limités certes mais qui me tiennent à cœur.
Je ne suis pas sûr que « l'aide personnalisée » instaurée en primaire en 2008, je crois, soit intrinsèquement de droite. Certes l'idéologie sous-jacente peut vite conduire à ce que C. Lelièvre caractérisait excellemment dans un billet : « Comme quoi le soit disant passage du souci "pour tous'' au souci "pour chacun" et surtout celui du "pour quelques uns'' » , mais on peut aussi lire sa mise en place comme ayant relevé de l'art de « griller » ce qui aurait pu être une bonne idée.
Redonner du temps aux élèves
Le « Munich pédagogique » selon les termes employés par A Prost au moment de la réduction sans autre forme de procès du temps global d'enseignement par le passage de la semaine de 27 (26 en temps globalisé) à 24 heures, doit être abrogé. Quatre jours et demi de classe par semaine, des journées moins chargées, plus de jours de classe (et donc moins de vacances) voilà sans doute l'équation autour de laquelle le prochain ministre aura l'occasion de montrer ses talents de réformateur.
Ne peut-on pas alors penser à un mercredi matin qui aurait l'intérêt de relancer la place des enseignements sportifs et artistiques. Dans mon expérience j'ai vérifié que jusqu'en 2008 et depuis plusieurs années, nous avions pris l'habitude de présenter aux parents, au minimum deux fois l'an le samedi matin, une exposition riche de production en art plastique, en compte rendu de sorties, résultat d'enquêtes etc... Cette pratique s'est arrêtée non seulement faute de samedi matin mais aussi faute de temps sur les 24h de classe/semaine passées à « cavaler ».
Redonner du temps aux enseignants
Redonner du temps objectif et le sentiment de pouvoir le prendre pour mettre en place des pratiques de décloisonnement, de concertation de collégialité est indispensable, dans le suivi des élèves par exemple. Sur la question du redoublement, on retrouve me semble-t-il les limites d'une gestion administrative. Les redoublement ont été un temps débaptisés, il fallait dire « maintien », interdits en cours préparatoire, puis la droite à de nouveau lâché du lest. Mais le fond du problème est sans doute que cette pratique n'est pas éradiquée pédagogiquement et doit-elle l'être totalement? Je n'ai pas la réponse, mais il faut dans tout les cas éviter ces sentiments de panique avec une part de culpabilisation qui saisissent souvent l'enseignant au moment de décider.
Il faut pouvoir nourrir les pratiques collectives qui permettent de croiser les regards sur les élèves , elles aident à s'extraire du « présentéisme », la parole du collègue du cours supérieur est en elle même un élément qui permet d'entrer dans la construction d'un projet pour l'élève.
Des mercredis matins dans lesquels, sans qu'ils débordent de l'horaire, seraient prévues des séquences d'aide en direction de très petits groupes permettraient de redonner du sens à l'aide personnalisée. L'avantage serait que ce temps pris dans l'horaire obligatoire permettrait beaucoup plus de souplesse dans son utilisation. L'aide perso version actuelle déborde des 24h, il faut donc l'accord des parents pour « retenir » l'enfant. Très concrètement, cela rend difficile de la mettre en place pour réagir ponctuellement à la nécessité de reprendre une notion. Il faut la programmer (accord des parents pour que l'enfant reste à l'école à date fixe sur plusieurs semaines) et en se privant de réactivité il devient également quasi impossible de ne pas se marcher sur les pieds avec le travail des Rased puisque plus allonge la durée plus on vient vers le même type d'élèves. (on le sait c'était le but avoué du sarkozisme en matière d'aide);
Redonner du temps aux élèves
A qui profite l'actuelle « validation » du socle commun dès la fin du CE1 dans des conditions que l'on ose à peine divulguer aux profanes? Certainement pas en tout cas aux élèves qui ont besoin de temps pour construire leurs apprentissages, expérimenter leurs facultés à raisonner, se persuader de leurs potentialités, construire eux aussi leur temps d'école comme un projet d'avenir.
Alors des programmes qui fixent ce que l'on doit enseigner au socle commun pour définir ce que chacun doit avoir appris pourquoi pas à condition qu'il ne s'agisse pas de la nouvelle épreuve d'un parcours dans lequel les élèves les plus vulnérables s'engagent avec le sentiment d'être battus d'avance ou de ne pas pouvoir aller bien loin.