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Billet de blog 9 septembre 2012

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Pour une éducation prioritaire sans "zone"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Faut-il (ou non)  abandonner les ZEP pour rester fidèle au combat contre les inégalités?

Au long de leur évolution les ZEP passant par des formes sensiblement différentes ont toujours conservé comme objectif théorique de réduire les inégalités scolaires et sociales.

L'échec est patent, l'école reproduit ou amplifie toujours autant les inégalités sociales.

On peut décrire l'évolution de la politique de ZEP comme s'étant de plus en plus centrées sur la notion de « Zone ».

A l'origine cette idée de donner plus à ceux qui ont moins au sein d'une zone strictement définie n'allait pas de soi.

Les réserves formulées en 1981 par le SNI (syndicat alors largement majoritaire chez les instituteurs) portaient précisément sur le fait de circonscrire la différenciation à des zones alors que les difficultés scolaires et sociales si elles s'y concentrent sont évidemment aussi présentes sur le reste du territoire.

Dans les textes initiaux eux mêmes, on trouve de façon certes ténue et contradictoire une distance vis à vis d'un zonage trop strict:

« Il conviendra au demeurant de définir le projet moins par son aire géographique d'application

que par ses objectifs et les moyens programmés, qui peuvent concerner des établissements ou parties d'établissements....hors « zone » au sens géographique »

circulaire n° 81-536 du 28 décembre 1981.

La « zone » cependant n'ignorait pas « l'éducation » et, même s'il n 'y a pas été trouvé toutes les réponses et encore moins la réponse, au travers de projets, réunions de conseils, journées thématiques, elle était encore jusqu'à il y a peu, un lieu de où l'on se préoccupait des questions posées par l'éducation en milieu populaire.

Mais peut être cette approche par zonage a-t-elle par elle même contribué à faire perdre le fil, elle conditionne en tout cas le regard porté sur les milieux populaires et leurs difficultés propres d'apprentissage scolaire.

Leur appréhension par le biais du quartier, des conditions de vie, de l'habitat, voire des meurs culturelles ou même cultuelles conduit à une surdétermination sociale des questions d'apprentissage.

Avec cette vision non seulement le moindre incident, rappels à l'ordre basiques dans une école concernant par exemple la ponctualité ou l'assiduité retentit dans un « macro-sociologique », souvent à la petite semaine, qui contribue à gonfler des problèmes plus qu'à les régler.

Mais elle détourne d'autant d'une réflexion pédagogique portant sur le cœur des (ou des non) apprentissages.

Les Zep sont de plus en plus un alibi vide de sens pédagogique jouant le rôle des pauvres qui recevaient l'obole à la sortie de messe.

L'école qui paradoxalement reste dans la mémoire imaginaire comme la plus douce au milieux populaires est celle des deux filières, primaire et secondaire séparés.

C'est cette école pourtant prise dans un système ouvertement inégalitaire qui inspirait à Camus recevant le prix Nobel sa fameuse lettre à son instituteur: « Sans vous, sans cette main affec­tueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé ».

Si les réussites littéraires ou sociales inspirent sans doute aujourd'hui moins de reconnaissance ( quand ça n'est pas du « chagrin d'école ») il serait faux de penser que c'est parce que l'école permet à un moins grand nombre d'élèves de s'en sortir.

L'école d'Albert Camus, fut-elle celle de la puissance coloniale en Algérie, était celle d'une passion pour l'émancipation sociale. Ce thème se retrouvait de la carte aux titre des revues syndicales« éducateurs au service du peuple » « école libératrice » « école émancipée », on trouvait même parmi les instituteurs des dénonciations des projets "d'école unique" comme visant à "enlever au prolétariat les meilleurs de ses chefs", sans aller jusque là, l'école primaire en se voulant « libératrice » envisageait le manque de savoir comme source et résultat d'une oppression située là où elle doit l'être au sein de la structure sociale et donc présente partout dans le territoire.

Ces approches relevaient à l'évidence de conceptions différentes que la politique de ZEP.

En 2007 Nicolas Sarkozy qui avait déclaré deux ans plus tôt qu'il « fallait déposer le bilan des ZEP » arrive au pouvoir règle la question en abandonnant ce qui les fondait.

Si l'on se réfère à la lettre de mission qu'il adresse au Ministre de l'Éducation nationale , Xavier Darcos on peut voir qu'il n'utilise pas une fois le terme dans cette lettre, mais qu'en écrivant:

Nous voulons donner à chaque jeune de notre pays des chances égales de réussir, à chaque élève méritant d’atteindre le sommet de l’échelle sociale.”

Il résume sa vision de l'éducation populaire à “exfiltrer” quelques méritants.

Pour le reste donc “l'égalité des chances” sera sous traitée par la politique de la ville au sein des CUCS, qui est le “zonage” de plus en plus repris au sein même de l'éducation nationale et qui, la cohésion sociale n'est pas l'équivalent de la justice sociale, dispense encore plus de toute réflexion en général et sur la façon d'enseigner et d'apprendre en milieu populaire en particulier.

Puisqu'il s'agit d'école refondée et même de République refondée par l'école, tel que l'a déclaré le ministre Vincent Peillon le 5 juillet 2012, la question de la réduction des inégalités scolaires, la non-réfraction par le système scolaire des inégalités sociales sont évidemment décisives.

Alors “l'éducation prioritaire”, adaptée aux élèves et ayant pour but de les adapter à l'éducation, de trouver du goût à apprendre, de se persuader qu'ils ont leur place au moins jusqu'à seize ans dans le système scolaire, certainement, des liens établis localement, sans doute, celà ne fait ni ne nécessite forcément des “zones”délimités et pourrait être étendu à tout le territoire.

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