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Billet de blog 9 décembre 2012

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A côté de quoi Vincent Peillon risque-t-il de passer?

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Vincent Peillon serait-il en train de passer à côté? À cette question qui revient de plus en plus dans les commentaires il faut en rajouter une: à côté de quoi?

Dès son discours du 5 juillet 2012 à la Sorbonne duquel on pouvait au plan très général retenir « refonder l'école de la république et refonder la république par l'école » on pouvait sentir de façon subliminale qu'on ferait des rythmes scolaires un biais central pour entrer dans le concret.

Sur la question de la réussite de tous à laquelle se réfèrent toutes les réformes que connait l'enseignement depuis sa « démocratisation » et face à laquelle elle n'en peuvent mais, rien dans son discours qui n'ait déjà été répété bien des fois. La loi annoncée reprend le socle commun en essayant, à raison, d'activer la liaison entre l'école et le collège.

Mais si la révolution copernicienne ne portait pas sur les rythmes et les horaires comme le ministre et de nombreux commentateurs ont eu l'air de le croire? Et si la résistance vis à vis des lobbies de tous ordres consistait à ne pas se placer d'emblée sur leur terrain mais passait par un objectif de justice scolaire et sociale engageant l'école vis à vis de la nation dans son fonctionnement propre?

Le principal problème qui écarte l'école de sa mission de service public est bien plus que dans le fait de fatiguer les enfants, dans celui de  reproduire et d'accroître les inégalités sociales.

Alors bien sûr tout est lié, les élèves du primaire ont sous Nicolas Sarkozy perdu non seulement deux heures d'enseignement par semaine, l'école a dans le même temps perdu toute ambition pour « l'éducation prioritaire » elle n'en est pas devenue, paradoxalement, seulement plus fatigante, elle devenue plus inégalitaire.

Les enfants qui ont le plus besoin d'école et tous leurs camarades ont besoin de retrouver les heures qu'on leur a volé, ils ont besoin de retrouver un temps de qualité à l'école. Mais il est une autre mesure de la qualité de ce temps que celles des chrono biologistes, c'est la déconnexion entre les statistiques de réussite scolaire et d'origine sociale.

Chacun sait combien il est insupportable qu'un championnat sportif propulse au rang de champion le club qui a le plus gros budget mais traduit en terme de réussite scolaire c'est une injustice.

C'est sans énoncer clairement, autrement par le vœux pieux de « la réussite pour tous » que l'on se fixe pour objectif de rompre avec cette injustice que l'on risque de passer à côté.

C'est depuis qu'à peu près tout le monde à de quoi manger que l'on s'interroge avec horreur sur la qualité de ce que l'on a dans l'assiette et que l'on découvre que les inégalités continuent d'être présentes dans ces questions de qualité.

Depuis 1975 et le collège pour tous on ne plus douter que c'est dans le parcours scolaire lui même que se perpétue l'inégalité sociale.

C'est, comme chaque année, le moment des demandes d'orientations des élèves de CM2 les plus en difficulté vers les SEGPA. Sans mettre endoute le moins du monde la qualité du travail effectué dans ces structures c'est un moment où se mesure le désarroi des familles devant ces questions de reproduction des inégalités, comme bien souvent les limites éclairent le mieux les systèmes.

On a progressé, devant leur fréquente réticence on dit bien aux parents: il/elle n'ira pas en SEGPA si vous ne le souhaitez pas mais on sent dans ces moments particulièrement bien ce que sont les ressentiments devant un espoir qui s'effondre.

L'école créatrice d'espoir doit s'attacher à ne plus envisager la réussite pour tous comme un vœux pieux mais se fixer la non reproduction, où la diminution de la reproduction des inégalités sociales comme un objectif.

Sur un engagement clair et mesurable de cet ordre on peut faire de la pédagogie, mobiliser (ce qui n'interdit pas de les payer) les enseignants et dire aux lobbies et autres génie de village des rythmes scolaires qu'il y a des impératif plus importants que leurs intérêts particuliers.

On fera encore mieux quand on pourra réellement dire aux familles: la SEGPA fait partie des choix possibles pour que votre enfant réussisse.

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