J’ai connu Hassan comme père d’élève dans l’école où j’étais directeur, il y a de ça un peu moins de dix ans. C’était un grand homme très brun avec des cheveux longs et bouclés. Il avait trois filles, depuis que je suis parti je crois qu’il y en a une quatrième en CP. Il ne venait pas plus souvent que ça mais on s’est vu plusieurs fois au bureau, il ne venait pas pour s’inquiéter des résultats scolaires des filles, mais, c’était lui, plutôt que son épouse, qui pour une raison ou une autre assurait le lien avec l’école et on parlait.
C’est au cœur de ce boulot que d’échanger avec beaucoup de gens différents et c’en est un des charmes. Au début il y avait quelques incompréhensions, en partie des quiproquos.
Lors de la randonnée pédestre annuelle que nous organisions, il m’avait plusieurs fois interrogé pour savoir s’il pouvait amener « la voiture », non bien sûr, à moins que, j’avais cru finir par comprendre qu’il cherchait un point du parcours pour la déposer avant, pour ne nous accompagner que la moitié du chemin et pouvoir rentrer plus tôt… J’avais tout faux et lui aussi puisque « la voiture » était la poussette de la petite dernière qu’il a dû traîner les roues prises dans la boue. Mais ça nous a fait rire plutôt qu’autre chose… Ce devait être en 2007. Il était doctorant dans le domaine de la physique ou de la mécanique , il m’a expliqué, mais je ne sais pas trop…
Quand Kadhafi est venu voir Sarkozy, les filles ont loupé l’école, au retour elles avaient la paume des mains teinte au henné et l’une m’a dit qu’elles étaient allé voir leur Président… Quand les évènements ont éclaté, j’ai abordé le sujet prudemment en lui demandant s’il avait des nouvelles de sa famille, il n’y avait aucune réserve, il comparait Khadafi à Néron et quelques mois plus tard il est parti là-bas pour combattre. Puis, même si son épouse et les filles restaient discrètes sur le sujet, nous avons su qu’il avait des responsabilités politiques, je pense qu’il incarnait un « islamisme modéré ». Lors de l’un de ses rares retour en France il était passé me voir, la coupe de cheveu avait changée, il disait qu’abattre un régime ça n’était rien à côté des difficultés pour en reconstruire un autre, comme je m’inquiétais de la fin de son doctorat il m’avait dit qu’il essaierai de revenir pour la soutenance.
Un article reprenant une dépêche AFP vient d’apprendre :
« Hassan Al-Droui, vice-ministre de l'Industrie, a été tué par des inconnus dans la nuit de samedi à dimanche (11 au 12 janvier) au cours d'une visite qu'il effectuait dans sa ville natale de Syrte", a ainsi indiqué à l'AFP une source des services de sécurité. Selon cette source qui s'exprimait sous couvert de l'anonymat, "des inconnus armés ont tiré des rafales de balles sur Hassan Al-Droui, dans le centre de la ville de Syrte".
Violences et assassinats
Une source de l'hôpital Ibn Sina de Syrte a confirmé à l'AFP la mort du ministre, affirmant que le responsable libyen a reçu plusieurs balles dans différentes parties du corps.
Ancien membre du Conseil national de transition et bras politique de la rébellion qui a renversé le régime du dictateur déchu, Hassan Al-Droui avait été nommé vice-ministre de l'Industrie par le premier chef de gouvernement de transition, Abdelrahim al-Kib. Il a été maintenu à son poste par le Premier ministre actuel, Ali Zeidan. »
Depuis la chute du régime kadhafiste, la Libye est le théâtre de violences et d'assassinats visant notamment des militaires et responsables des services de sécurité. »
Aujourd’hui je pense très fort à lui, à ses filles, élèves remarquables non seulement pour la réussite scolaire mais aussi pour la qualité de leur relation avec leur camarades aussi bien qu'avec les adultes, et à son épouse.