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Billet de blog 26 août 2013

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retour sur Joué Lès tours

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De retour à Joué Lès Tours d'où les vacances m'avaient éloigné, je lis les évènements qui viennent de marquer la ville au travers de l'enquête « La force de l'ordre , une anthropologie de la police des quartiers » de Didier Fassin, publié au seuil en 2011.

Ces évènements sortis de l'indifférence et de la banalité par le retentissement national de la vidéo du jeune témoin semblent une confirmation, point par point, de la pertinence des questions, qui même si elles étaient soulevées à propos des « BACS » étaient posées par D. Fassin dans son ouvrage.

Discrimination

Le chapitre « Discriminations » de cette étude s'ouvre en citant une expression « banale en anglais » « de driving while black » dont il est proposé deux traductions, littéralement « conduite en été de noirceur » ou « délit d'être noir au volant » Selon D. Fassin ce phénomène a été couramment analysé aux Etats Unis et les statistiques associées à ces études en confirment l'existence.

En France par contre il n'a été abordé que très récemment et très rarement «  Pionners de l'étude de ces questions, Renée Zauberman et René Lévy (1998 ; 2003) expliquent cette absence de travaux français sur les discriminations raciales par un idéal républicain abstrait permettant, au nom d'une conception de la citoyenneté qui ne laisse pas de place aux identités particulières, de justifier qu'on ne mesure ni ne reconnaisse l'existence d'un traitement défavorable des minorités. » note 3 p 367.

D. Fassin ajoute :

« Son évocation dans l'espace public faisait même l'objet de poursuites judiciaires de la part du ministère de l'intérieur. Est-ce à dire que les policiers français auraient su éviter les discriminations raciales mieux que leurs collègues états-uniens ?...répondre à cette question est moins facile qu'il n'y paraît. »

Dans la Nouvelle République du 21/08 :

« Le conducteur, un Tourangeau*, a été conduit au centre hospitalier où il a été soumis à un test. Il avait 1 g d'alcool par litre d'air expiré. Ce conducteur, qui habite Tours faisait l'objet d'une « fiche de recherche » pour purger une peine. Il a donc été incarcéré à la maison d'arrêt de Tours » 

* d'origine africaine, rappelons le, au delà du délit qui semble établi (Taux supérieur à 0,40 milligramme par litre d'air expiré) le travail des enquêteurs et de la justice gagnerait sans doute à ce que les statistiques interdites en France mais vécues par les populations soient reconnues pour que dans ce domaine comme dans bien d'autre les missions de services publics soient exécutées en pouvant afficher clairement un parti prix d'égalité.
Violence 

« Il peut paraître surprenant de s'étonner de l'existence de violences policières,..., ce qui distingue les policiers des autres autres corps de métier...c'est la possibilité, s'ils le jugent nécessaire, d'utiliser la force... » D.Fassin discute alors la distinction entre « force » et « violence », même si la limite est délicate à déterminer : « Le policier doit savoir utiliser la force, mais ne dois pas exercer la violence ». Pour rendre cette distinction opératoire, il a recours à la notion de violence morale. 

« Mon propos vise ici à appréhender la violence de la police comme une interaaction qui affecte l'intégrité et la dignité des individus et pas seulment leur corps et leur chair,... » deux citations données dans son ouvrage et sur lesquelles l'auteur appuie cette distinction: « la tâche d'une critique de la violence peut se définir en disant qu 'elle doit décrire la relation de la violence eu droit et à la justice. En effet, de quelque manière qu'une cause agisse, elle ne devient violente, au sens prégnant du terme, qu'à partir du moment où elle touche à des rapports moraux. » Walter Benjamin, citation p 197 et encore : «  La violence ne peut jamais être comprise seulement en termes physiques-force, agression, douleur. Elle implique aussi une atteinte à la personne et à sa dignité, au sens que la victime a de sa propre valeur » Nancy Scheper-Hugues et philippe Bourgeois p 198

Médiapart -21 août- article de Louise Fessard :

«  Il m’a contrôlé avec deux amis vendredi soir, raconte de son côté Sandgy. On était posés avec un pack de Heineken. Il est passé en Kangoo avec un autre flic, il a vu un petit morceau de carton qu’il a déchiré en pensant que c’était pour rouler un joint et nous a dit : “Ça m’énerve tout ces petits branleurs qui fument.” Puis il a m’a dit : “Pourquoi tu ris, toi, avec tes dents jaunes ?”...

Dans ce même article la journaliste rappelle des extraits du code de déontologie de la Police qui à sa façon rend compte lui aussi de préventions quant-à l'usage de la force : « Lorsqu'il est autorisé par la loi à utiliser la force et, en particulier, à se servir de ses armes, le fonctionnaire de police ne peut en faire qu'un usage strictement nécessaire et proportionné au but à atteindre », indique le Code de déontologie de la police. Qui précise également que le policier, « placé au service du public », a « le respect absolu des personnes »

Politique sécuritaire et aspiration à la sécurité

Le ministre de l'intérieur dans Libération tout en garantisant vérité et transparence a entr'aute déclaré dans Libération: «Je n’accepte pas les mots «Honte à la police française».

Sélim: « Rencontré ce mardi 20 août par la NR, [...] dit "regretter" avoir choisi ce titre. Il souligne : Certains policiers font bien leur travail. »

C'est également ce qui ressort des propos des jeunes reçus en délégation par le Maire le mercredi 21 août : on veut la mutation de ce policier...

Pas sûr  que l'on soit pour autant sur la même longueur d'onde.

Si la question de la personne même du policier semble un élément majeur dans cette affaire précise il y a au delà dans ces propos et dans ces faits celle d'orde plus général du droit dans les quartiers populaires à un service de Police de qualité.

Elle peut prendre un aspect en apparence paradoxal : celui de voir les politiques « sécuritaires » qui prétendant avoir cerné l'origine essentiellle de l'insécurité dans les sortes de délinquances auxquelles on aura «accès » dans les quartiers populaires rabat sur la géographie où elle s'exerce la vie qui s'y mène, créant des zones suspectes et apriori hostiles.

Ce biais de départ amène D. Fassin à la remarque suivante :

« Il est cependant peu probable qu'elle (l'action de la Bac) soit à la mesure des attentes de la majorité de la population, et notamment de celles et ceux qui, dans les enquêtes, se disent le plus préoccupés par les questions sécuritaires, à savoir les habitants de ZUS : pour ce derbiers, le recours aux groupes d'intervention de la police ont souvent un coût élevé, en termes de stigmatisation, d'humiliation et de brutalisation, pour un bénéfice modeste sur la délinquance et les désordres. » p 132.

En évitant les généralisations les jeunes laissent transparaître une aspiration à une vie tranquille qui n'ignore ni n'exclut le rôle de la police et, en l'état actuel, d'au moins de certains de ses membres. Ayant eu moi même au cours de ma pratique professionnelle exercée pendant des années dans ce même quartier recours aux services de la police nationale jocondienne je ne peux que confirmer l'intelligence et l'écoute que j'ai pu rencontrer chez certains policiers.

Je pense que l'immense majorité de la population comme les policiers eux mêmes enclains à faire, bien, leur travail gagneraient à ce que des travaux du genre de D. Fassin soit des objets d'étude au travars desquels l'institution accepterait de s'interroger.

Or, D. Fassin ne rend pas optimiste: « L'étude que j'ai conduite il y a quelques années, je ne serais plus en mesure de la mener aujourd'hui » il s'en explique au travers de la reprise en main directe par le pouvoir de la recherche sur la police « selon le principe selon lequel les policiers peuvent faire eux mêmes des études sur la police et en une reprise en main politique à travars la nomination [à la tête de de l'Institut des hautes études de sécurité] de pierre Monzani, ancien conseiller de Charles Pasqua . Note 4 p 344.

Autement dit le regard extérieur que Sélim vient de judicieusement nous donner mériterait afin que les réactions et les émotions qu'il suscite puisse dépasser le temps que l'on accorde aux faits divers ils seront où les journalistes dans un an ? » déclare un jeune à Médiapart]  d'autres regards extérieurs, à l'instar de celui du sociologue, susceptibles de nourrir une discussion honnête.

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