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Billet de blog 29 septembre 2013

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Scolarisation d'enfants roms

Je publie ci-dessous une lettre au directeur académique que nous lui avions adressée l’an passé à propos de la scolarisation d’enfants d’origine « rom ». Ces enfants habitaient la ZUP et ne vivaient pas dans des campements.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je publie ci-dessous une lettre au directeur académique que nous lui avions adressée l’an passé à propos de la scolarisation d’enfants d’origine « rom ». Ces enfants habitaient la ZUP et ne vivaient pas dans des campements. Leur situation échappe de ce point de vue à ce qui existe évidemment comme un réelproblème mais s’installe aussi comme une représentation obligée de la question « rom » et autour de laquelle se nouent l’essentiel des polémiques actuelles. La question que pose la scolarisation de ces enfants et bien au-delà celle de leur marginalisation dépasse les questions d’habitat précaire, elle ne se réduit pas non plus à la simple volonté de s’intégrer ou pas. Au plan de la discussion que nous avons pu avoir avec les parents de ces élèves  il ne fait aucun doute qu’ils avaient conscience de l’importance de l’école et même de sa fréquentation régulière que pourtant ils n’arrivaient pas à mettre en pratique. Nous sommes sans doute aux limites du système scolaire, au double sens ou il ne s’agit évidemment pas d’une question qui peut se réduire à son aspect scolaire et ou elle met le système à l’épreuve de son impuissance. On ne peut pas plus la résoudre  en faisant  un  procès, facile, de l’école,  ni celui, nauséabond, de ces populations ni sans s’interroger sur les évolutions nécessaires des deux côtés. La scolarisation des enfants roms montre justement toute la difficulté d’une institution à s’auto-interroger, mais aussi toute la difficulté des acteurs, même en s’auto-interrogeant, à échapper à la part de « reproduction » que le fonctionnement institutionnel implique obligatoirement et dans lequel, ne serai-ce que sous la forme de la condescendance, ils sont pris.

Le double intérêt qu'il y aurait à améliorer la scolarisation de ces enfants serait donc pour leur propre bénéfice, mais aussi plus largement au compte de l’amélioration du fonctionnement démocratique de l’ensemble de l’école.

La publication de ce texte intervient après des discussions menées sur Médiapart à l’occasion de billets abordant la scolarisation des enfants roms, cela pour dire que les échanges d’information sur l’existence de structures associatives, d’expériences et de réflexions sont sans doute une des conditions  indispensable aux  avancées nécessaires et  possibles. Voici le texte de la lettre.


Ecole élémentaire …..

….. le 16 mai 2013

Monsieur le Directeur Académique

Sous couvert

de Madame l’Inspectrice de l‘Education Nationale

Circonscription de …….

Monsieur le Directeur Académique,

J’ai l’honneur d’attirer votre attention sur la difficulté que nous rencontrons pour la scolarisation d’élèves d’origine « rom ». Deux enfants, K… et N…, dont les familles sont originaires de l’ex-Yougoslavie,  sont actuellement inscrits à  l’école.

K…, âgé de 10 ans 9 mois, n’est arrivé dans notre école que cette année et a été scolarisé en CM1 avec un an de retard.

Après une équipe éducative tenue le 12 octobre en présence, entre autres, de l’enseignant référent et d’un interprète, la maman a saisi la MDPH, un PPS a été mis en place (ESS du 12/02/2013) et la commission des droits et de l’autonomie ayant donné l’accord pour une orientation en CLIS, celle-ci a pu se réaliser, sous le contrôle de l’enseignant référent et de l’IEN, à l’occasion du départ d’un enfant qui a libéré une place. K… se montre très heureux de l’adaptation des enseignements qu’il trouve en CLIS mais cela n’a pas réglé complètement la régularité de sa fréquentation.

Pour compléter la description de ce parcours rapidement esquissé il faut ajouter que toute  sa scolarité a été perturbée par cet absentéisme « chronique ».

A l’école du M…, où cet enfant été scolarisé précédemment, des équipes éducatives s’étaient déjà tenues, des mesures d’investigation avaient été ordonnées par le juge, etc…

N…. est arrivé à cette rentrée en CP, à l’âge normal (né le ../../2006), après seulement quelques mois de scolarisation en maternelle. Là non plus nous n’arrivons absolument pas à réguler la fréquentation : équipes éducatives, rendez-vous avec les parents (le papa comprend et s’exprime un peu en français), rappel à la loi, discussions éducatives, nous avons beau varier les approches et les discours, nous n’obtenons pas une relation raisonnable à l’école ni une fréquentation régulière.

Il y a quelques jours nous avions mis « la pression » et l’enfant a fréquenté régulièrement une semaine, mais en se rendant véritablement malade sur le temps scolaire, il est revenu hier un peu serein mais après avoir été absent deux jours.

Si je me permets ce courrier, en m’excusant d’être un peu long, c’est que j’en arrive à la conclusion qu’aucun des dispositifs « ordinaires » que nous avons mobilisés toutes ces dernières années, y compris les signalements, n’est adapté.

Ces deux enfants ne sont pas les premiers d’origine rom que nous accueillons, et pour chacun nous nous sommes heurtés à une très forte défaillance de la fréquentation et à sensiblement le même gâchis au plan des apprentissages.

Au plan relationnel, nous n’avons aucun problème avec ces familles qui restent agréables et respectueuses lors des entretiens, qui investissent affectivement leurs enfants comme n’importe quelles autres, mais il y a à l’évidence un malentendu que nous n’arrivons pas à lever.

J’ai conscience des limites de notre expérience, à partir de laquelle je ne prétends pas généraliser,  et j’espère et suis persuadé que des exemples de réussite existent pour ces enfants.

Ce serait d’ailleurs un peu mon idée de trouver dans cette communauté des personnes relais qui, ayant parcouru elles-mêmes un chemin vers l’appropriation des formes de notre institution scolaire, avec éventuellement de la réussite pour leurs  propres enfants, pourraient servir d’intermédiaires. Nous avons l’impression de nous heurter à un  positionnement que l’on peut penser, les témoignages des familles vont dans ce sens, hérité de réelles persécutions, et qu’elles perpétueraient hors contexte en restant aux marges de notre système.

En vous remerciant par avance pour l’attention que vous aurez pu porter à ce questionnement, je vous prie de croire à ma parfaite considération.

Le directeur de l’école

Je me suis permis, avant de vous adresser ce courrier, de le faire circuler parmi les collègues directement concernés dans l’école, et de le soumettre également à ma collègue directrice de la maternelle, tous l’ont approuvé au moins dans ses grandes lignes.

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