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Billet de blog 30 août 2013

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Le long de la Vienne tourangelle : remugle du temps perdu

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le GR 48 au départ de Chinon suit la Vienne tourangelle son balisage irrégulier ne le rend pas, lui, toujours facile à suivre. Une bonne matinée de marche mène quand même à travers coteaux, forêts et vignobles* jusqu'à une charmante petite ville autour d'une île de la rivière.

On y admire de beaux vestiges romans et on y découvre un petit musée .

Le rez de chaussée consacré à l'école reproduit une ancienne salle de classe, les visiteurs ne sont pas très nombreux et l'accueil, assuré par, certainement, des bénévoles certainement amoureux de leur patrimoine et fiers de cette réalisation est tout à fait cordial. L'un d'eux pratique cette forme de parler, sans doute venue d'un usage pronominal désuet, que l'on trouve en touraine, et qui consiste à désigner l'interlocuteur par « y», on a beau le savoir, vous vous laissez encore parfois surpendre en ne faisant pas le lien, bref en ne pigeant pas que c'est bien à vous que s'adresse la question de ce monsieur bien aimable qui accompagne votre visite. Il arrive quand même assez vite à savoir d'où « y » vient, qu'est ce qu'  « y » fait là et d'apprendre que vous avez exercé en tout début de  carrière dans l'école de cette commune. La dame de l'entrée s'anime et redonne quelques noms de cette époque gardés en mémoire. Le monsieur verse dans la nostalgie, comme souvent et on peut comprendre, la provoque l'annonce de votre (ancien) métier d'instituteur. Il est, et c'est aussi souvent le cas, dans le mode, « tout a foutu le camp », illustrant ses propos en évoquant avec bonheur de véritables sévices reçus lors de ses plus jeunes années scolaires, il est tout particulièrement convaincu.

Ça, ça reste un vrai questionnement.

Le soir au camping des bords de Vienne je sors du sac «  à la recherche du temps perdu ». Présomptueux peut être mais dont le volume compact adapté à un sac déjà bien trop rempli et trop lourd, a fini de me décider dans mon choix. L'introduction présente l'oeuvre entre « le temps qui détruit » et « la mémoire qui conserve », la coïncidence entre sensations présente et souvenirs qui « permettent la rennaissance du passé nous donnent le sentiment joyeux de notre permanence ». Je ne vois pas là de haîne du présent.

Je m'interroge si je vois bien en quoi je peux être le sentiment déclancheur de « la rennaissance du passé », si je vois bien en quoi on peut, après être passé sans trop de dommage à autre chose rire d'une mésaventure surtout si elle ramène à des jours heureux auxquels elle sert de butte témoin inversée, je ne suis jamais à l'aise avec de tels propos.

En fait la brimade reçue resurgit moins comme un souvenir dans lequel se retrouver que comme un oubli de l'enfant, joyeux, chahuteur vivant dans les interstices de(s) fortes autorités que l'on a sans doute été aussi. Comme si une longue soumission qui au long de la vie avait tout recouvert  ne laissait d'autre issue que de retenir et de glorifier ce qui en annonçait l'avènement, de collaborer avec. Dans cette sorte de pensée on aurait non seulement le passé pour avenir mais on l'aurait aussi oublié.

Est-ce que je me tracasse pour rien ?

*Aux limites du plateau quand il bascule vers la vallée se trouvent les falaises percées de caves, de troglodytes et la vigne qui remplace la forêt.

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