Journal de 20h, France 2
J’ai le coeur qui bat la chamade, alors que je monte sur le plateau.
- Bonjour Mr le Premier Ministre.
- Bonjour Mme Salomée.
Ca y est. C’est parti. Faut pas qu’j’me rate.
- Nous vous remercions d’avoir choisir notre chaîne publique suite à votre nomination hier comme Premier Ministre. Ma première question est sans doute celle que se posent tous les français : pensez-vous que votre gouvernement tiendra plus longtemps que Lecornec 1, Lecornec 2 ?
Trop facile, j’avais préparé ma réponse.
- Je comprends l’exaspération de nos concitoyennes et concitoyens. Avec une assemblée, composée de 11 groupes parlementaires, et globalement trois regroupements, la majorité absolue n’est détenue par aucun des regroupements. Vous rajouter à cela, pour chaque parti politique, la nécessité de se positionner, mais surtout de se démarquer des autres, dans son soucis d’exister dans les médias afin de viser l’élection reine de notre 5ième république, l’élection présidentielle, les votes à l’assemblée nationale sont plus dictées par ce biais présidentiel que sur les textes. Si nous ne proposons pas un autre fonctionnement, le gouvernement que je vais composer sera renversé… comme l’on été les 4 gouvernement depuis que notre président à appelé nos concitoyens aux urnes.
- Vous n’êtes pas le premier à parler d’une autre méthode. Qu’elle serait-elle pour que les partis politiques s’entendent ?
Tu respires un coup… Tu regardes la caméra en face… Tu t’adresses au peuple...
- Mes cher-e-s compatriot-e-s...
Heureusement que cela ne s’entend pas les « -e-s »...
… je ne vais pas demander aux groupes parlementaires de s’entendre et de voter « oui » « non » « abstention » à un projet de lois que le gouvernement futur va proposer. Ceci est une première rupture.
- Mais comment vont-ils s’exprimer ?
Tournes-toi vers la caméra… Tu ne dois pas convaincre la journaliste...
- La seconde rupture, c’est que nos député-e-s vont s’exprimer sur plusieurs textes concernant le même thème. Le pouvoir du gouvernement, qui n’est pas petit, sera de choisir le thème. Prenons par exemple le thème « Quel mode de retraites souhaitez-vous pour la France ? ». Chaque groupe
parlementaire a alors 15 jours pour fournir une première proposition. Nous pouvons leur faire confiance, ils ont cela dans leurs cartons. Puis chaque groupe parlementaire le présente à la tribune de l’assemblée. Répond aux questions des députés et a à nouveau 15 jours pour modifier son texte afin d’avoir plus de soutien. Puis présente une seconde version.
- Pourquoi un groupe aurait-il intérêt à modifier son texte ? En effet, chaque député-e va voter « oui » à sa proposition, et « non » aux autres ! La majorité pour valider l’un des 11 textes ne sera jamais atteinte !
Là, tu regardes au fond des yeux la journaliste...
- Vous avez tout à fait raison. C’est pourquoi, troisième rupture, chaque député-e, associera à chaque texte une mention «Excellent », « Bien », « Pourquoi pas », « Partagé-e », « Plutôt non », « Surtout pas ». Vous noterez que chaque député-e pourra exprimer son avis sur chacune des propositions, avec plus de précision, donc de liberté. S’il ou elle vote « Excellent » à la proposition de son groupe, rien de l’empêche d’attribuer « Pourquoi pas » à une des autres propositions.
Super… j’ai réussi à ne pas parler des fondements scientifiques du vote à la mention majoritaire,
pour ne pas faire pédant.
- Mais comment sélectionner alors la proposition adoptée parmi les 11 ?
- Chaque texte aura recueillis un taux pour chaque mention. Imaginons que la proposition du groupe parlementaire Rassemblement National, recueille respectivement de « excellent » à « surtout pas » : 23 %, 12 %, 5 %, 6 %, 28 %, 26 %. Cela fait bien 100 % au total. Vous faite la somme des taux à partir de « Surtout pas » et vous vous arrêtez dès que vous dépassez 50 % : 26 % + 28 % fait 54 %. Il a fallut monter jusqu’à « plutôt non » pour dépasser 50 % : la mention majoritaire de la proposition du rassemblement national est donc « plutôt non ». Vous faites cela pour toutes les propositions et celle qui a obtenue la mention la plus haute est retenue.
- Si la mention majoritaire de la proposition retenue est supérieure ou au moins égale à « pourquoi
pas », je suppose qu’elle est adoptée ?
- Effectivement. Il reste au gouvernement à la mettre en œuvre.
- Mais si elle est contraire aux valeurs défendue pas le gouvernement ?
Regarde la caméra ! Regarde la caméra ! C’est un point clef.
- C’est la troisième rupture. Les membres de gouvernement, chacune et chacun avec ses sensibilités, vont accepter de mettre en oeuvre ce qui a été choisi par la représentation nationale. Il ou elle rejoignent le gouvernement, non pas parce qu’il ou elle saute comme un cabri « l’ordre »
« l’ordre » « l’ordre », mais parce qu’il ou elle défend le mot « démocratie ». Si bien sûr, pour des raisons personnelles, la proposition retenue est contraire à ses valeurs fondamentales, il ou elle peut démissionner, charge à moi de lui trouver une ou un remplaçant… dont le mot « démocratie » est la valeur clef.
- Je devine que si la mention majoritaire est « Partagé-e », « Plutôt non », « Surtout pas », elle n’est pas adoptée ?
- Tout à fait.
- A la vue de la partition de l’assemblée nationale et du fonctionnement de nos groupes parlementaires, il y a de fortes chances que aucune proposition n’atteigne la mention « Pourquoi pas » ? Et là s’est l’immobilisme.
Tu laisses 2 secondes de silence, tu te tournes vers la caméra, et tu assènes le coup de grâce…
d’une voix posée surtout.
- Mes chers compatriotes, quatrième rupture, se sera alors à vous de décider. C’est vous qui allez choisir entre les différentes propositions en affectant une mention à chacun des textes, par la même méthode, de « Excellent » à « Surtout pas ».
- Le résultat risque d’être le même.
Toujours face caméra… tu ne les lâches pas...
- Mes chers compatriotes. Très peu d’entre vous sont partie prenante d’un partis politique. Très peu d’entre vous doivent faire allégeance à l‘un de ceux-ci ou au « commandant en chef, qu’il ou se dénomme Mr Méluchon ou Mme Marinette». Une allégeance compréhensible pour devenir députée, maire de grande ville, sauvegarder le financement d’un parti politique, qui est d’ailleurs lié au nombre de député-e-s élu-es plutôt qu’au nombre de voix à la présidentielle. Votre jugement sur les propositions, et la mention qui va en découler, dépendra donc du fond du texte. Il ne sera pas biaisé par la politique politicienne. Vous noterez que nos groupes parlementaires, sachant que le peuple choisira à sa place en cas de non sélection de sa proposition, a tout intérêt à la travailler entre sa version 1 et 2, afin que, si elle n’emporte pas de vote d’approbation suffisant au sein de l’assemblée nationale, le texte soit plébiscité par la peuple. Une fois vos votes faits, la proposition dont la mention majoritaire est la plus haute, si elle est au moins « Pourquoi pas », sera mise en œuvre. Prenons le thème « retraite », et rappelons que 70 % du peuple était contre la réforme engagée par Mme Burne.
- Encore faut-il que nos concitoyens et concitoyennes soient informé-e-s sur les contenus de chaque
proposition.
Face caméra ! Face caméra ! Non de Dieu (s’il existe)
- Pendant 2 mois, les télévisions et radios publiques, auront dans leur mission, d’alimenter le débat sur le thème, et le gouvernement que je présiderai, vous proposera une votation le premier dimanche du mois suivant le délais de deux mois. Cela se fera dans votre bureau de vote habituel.
- Mais si aucune proposition n’est validée avec une mention suffisante ?
- C’est la cinquième rupture. Le travail sur ce thème est alors remis à... au minimum 2 années plus tard. D’ici là, bien des choses auront changées, les propositions retravaillées...
- Monsieur le Premier Ministre, je vous remercie. Et à titre personnel, effectivement, 5 ruptures… je
dirai... « Pourquoi pas ? »
Sourire, face caméra..
- Mes chers compatriotes, j’ai besoin de vous, pour que ce mette en place ce nouveau mode de prise de décisions… directement par vous le cas échant.
Je sors du plateau. La grappe de conseillers ministériels me rejoignent. Je leur demande de rester
écartés de moi. Silence. Seul. Les dés sont jetés.
Je pleure…
Vive l’anarchie : l’organisation sans le pouvoir.