Du carré au cercle
On appelle carré magique (ou carré de Saturne, ou de Salomon) le carré formé par les nombres de 1 à 9 lorsqu’ils sont disposés de telle manière que leur addition, horizontalement, verticalement ou en oblique, fasse toujours le même total, 15.
La propriété la plus remarquable d’un tel carré est qu’il produit un cercle. Quinze partout n’est en effet pas seulement un carré : c’est aussi une longueur de rayon dont l’égalité dans toutes les directions trace une circonférence à partir d’un centre.
Ce centre est le 5 ; 5 est au centre dans la série des nombres de 1 à 9. Le rayon du cercle produit par le carré magique est égal à 3 fois la valeur de son centre.
Figures du cercle
Tracer un cercle par les sommets d’un carré est simple ; inscrire un carré dans un cercle aussi est simple. Produire un rayon égal à 3 fois la valeur du centre d’un carré formé par les 9 premiers nombres n’est pas évident. Il existe une façon et une seule de disposer les nombres de 1 à 9 pour aboutir à ce résultat.
Lorsqu’on observe attentivement la disposition de ces nombres, et mieux encore lorsqu’on les trace, en partant de 1 et en allant jusqu’à 9, on est amené à découvrir une deuxième propriété remarquable du carré magique. L’ordre dans lequel les nombres sont disposés trace une figure. Cette figure apparaît dans les directions successives que suit la main pour les disposer en carré magique.
En réalité la position « droite » est une position arbitraire, relative à des habitudes d’écriture. Pour avoir une vision complète de la figure recelée par le carré magique, il faut la faire tourner. Douze positions remarquables apparaissent alors, où la figure initiale se révèle n’être que la maison, donnée en premier, d’un zodiaque :
Du cercle à la sphère
Tout aussi arbitraire, le tracé par des droites. S’agissant d’une figure où le carré devient cercle, ce tracé peut aussi bien, ou mieux, se faire en courbes. C’est ainsi qu’on passe de la figure où des droites angulaires s’inscrivent dans un cercle, à ce cercle dans l’espace, où il devient sphère. Figure ouverte (où le mouvement qui l’engendre se suit à la trace) :
ou fermée, si elle se boucle - et donne à voir l’image de quelque chose de complet dans l’espace.
De la sphère à la main. Prosodie.
Traditionnellement, la poésie se compte en pieds, qui sont une application des nombres aux syllabes d’une langue. Un vers est constitué d’autant de pieds qu’il compte de syllabes. Le compte en pieds correspond à une époque où la poésie était chantée et dansée - marquée du pied dans des rondes. Pourquoi ne pas la compter en mains ?
Une main a cinq doigts. Les doigts sont nommés et on peut les numéroter par leur hauteur :
1. pouce
2. auriculaire
3. index
4. annulaire
5. majeur
La hauteur des doigts, en partant du pouce et en allant jusqu’à l’auriculaire, donne l’ordre 1 3 5 4 2, fournissant une base où le poème aurait 5 vers, respectivement de 1, 3, 5, 4 & 2 syllabes, dont le total ferait 15. J’appelle main une pareille forme prosodique.
Avant
je faisais
surtout des pieds
maintenant je fais des
mains
Un vers de 15 pieds est un vers long, par rapport à l’alexandrin, qui en compte 12. En revanche un poème de 15 syllabes est un poème court, comparé au haiku, qui en compte 17.
Un haiku est fait de 3 vers impairs, dont deux égaux : 5 7 5.
Une main est faite de 5 vers, tous inégaux, 3 impairs, 2 pairs, si l’on suit l’ordre 1 3 5 4 2, mais qui peuvent produire une cadence de trois groupes égaux de 5 syllabes si on suit l’ordre 1 4 5 2 3 où les vers impairs alternent avec les vers pairs.
En réalité il existe x possibilités combinatoires pour ces cinq nombres, qui sont autant de variations possibles de la main à quinze phalanges.
Ce sont des mains
au bout du chemin
deux mains
font
un poème
Au bout
du chemin
deux mains font un
poème
ce sont des mains
Dans le poème que j'ai dédié à Dario Villa, du pouce à l’auriculaire, chaque doigt est nommé pour ce que, vulgairement, il représente :
Pouce !
Tu m’indiques
la pénétration.
La bague au doigt
j’ouïs mal…
In remembrance… Bonne année...
Jessie Duravoir
Actes de Naissance, Aiou, 1995