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Billet de blog 1 juin 2013

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EUGENISTES, ENCORE UN EFFORT (AVANT DE FAIRE DISPARAÎTRE L’HUMANITE) !

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8. Poussière de sang

  Le monde est rempli de foules décérébrées qui vivent dans des univers de fantaisie basés sur la religion et le divertissement.

Paul Watson

L’enjeu du mariage pour tous, le courant par dessous, la fin visée, ce n’est donc pas l’égalité, ce n’est pas non plus un progrès vers plus de liberté partagée, vers plus de responsabilité solidaire, et ce n’est pas davantage une « nouvelle morale » libérée du vieux naturalisme : c’est, dans un futur proche, avant d’atteindre le point d’irréversibilité, la liquidation de toute filiation biologique pour créer des individus désapparentés.

Ce désapparentement des individus, dernière déconstruction  avant la création d’un « homme nouveau », a un précédent dans l’histoire de la modernité : la « libération des serfs » à la fin du moyen âge, pour les rendre disponibles, une fois désassujettis de leurs anciens seigneurs, en tant que simple main-d’œuvre, aux besoins de la nouvelle économie.

Entre les serfs prolétarisés et l’homme désapparenté qui va se répandre sur le marché, on a pris conscience, depuis Hiroshima, de la mutation de l’humanité vers un nouvel homme « atomisé ». Au-delà du désapparentement, qui rendra demain ce nouvel homme étranger à toute filiation - tout en étant de plus en plus irradié -, ce qui est visé dès à présent, c’est la liquidation de la sexualité dans la reproduction et le contrôle scientifique de l’évolution biologique avec le retour, plus opératoire que les nazis ne l’avaient jamais pratiqué, de l’eugénisme.

La loi de l’histoire qui veut que les vaincus « se reproduisent » dans leurs vainqueurs trouve dans ce retour une confirmation ironique. L’objectif n’en est pas moins sinistre : à la nature, source de différences et d’inégalités, substituer l’uniformité d’une espèce stabilisée, qui paiera la possibilité de ne plus muter par la dépendance où elle se trouvera envers ses manipulateurs ; avec, au fond, la revanche des « gros cerveaux à petite bite » sur les « beaux mâles bien membrés qui s’attirent les faveurs des femelles » et gagnent la lutte dans la compétition pour la reproduction… La répétition en somme du passage darwinien de l’animalité à l’humanité. Ce que Michel Houellebecq, dans Les Particules élémentaires où il développe ce genre d’idées, appelle « sortir de la nature » avec ses dévorations carnassières, ses rivalités sexuelles et ses luttes barbares pour la suprématie.

Sauf que l’eugénisme n’a pas pour contre-modèle la longue histoire de l’humanité, qui n’a rien à voir avec cette caricature : ce n’est que le dernier avatar de l’idéologie étatique au service de la mondialisation capitaliste, où il s’agit pour les dominateurs de « briser les dernières barrières qui séparent l’individu du marché » [i].

Le combat contre la nature, l’exaltation de la société « inconditionnée », l’humanité débarrassée de ses gènes récessifs, « l’égalité génomique », ne font que masquer une entreprise visant non seulement à détruire les liens sociaux librement contractés, mais à renforcer les déterminismes - aussi arbitraires que finalisés - d’une société où ces liens inauguraux, pratiqués depuis des temps immémoriaux, traqués depuis l’avènement des Etats jusqu’à être rendus impraticables, seront devenus impensables.

Créer de l’impensable : ils n’en sont plus au coup d’essai. Depuis l’avènement des Etats, les conditions existent où les vérités fondamentales sont inversées.

La première de ces vérités est que ce n’est pas la nature qui asservit les hommes, ce sont des hommes qui asservissent d’autres hommes, moyennant la soi-disant « conquête de la nature ».

Mais les racketteurs, les manipulateurs, les exploiteurs disent que c’est la nature qui est la cause de tout le mal et qu’eux-mêmes sont des libérateurs. Toute leur technologie, toute leur science, toute leur civilisation, tous leurs progrès, toute leur religion ne sont là que pour nous « libérer de la nature ».

Deuxième vérité : les liens libres sont ceux que les hommes et les femmes contractent entre eux moyennant la reconnaissance des conditions données, premières et naturelles, de leur existence. C’est cette reconnaissance qui est la condition d’une liberté partagée.

Mais eux, les exploiteurs, les manipulateurs, les saccageurs : la nature n’existe plus, l’humanité l’a vaincue, seule existe désormais cette espèce  supérieure et déterminatrice, le vrai monde commence avec elle et la liberté est pour chacun de suivre son désir - à condition de ne pas empiéter sur le désir du voisin, tempère, un rictus en coin, le législateur.

Dans le monde des vérités inversées, le combat contre la nature mené par les saccageurs qui la caricaturent en bestialité n’est pas neuf. Si la nature est bestiale, elle doit être matée. Dieu en a décidé ainsi. L’homme a péché, il doit payer. La « dette » vient de loin, comme on voit…

La mythologie qui accompagne ce glorieux combat contre la bestialité et pour le « rachat » de l’humanité évolue avec la technologie qui la fait changer d’époque. Mais non de religion.

Dans le roman de Michel Houellebecq auquel j’emprunte ce développement, l’humanité parvenue au sommet de son évolution grâce à la science, consciente cependant de ses imperfections - au point d’en être lasse, de se dégoûter et de souhaiter sortir d’elle-même - est aussi capable, dans le même moment, de créer les conditions de son propre dépassement. Quelle aubaine ! Elle qui ne pouvait plus se supporter, voilà qu’elle va pouvoir accéder à l’éternité ! Non pas telle qu’elle est, certes, avec tout l’arriéré qu’elle trimballe, mais améliorée, désanimalisée, asexuée et par là immortelle, débarrassée enfin de son humanité, comme elle a su se débarrasser en chemin de tous les témoins de son animalité.

En finir avec l’histoire : tel serait le sens caché de l’histoire… Tel le secret de la « nouvelle religion » scientiste qui menace de nous submerger… tous frères et sœurs par notre génome enfin stabilisé… tous fils et filles indifférenciés du Dieu unique...

Sauf que ce n’est pas avec l’histoire qu’on en finit par cette voie, mais avec l’humain, que le Dieu unique n’a jamais été que l’argent, et que le mythe rédemptionniste, sous l’accoutrement scientiste, n’est que le masque rapetassé de l’entreprise étatique d’asservissement de l’humanité poussée avec le triomphe de l’eugénisme à sa plus fanatique extrémité.

Science-fiction, dira-t-on… Mais la science-fiction est plus vraie que l’histoire. La science-fiction devance l’histoire. Et la technoscience suit. Une génération suffit pour que les enfants, - de plus en plus enfants tout le long de leur vie, - aillent grossir les foules décérébrées qui déjà vivent dans des univers de fantaisie. 

L’histoire est une drogue. La réalité est la disparition de l’humanité à grande vitesse. L’aspect le plus terrible de cette réalité, c’est la manipulation qui aboutit à son consentement.

Entre le consentement inconscient et la disparition irréversible, il y a le temps d’une rétrospection mi hallucinée mi nostalgique, où l’humanité dénaturée assistera au film de ce qui lui est passé inaperçu pendant qu’elle le vivait.

*

Les peuples doivent pouvoir faire ce qu’ils veulent sans qu’aucun Etat ne s’en mêle ni ne prenne l’initiative d’aucun déplacement de population. C’est aux gens à porter à la connaissance de leur société leurs choix collectifs, c’est à leur société de débattre en vue de sa mise en œuvre.

En aucun cas un choix qui engage toute la société ne devrait être imposé dans une logique d’opposition.C’est une vision complètement erronée de la vie politique. Mieux vaut un compromis et un mélange de satisfactions et de frustrations partagé tant bien que mal par tout le monde. C’est le prix à payer dans une société à la fois unie dans sa volonté d’exister, fière de sa diversité, ouverte, changeante, dynamique – et où les gens s’aiment bien. C’est aussi une façon de ne pas perdre les moyens de se soigner elle-même quand elle en a besoin. Sans partage des peines, pas de possibilité d’auto-guérison naturelle, de chamanisme. Ce n’est pas à l’Etat d’imposer des cohabitations forcées au nom d’une vision partisane de la république infiltrée par des communautés apocalyptiques.

Que la manipulation génétique ne soit pas considérée comme un crime indique un combat juridique à mener. Que la loi entérinant le  « mariage pour tous » soit un leurre pour la faire passer dans les mœurs est un acte de propagande qu’il y a lieu de dénoncer. Mais ce qui est plus grave, ce qui est monstrueux, ce contre quoi il faut s’armer, c’est que cette propagande d’Etat soit un moyen de faire accepter - et même souhaiter - par les peuples leur propre disparition, sa propre déshumanisation par l’humanité.

Les hommes doivent être nés et renés pour appartenir. Leurs corps doivent être faits de la poussière du sang de leurs aïeux. 

Hehaka Sapa 

[1] Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, 2005.


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