A Passifou : merci pour le rappel de mise en garde contre les "ismes". Inventions certes que chacun est fondé à considérer depuis un point de vue qui lui est propre et n’en fait pas partie. Commodité de la pensée systématisante aussi, tout brillants qu’ils soient, les ismes brillent rarement par la finesse. C’est en pensant à ce défaut que votre réponse m’en rappelle une autre, et une autre - en fait tout un courant, le courant « intimiste ». Des ismes à l’iste, je n’avance guère, me direz-vous. Disons alors l’intimité – un thème cher à T. E. Lawrence, qui, tout intimes que fussent sa vie et son idéal, n’en a pas moins joué en Arabie le rôle que l’on sait.
Incidemment, le problème que vous soulevez est celui du rapport entre civilisation et capitalisme (dans le temps, où le second succède historiquement à la première, dans le fond où il l’annule en prétendant l’accomplir mondialement) ; - incidemment, puisqu’à vos yeux une civilisation n’a guère plus de réalité qu’un isme. Appelez-le comme vous voudrez. La question reste : jusqu’où la subjectivité – je ne dis pas la conscience – peut-elle se revendiquer indépendante des énormes machines à conditionnement qu’on voit agir partout ?
Même un prophète du "changement de monde", un VRP du numérique (qui va arrondir ses fins de mois en allant distiller sa piquette idéologique aux étudiants d'Amérique - et rien sur l'atomisation de la lutte des classes, rien sur la guerre endémique, rien sur le nucléaire civil, l'armement atomique, l'anti-civilisation capitaliste !) comme XYZ, l'a remarqué :
« Nous vivons un temps de terrorisme économique. »
Un des effets de ce terrorisme, qui règne depuis la "révolution conservatrice" Thatcher-Reagan des années 1980, a été - qui ne l'a remarqué? - une extinction de la pensée.
Sans préavis ni sommation ciblée - cela, on l'a moins remarqué... Bougie docile, elle s'est éteinte comme intimidée...
Les meneurs de jeu, les grosses têtes des années 60… l’élastique de classe – leurs intérêts financiers - a eu raison de leurs problématiques. On avait pris pour de la pensée une rhétorique d’héritiers.
Révolution du désir, Mai 68 a fini dans la publicité.
Clandestine en temps de famine, la pensée qui résiste observe le temps et sait s'accommoder de l'obscurité.
On a assez parlé des palinodies post-soixante-huitardes. Si on est fondé à parler aujourd’hui de terrorisme, c'est que le terrorisme n'est pas seulement celui qu'on peut montrer du doigt, dans le droit fil de "l'Axe du Mal" made in USA qui ne cesse de le provoquer. Le terrorisme, c'est aussi celui dont l'efficacité s'est imposée avant qu'on ait pu le voir montrer le bout de son nez.
La manipulation inconsciente – invisible, jusqu’à la flagrance où elle s’affiche. Surplombante, intimidante, humiliante (mot qui, pour les publicistes, n’a aucun sens, n’évoque aucune expérience.)
Le terrorisme économique n’est pas seulement un réductionnisme, qui aboutit à faire de l’argent l’étalon de toute problématique. C’est plus que ça. C’est le linceul chatoyant du faux réel derrière lequel se cache une force bien réelle : l’armée.
Invisible, introjectée, aurait dit Ferenczi, jusque dans l'intimité du désir.
Intimité menacée, dont on pressent qu’elle ne sera bientôt plus possible, en raison d’un pouvoir égal à celui que les monothéismes ont réussi pendant vingt siècles à imposer – et continueront, avec la complicité de l’industrie, à instiller, si, au sein de l’intimité, et comme à sa racine, l’instance policière qui la dénonce au public, nous ne veillons à l’empêcher de se greffer…
La morale a beau jeu, quand la finance encule le monde entier!
Au-delà du désir plus facile à culpabiliser, c'est la liberté de conscience qui est visée.
La liberté n’est pas une valeur ajoutée à la conscience, un surplus dont on puisse se passer. Ou dont on puisse se débarrasser sans conséquence. La liberté est l’élément de la conscience.
Mais l’élément, ne l’avons-nous pas encore assez appris ? est précisément ce dont un système oppressant s’emploie à nous priver. La terre, l’air, l’eau… La nature, l’esprit… L’humanité multiple… L'infini...
Notre besoin de terre est essentiel, ils la privatisent. Nous ne pouvons pas vivre hors de toute société, c’est dans un monde enrégimenté que nous sommes nés. Du désir à la pornographie, libertaire par conformisme, la marchandisation de l’intime n’a pas de limite. La « culture » en est pleine à déborder.
Penser, quand on est jeune, est poétique : c’est sentir.
On ne le saura qu'après : c’est être relié.
Il y aura toujours des consciences irréductibles. Eternelle minorité.
Ecririons-nous si nous ne pensions pas que les consciences manipulées ne puissent accéder un jour à la majorité ?
Eloge de la fragilité…
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… Des mots pour décaper.
Que 2013 soit l'année où tout sera osé. Les beaux face à face en perspective! Retroussez vos manches, apôtres de la non-pensée !
Pas un hasard, la vie?
L'histoire, progressiste?
La Nature, à votre service?
La crise, un tsunami ?
Ces idées (sans point d’interrogation) sont les rivets de votre machine terroriste. C’est à ces boutons que se visse votre investissement de l’Inconscient collectif. A peine effleuré, chacun y sent affluer sa conscience dans une culpabilité partagée - originelle en somme, « naturelle » ! Frisson d’unanimité rassurée… Tous s’y voyant peu ou prou piégés, aucun ne pense pouvoir y échapper. Alors, sauter ensemble dans la machine écrasante, plutôt que d’en être écrasé… ?
Relevez-vous, enfants du hasard et de l’histoire multiple, dans l’amour de la Nature prolifique et la conscience des cataclysmes provoqués ! Le gai savoir nouveau est arrivé.
A vos concepts, têtes trouées ! La tribu dispersée des penseurs non brevetés encercle vos cités. Essayez d'oublier vos comptes en banque ! Et – aujourd’hui apôtres de l’absurdité industrielle divinisée - que vous étiez des prêtres dans les siècles passés !
Poétique par essence, la pensée est un outil quand vient le temps d’agir. Elle mènera la révolution, ou le terrorisme sera complet et la révolution n’arrivera jamais – et si elle arrive sans la pensée, tout sera de nouveau à recommencer.
Pour une révolution dans la pensée, joie et santé !