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Billet de blog 13 avril 2013

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POEMES PROPHETIQUES ET MODERNES

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je voyais deux soleils

j’étais au pied d’un arc-en-ciel

une ombre à côté de moi

fauchait l’air avec sa hanche

Tu

as

connu

l’Illumination

A présent tu pèles une mandarine

Tu

as

connu

l’Effroi

C’est une spirale aussi

Un cercle qui se boucle s’abolit

dans l’idée où son image s’origine

La mort n’arrête pas le devenir

Certes de nos illusions il restera peu de chose

lorsque nous serons passés à l’état d’âmes

dans la tension volontaire ou l’abandon effroyable

pour ce dont il s’agit

                                      mais non pour ceux qui viennent

si aucune trace de notre passage ne donne

réponse à la question faite homme

Leurs illusions seront les mêmes

L’imparfait, l’inachevé

ne se réincarne pas : il demeure

comme demeure en l’homme actuel

si peu de sa conscience ancienne

que tout ce qu’il ne sait plus lui fait peur

Parle donc

Il est à craindre

lorsque l’obstacle s’envole

qui du monde en l’histoire nous isole

solidairement

lorsque l’histoire devient folle

que la parole aussi s’envole

par intermittences.

LABYRINTHE

Pour traverser le Labyrinthe

il faut voir qu’il est avant le Déluge.

Il faut le mettre à sa place, non dans l’espace

(ce serait se méprendre)

mais dans le temps, c’est-à-dire dans le ciel.

C’est l’endroit où ne sait pas.

C’est l’endroit où on se perd.

C’est l’endroit avant que ça commence.

Ce sont les entrailles du Temps.

C’est le Cancer.

C’est par là, disait Platon, qu’entraient les âmes.

Dans le sens du Même.

Aujourd’hui, pour se faire entendre, il faut parler si fort !

Que reste-t-il de l’ancien savoir ?

Que reste-t-il du temps où l’on en savait tant

qu’on ne pouvait s’exprimer, à l’égal de l’Univers,

que par énigmes ?

Que sont devenus Virgile et Dante  ?

Pythagore, Héraclite, Orphée, Homère  ?

Apollodore et celui qui fit Tristan ?

Et l’inventeur d’Arthur, Merlin, et celui d’Hamlet ?

Disparus ! Moins dure serait la perte

si des graines semées jadis

à poignées égales, étoiles, âmes,

ici-bas une avait souvenance !

WARIME

Flux de maladies ! Flux de maux

contenus dans la mallette

& multipliés par tous les animaux qui, tués,

les transmettent,

à moins que l’on ne chante !

Car entre Cela

dont le propre est de se dissimuler

& celui dont la pensée est absente,

le monde, qui n’est pas seulement son aliment,

déploie ses multiples masques

& ce qui pour les uns est maladies

pour d’autres est chant.

C’est ainsi que l’homme se tient sur la limite

où le monde existe dans son double regard :

à la fois créé & nourrissant

& nourrissant sans transmettre de maux

cela dont on reconnaît, chantant, la provenance.

Etre poète en temps de famine, c’est, chantant,

dire ce dont on se nourrit selon sa provenance.

Et le chaman qui peignit Lascaux

ne faisait pas autre chose.

La peinture était son chant.

Peignant, il chantait l’histoire des animaux

passés, présents et à naître,

& la chasse était une respiration entre deux strophes.

Et Orphée ne faisait pas autre chose,

qui se nourrissait des parfums dont les strophes

disaient les multiples noms cachés dans les choses.

Et par tous les temps, 

quelle que soit la couleur de l’époque,

les parfums dominants

& l’usurpation des essences,

les poètes se reconnaissent

à ce qu’ils n’ont jamais fait autre chose.

ZU 'UYA

Tristes alors ceux qui n’entendront pas la langue de zu’uya.

Ils baisseront les yeux et s’affligeront dans leurs cœurs.

Tristes seront ceux qui n’entendront pas le patois inconnu du royaume.

Tremblants seront leurs genoux.

Leurs dents se frotteront entre elles mais il n’en sortira aucun verbe

Hormis la crainte d’être réduits en poudre

Dans le retrait de leur langue et le grain de leur chair

Ils se verront broyés par leurs propres mâchoires, ô mes frères aînés,

Mes frères cadets ! Tristes seront ceux qui n’entendront pas

La langue de zu’uya lorsqu’ils parviendront au sanctuaire,

Ayant franchi toutes les enceintes, arraché nos emblèmes,

Jeté nos enfants aux chiens, asservi et massacré,

Tristes seront-ils après la dernière porte

Lorsque s’apprêtant à prendre le sceptre

Ils n’entendront pas le patois qui moud les apparences !

Tremblants seront leurs genoux.

Dans leurs cœurs, mes frères

Aînés, mes frères cadets, ils

Souhaiteront n’avoir jamais été

Quand leurs dents commenceront leur œuvre !

MARS

Mars terrible est entré.

Si le Monde se remettait à parler

ce serait encore plus terrible

car, alors, il ne suffira plus d'entendre.

Quand le Monde se remettra à parler

et que tout le monde l'entendra

ce sera trop tard

— pour tout le monde!

JEUNESSE

Le visible

quand la lumière

au second souffle du printemps

devient si vive

cymbale aux bleus et aux verts

dans les robes et par les jambes

de celles qui à ce mai même

on ne sait de quel bois sorties

mêlent leurs couleurs aux parfums des fleurs qui s’abandonnent

pour l’agacement des pollens

dans l’allée où

par mille lèvres

nous allons goûter le premier vin du désir

le visible

tout ce qu’il y a à en faire

c’est de le vivre.

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