A UNE BEAUTE RENCONTREE EN CHEMIN
Sur mon blanc cheval allant par la
route fleurie j’effleure de ma
cravache son beau carrosse. Elle
soulevant le rideau de perles
d’un sourire me montre la
Maison Rouge dans les nuages :
« C’est là. »
LI PO
Comme, sur une route, celle dont il ne sait
si c’est elle, s’il l’a vue ou si c’était dans un rêve.
Non loin du petit bois où sont les ruines
qui défendent au cœur d’y pénétrer sans rompre.
Quand la nuit monte de la terre
& ce qui ne respire plus s’éveille.
Un autre l’a vue - pas le mort - son voisin.
Le cheval a fait un écart. Je me souviens.
J’ai cru voir une forme en avant du paysage
comme un visage tourné vers mon âme.
Une femme à côté de moi n’a rien vu -
elle lui ressemblait pourtant.
A présent je crois être où vont mes lèvres
et celle qui répondait au nom de femme
à son pas, la nuit s’évente.
Qui est mort ? Qui est vivant ?
On ne le sait plus quand on ne reconnaît plus
l’âme d’un aïeul dans un enfant.
Ils ne reviendront plus dès lors
Mais à leur place
“ce que nous ne sommes plus”
elles nous le remémorent
nos peurs.
Les dieux s’en sont allés
ailleurs
ils sont vivants.
Nous, retournés, de dos,
porteurs de mort,
leur masque
“ce qui en nous a cessé ”
l’accrochons
à la queue d’un chien.
Ou, plus faiblement,
dévoreuse d’excréments,
la lune.
Mais
pour eux,
même plus
- Jour sanitaire.
D’où vient l’air ? Qu’est-il devenu
en nous placé dès l’origine
ayant traversé mainte figure
qui nous apparente
à tout vivant
- mangé pourtant ?
L’un - d’où sa force - sacrifie
au principe de toute vie
& passe obscur parmi hommes.
Il y a telle
impermanence
dans les éléments
que limpide
est la conscience.
“Ce qui n’est pas”
la femme en route
m’a dit
être source
de mémoire.
Quand la nuit descend sur la terre
inconnue
ses habitants
rétractés dans la lumière
d’un festin funèbre.
Où
des ruines
d’un ancien savoir
qui se transmettait
à voix secrète
l’esprit
libre de toute trace
observe les vivants qui l’ignorent
& choisit parmi eux
ceux qu’un rapt a jetés sur les chemins de l’enfer.
Jean Monod