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Billet de blog 3 juin 2017

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Donner sa chance àMacron? Un non sens démocratique

La France a-t-elle besoin d’un parlement de godillots? En est-on vraiment arrivé au triomphe des crétins utiles?

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L’entreprise de bourrage de crâne initiée dès avant l’élection présidentielle continue et les sondages se multiplient pour peser sur un électorat  auquel, en lui faisant croire que le clivage droite et gauche est dépassé, on veut surtout bander les yeux sur la nature de classe des politiques annoncées, conduites et déjà mises en oeuvre.
Et de même qu’on s’étonnait de l’indifférence de l’électorat de MLP aux questions posées par les magistrats sur l’usage de fonds publics ou le financement de ses activités politiques, on peut tout aussi bien demeurer stupéfait par l’aveuglement d’un électorat sollicité pour les législatives, apparemment incapable de comprendre l’orientation strictement droitière du gouvernement, nonobstant les ralliements ou les offres de service d’élus ex-PS soucieux de conserver un mandat considéré comme une prébende, ou  d’analyser l’ahurissant casting des candidats du mouvement du PR.
Apparemment incapable, car il n’est pas sérieusement possible de croire que l’élection du nouveau président résulte d’un vote d’adhésion. Pour des raisons différentes de celles de 2012, le nouvel élu a bénéficié essentiellement du rejet de son adversaire du second tour. Cela légitime l’élection de la personne mais c’est une imposture politique que d’en tirer la conclusion que cela légitime le programme qu’il a porté pendant la campagne. La question de la légitimité est d’ailleurs en elle-même une question ahurissante quand on compare le fonctionnement de nos institutions, les pouvoirs de l’exécutif en France, et la situation dans les autres pays de l’UE et de l’OTAN, exceptés les cas de la Pologne, de la Hongrie ou de la Turquie!
Le problème de la droite
Il est difficile pour la droite d’attaquer le nouvel élu sur des bases solides: prétendre que son gouvernement est truffé de socialistes, sauf à penser que le mot n’a effectivement plus de sens, est un exercice de communication auquel l’électorat a du mal d’adhérer car le PM, les twins de Bercy sortent directement du parti Les Républicains, car personne n’ a jamais cru que Bayrou, Goulard ou De Sarnez étaient de gauche, car enfin parmi les autres ministres l’examen de leurs pratiques récentes ne permet pas de conclure que leur engagement social est autre chose qu’un badge plus ou moins rosi: Collomb, par exemple, maire de Lyon, de gauche, c’est à peu près aussi crédible que Tapie parangon de vertu et aucun des ralliés à Macron n’appartient au groupe dit des frondeurs.
Le parti Les Républicains ayant renoncé à la totalité de l’héritage gaulliste pourtant invoqué encore par quelques uns d’entre ses membres, il est difficile pour ses représentants de mettre en évidence une distinction évidente d’avec le macronisme conquérant: le commandement militaire intégré de l’OTAN, la souveraineté nationale face aux empiètements permanents de l’UE, le traitement de la « dette publique » sans remise en cause de ses origines réelles (cf. la loi du 3 janvier 1973 et il est clair aussi que les candidats de la droite comme ceux du PR ne peuvent dire à l’instar de l’ancêtre Rothschild: « Donnez-moi le contrôle de la monnaie d’une nation, et je me moque de qui fait ses lois ».), la coquecigrue sans base « économique » crédible des 3% de déficit public par rapport au PIB, la casse sous forme de privatisation ou de fermeture des services publics, la remise en cause de la protection sociale, la négation confirmée de la retraite comme rémunération continuée du travail, d’autres sujets encore ne constituent pas un motif de rupture entre la droite d’hier et le parti du nouveau président.
L’électorat  de droite le sait et même la question de l’accroissement des prélèvements fiscaux sur les classes moyennes ( avec, entre autres mesures, la hausse de la CSG) ne permet pas une mobilisation autour du programme  des candidats emmenés par M. Baroin, puisque tous ont répété à satiété qu’aucune autre politique que celle des efforts à faire n’était possible .
Si les partis conservateurs ou « réformistes » en France n’ont jamais été capables d’avouer, à une  notable exception  près, qu’ils se comportaient en «  gérants loyaux »  du système économique, il n’en demeure pas moins que la classe dominante n’a jamais eu à se plaindre vraiment de ses commis politiques.
Les media  contrôlés par l’oligarchie ou le pouvoir ne sortent pas des sentiers battus du conformisme requis.
La notion de classe sociale et a fortiori celle de lutte de classes étant bannie du vocabulaire audible, il appartient aux politiciens de droite de reconnaître  que les intérêts qu’ils servent ne sont pas  nécessairement liés aux leurs en tant qu’individus.
La confusion de la « gauche »
S’il n’est pas simple pour la droite classique de mener campagne, la gauche ajoute à ses propres difficultés quelques éléments de désunion de son propre chef.
Le candidat arrivé quatrième au premier tour et son équipe ont évalué le nombre de circonscriptions dans lesquelles, sur la base d’un maintien du capital de suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle, et en tenant compte du fait que le maintien au second tour pour les élections législatives est fonction d’un pourcentage d’électeurs inscrits, l’étiquette de la France insoumise pourrait permettre d’envisager d’obtenir des élus.
L’électorat de JLM n’étant pas homogène on aurait pu penser que la recherche d’un front de gauche sur des bases claires, comme l’opposition à la loi travail ou au CICE, s’imposerait.
Ce ne fut pas le choix retenu par un leader qui, oubliant l’hétérogénéité de son électorat, croit pouvoir forcer le destin. Pari risqué dont la conséquence la plus probable à ce jour est l’élimination de tout candidat de « gauche » dès le 11 juin dans nombre de circonscriptions.
La présentation de candidats de FI face à des députés sortants qui se sont opposés  sur des bases de « gauche » aux gouvernements de FH et en particulier à celui de Valls auquel participa Macron, ne peut guère s’analyser que comme une volonté hégémonique d’incarner l’opposition de « gauche » au nouveau président.
Cela ne fait que s’ajouter à un effet pervers du système de financement de la vie politique dans notre pays qui permet d’engranger dans les caisses des partis des sommes proportionnelles au nombre de voix obtenues, pourvu que ledit parti ou micro-parti, ait obtenu 1 % des suffrages exprimés, et qui explique la multiplication des candidatures.
Le ridicule ne tue pas depuis longtemps mais des pointes à 24 candidatures différentes dans certaines circonscriptions donnent une idée peu flatteuse de leurs motivations car il est difficile d’imaginer que l’éventail politique français soit aussi diversifié
On pourrait plaider que cela permet au moins l’expression en continu d’un débat politique ouvert, mais il semble cependant qu’un autre système de financement de la vie politique pourrait être envisagé, sauf à préférer l’instauration d’une élection proportionnelle intégrale des députés, dans la circonscription unique que serait la République ou dans des circonscriptions plus larges que le seul département, comme pour l’élection au parlement de Strasbourg.
7882 candidatures pour 577 circonscriptions, c’est manifestement une caricature de démocratie représentative, a fortiori dans le cadre d’une constitution dans laquelle l’exécutif est maître y compris du travail législatif.
Pour la « gauche » cette dispersion est une véritable trahison des intérêts de classe  des salariés, des petits , des obscurs, des sans grade car elle méconnaît le principe de réalité, qu’il est utile de prendre en compte dans l’évaluation des rapports de forces.
Et pourtant elle tourne...
La volonté de décider par ordonnances d’un amoindrissement supplémentaire des garanties accordées aux salariés a donné lieu à ce que la presse, peut-être par goût de la formule, mais sans doute sans avoir réfléchi à ce qu’elle recouvre et aux critiques légitimes qu’elle suscite, a nommé speed dating, soit à des rencontres unilatérales entre le PR entouré de ministres et conseillers et le dirigeant de chaque confédération à représentativité irréfragable (comme l’avait établi un acte du ministre du Travail en 1966!).
Cela n’indique pas une profonde volonté de dialogue social et le président du Medef en parlant de marché du travail à la sortie de son propre rendez-vous à l’Elysée, n’a sans doute pas pensé qu’il rendait ainsi hommage à la plus évidente des analyses marxistes sur le mode de production capitaliste et qu’il ne rendait pas nécessairement un très bon service au président, si tant est que les électeurs citoyens n’aient pas perdu tous leurs repères.
Dans la logique gouvernementale, comme dans celle de la loi El Khomri-Valls, il s’agit bien de favoriser les syndicats maison, dans un rapport de forces défavorable au niveau de l’entreprise et de briser tout référentiel de compensation à l’inégalité fondamentale entre l’employeur et le salarié en recherche d’emploi.
Le modèle commun au Medef et à l’équipe nouvellement installée est fondé sur le mensonge pratique et théorique que les règles qui protègent les salariés entravent le travail, avec une confusion volontaire sinon assumée entre travail et emploi, alors que « l’ubérisation » d’un certain nombre d’activités et de services montre bien l’objectif poursuivi de désagrégation du salariat.
C’est à peu de choses près le discours du XIX ème siècle, aggravé, car l'histoire ne s'arrête pas, par la dimension de globalisation financiarisée dans la recherche du profit de court terme. L’expérience  historique séculaire et les modèles allemand, anglais, espagnol etc actuels nous montrent que toutes les réformes qui ont diminué les droits des salariés ne se sont traduites par aucun gain réel en matière de créations nettes d’emplois qualifiés mais au contraire par un développement de la précarité, de la pauvreté et du creusement des inégalités.
Quand 13 % de la richesse matérielle évaluable est entre les mains de 0,004 % de la population (cf. étude du New World Wealth) et que le creusement des inégalités se traduit par une baisse consécutive du PIB dans les pays avancés (étude du FMI), on peut s’interroger sur la nécessité de laisser au PR si jeune que le monde entier nous envie ( la flagornerie des media est sans limite dans leur volonté d’abuser leurs publics), une « chance » d’appliquer un tel programme avec une majorité inexpérimentée, soumise et sans base doctrinale commune avouée ou avouable...

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