Eva Joly n'a pas tort
La toute nouvelle candidate d' EELV a proposé que le défilé militaire du 14 juillet soit remplacé par un défilé citoyen... La malheureuse avait sous-sestimé la mauvaise foi de la gent politicienne en général et de ses compétiteurs en particulier, et les critiques plus ou moins véhémentes soit directement exprimées par certains candidats, soit répercutées par des porte-voix dévoués, sinon éclairés, n'ont pas manqué. La mauvaise foi le disputant d'ailleurs à l'approximation historique ou à la manipulation idéologique....
Sa proposition pose cependant en effet une question centrale, qui peut être le lien entre la Nation et son armée, mais qui est surtout la nature même de la citoyenneté.
Il ne suffit pas de parler du sang versé depuis des siècles, on ose espérer que les armées d'Ancien régime n'étaient pas incluses dans cette amphigouri (discours embrouillé et incompréhensible note de PB), pour justifier la présence d'un corps particulier de la société dans la célébration de la Fête nationale... La Nation ne doit pas qu'à son armée d'exister et c'est généralement par la levée en masse de ses citoyens qu'elle a su se fonder ou se défendre. Les peuples n'aiment pas les missionnaires armés, l'actualité le rappelle ici et là.
Il est d'ailleurs singulier que les mêmes souvent qui ont voulu une armée de métier, qui sous des arguments techniques, qui pour des raisons budgétaires n'aient que rarement intégré dans leur raisonnement la question d'une armée citoyenne et les avantages d'une conscription, aux modalités certes améliorables mais à laquelle ils ont préféré renoncer, pratiquement deux siècles après sa création...
Le 14 juillet de l'an 2011 n'a rien à voir avec la fête de la Fédération de 1790, et certains seraient bien inspirés de réviser l'histoire même de la fixation de la Fête nationale.
Une armée de métier peut certes être une armée en communion avec le peuple souverain, à condition que les élus, mandataires et seulement mandataires de cette souveraineté, ne biaisent pas les questions, ne trompent pas leurs mandants et soient aussi vertueux que leur devoir l'exige. Ce qui pour beaucoup trop n'est pas.
Les élus de villes de garnison, pourtant souvent simultanément législateurs et responsables du vote des budgets et lois de programmation, ont protesté naguère contre une réforme qui ôtait à leur ville un régiment, un corps, une tradition, une activité, mais l'on n'a guère entendu de mise cause d'une politique de défense absconse voire indéchiffrable pour le citoyen et que le fait du prince a réinséré dans des problématiques où l'intérêt national ne saute pas aux yeux. L'existence de l' OTAN sert de prétexte à l'absence de politique de défense européenne aussi bien qu'au refus d'une réflexion collective sur ce que pourrait être ou devrait être une Défense nationale pour la France. L'exécutif prend des décisions sans que le Parlement réagisse vraiment et il faudrait trouver cela normal?
Les cris d'orfraie des adversaires mal inspirés de Mme Joly recouvrent aussi bien quelques relents de xénophobie à son encontre qu'une parfaite hypocrisie sur leur propre positionnement quant aux principes et aux buts d'une politique de défense, conforme aux voeux des citoyens, totalement négligés dès qu'il s'agit d'enjeux économiques et financiers cruciaux, et pas seulement en matière militaire il est vrai.
Que le France soit un grand marchand d'armes mais qu'elle n'ait pas les moyens de projeter seule une division ou que son unique porte-aéronefs soit quasi aussi régulièrement en maintenance qu'à la mer, n'apparaît comme une contradiction à personne... On devrait pourtant s'en inquiéter... L'effort militaire de la France est à peu près celui du Royaume-Uni, les deux tiers de l'effort chinois, mais celui-ci est en croissance rapide, un dixième de celui des USA mais celui-là n'a pas peu contribué à la catastrophe financière que les Républicains qui ont contribué à la créer refusent d'assumer... Pour autant quel Français peut dire que la doctrine militaire de la France est la sauvegarde des intérêts géostratégiques de la Nation dans le monde, la défense tous azimuts des Droits de l'Homme, le moteur d'investissements nécessaires pour les technologies de pointe, y compris dans des domaines de recherche sans applications absolument garanties ou immédiates, militaires ou pas.
L'empathie pour les soldats tués au combat et pour leur famille ne suffit pas à justifier les critiques encore moins les insultes adressées à une magistrate qui a dignement servi.
Au fond ce qu'on reproche à Eva Joly c'est en fait d'avoir dit que l'éthique est possible en politique, y compris au sommet de l'Etat. L'espérance d'un vrai changement passe pourtant par la conscience qu'auraient les citoyens, électeurs et contribuables, qu'une telle conjonction est possible, souhaitable et nécessaire.