« Marcher sur Bercy » est un thème de promenade dominicale particulièrement rassembleur. C’est celui choisi, ce dimanche, par Jean-Luc MÉLENCHON pour exprimer son existence.
Je ne suis, ni plus ignorant que beaucoup d’autres, ni moins naïf que la grande majorité des Français, mais le choix de ce but de manifestation contestataire m’interroge quand-même très sérieusement.
Je sais bien l’importance de l’Administration des Finances de notre pays, mais j’avais encore la candeur de penser qu’à Bercy ne se trouve que l’administration chargée de mettre en œuvre la politique fiscale et budgétaire votée par le Parlement sur proposition du Gouvernement.
Pourquoi, par conséquent, aller manifester jusqu’à Bercy, un dimanche où nul fonctionnaire ne se trouve sûrement à son bureau, plutôt qu’au Palais Bourbon ou au Palais du Luxembourg ?
Mon propos pourra apparaître à certains comme tout à fait subsidiaire et négligeable, mais se tromper de symbole n’est pas du tout secondaire à mes yeux.
Si j’en viens maintenant au fond, je pense tout à fait dangereux de choisir « l’injustice fiscale », qui pour beaucoup sert de paravent à un refus de la solidarité, y compris pour un ministre des finances … qui aurait dû être aussitôt déchargé de cette trop large fonction pour ses étroites épaules dès lors qu’il popularisa le « ras le bord fiscal » dans un moment d’expectoration démagogique.
Depuis quelques mois, et plus encore depuis que le Père Noël n’est plus le seul à coiffer un bonnet rouge en cette saison, il n’y a pas une catégorie plus ou moins épargnée de la population française qui n’embouche sans aucun complexe ce thème du « ras le bol fiscal » fondé sur l’idée que l’impôt ne frappe que ceux qui font la fortune de la France et ce d’une façon profondément injuste. Que ce soit un thème de droite et de droite-extrême ne peut étonner personne, même si le niveau actuel de prélèvements obligatoires est, à très peu de choses près, l’héritage d’une décennie de gouvernement par cette même droite.
Je ne suggère nullement que Jean-Luc MÉLENCHON ait les mêmes revendications poujadistes que ceux qui ont fait reculer le gouvernement sur l’éco-taxe.
Mais je pense qu’il joint sa voix, bien imprudemment, à un concert de pleureuses qui ne pensent qu’à baisser la charge des dépenses collectives incombant aux plus favorisés. Entonner la même chanson et sur le même air que ceux que l’on combat, peut difficilement aboutir à une bonne compréhension de ce que l’on veut dire même si c’est le contraire de ce que raconte la droite … et surtout si le chœur des chanteurs ne connaît pas les paroles et se contente de chanter la la la la, en ne retenant que la mélodie qui a été concoctée en sous-sol !
Il faut faire attention à la frontière entre populaire et populiste et tel qui croyait récupérer pour lui la colère, risque bien d’alimenter surtout les récupérations de l’autre bord.
Jean-Paul Bourgès 1er décembre 2013